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31 mai 2002 — Les neo-cons sont furieux. Ils l'ont fait savoir par le canal habituel, le Weekly Standard et
Quelques remarques sont nécessaires pour tenter de mieux rendre compte de la situation à Washington.
• Il n'y a pas eu décision de ne pas attaquer en Irak, c'est-à-dire volonté politique de changer de cap. Il y a eu l'intervention des chefs militaires qui ont dit : nous ne pouvons pas (certainement pas avant 2003, peut-être même jamais) parce que nos forces ne sont pas prêtes, pas suffisantes, etc. Nous avons tenté par ailleurs, dans notre plus récente "Analyse", d'expliquer cette situation, extraordinaire en regard de l'image dévote que nous entretenons de la puissance américaine. C'est là que devrait se situer l'enjeu de la révolution conceptuelle pour les Européens : comprendre qu'à cause de particularités très spécifiques et malgré les masses d'argent et de matériels disponibles, l'Amérique est aujourd'hui, militairement, au bord de la paralysie qui implique l'impuissance stratégique et, par conséquent, l'impuissance politique (puisque les USA conditionnent leur rôle dans les relations internationales à leur puissance militaire, pas à leur diplomatie). Nous ne pouvons qu'espérer (l'espoir fait vivre) cette révolution copernicienne de notre ''jugement'', où la fascination du regard pour l'image serait remplacé par le bon sens de l'esprit qui accepte de juger librement.
• Il n'y a pas eu changement politique à Washington mais, plutôt, approfondissement de la confusion régnant dans la capitale américaine. William Pfaff rend parfaitement compte de cette situation dans son article du 30 mai de l'International Herald Tribune. Le débat contradictoire, cacophonique, agressif, entre durs bellicistes (les neo-cons) et modérés plutôt temporisateurs (type Powell), continue à faire rage, mais un peu à vide, sans l'instrument qui est l'enjeu de ce débat (la force militaire US et s'en servir ou pas).
• Notre appréciation est que les modérés type-Powell sont toujours minoritaires, voire marginaux. Le paradoxe de la situation est qu'ils semblent l'emporter puisque la force militaire nécessaire à la satisfaction des projets de leurs adversaires est aux abonnés absents, dans tous les cas pour le vaste projet de l'attaque massive contre Saddam. Cette victoire dans la bataille interne à Washington n'est que tactique et temporaire, comme la défaite des durs.
• Ce qui est remarquable ces derniers mois à Washington, c'est de constater avec quelle maestria et quelle facilité la pensée extrémiste des bellicistes a gagné du terrain et touché l'essentiel de l'establishment US. On a en un exemple avec l'article publié le 21 mai dans le Financial Times par l'ancien secrétaire à la défense (1973-75) James Schlesinger. Nous étions habitués avec Schlesinger à un conservateur ferme mais raisonnable et mesuré, nous découvrons un conservateur extrémiste qui vitupère contre les Européens, à l'imitation des commentaires des neo-conservatives.
Cela signifie que Washington n'est pas apaisé et n'a pas changé sa conception, sa vision belliciste, déstabilisante, etc. Cela signifie que Washington est frustré, furieux pour certains (les neo-cons), amers pour d'autres (les conservateurs pragmatiques, type Rumsfeld), devant cette impuissance militaire dont il ne vient à aucun responsable américain l'idée de s'interroger sur la cause profonde. Cela ne présage nullement un rééquilibrage, une plus grande maîtrise de soi, mais au contraire une imprévisibilité encore plus grande, toujours plus de menaces, d'accusations, etc., et surtout, — cela pour les dirigeants européens, — encore plus d'unilatéralisme et d'irresponsabilité.
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