FDR, au secours, – suite et sans fin

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Parmi les divers cris de détresse qu’engendre la crise globalisée qu’a déclenchée le système, – puisqu’il s’avère ainsi que la globalisation existe, – se signalent ceux qui renvoient à notre Saint à tous. Il s’avère également, autre confirmation, que la popularité de Saint-FDR est si grande, presque autant qu’elle le fut aux sombres jours de 1932-1933. Cette fois, c’est un vieux de la vieille du conservatisme libre-échangiste britannique, un pilier du Times, William Rees-Mogg, qui en appelle aux mânes fameuses dans sa chronique du 6 octobre, – cette fois pour prier humblement pour que Barack Obama veuillent bien s’en charger et s’en faire l’écho. L’idée de Rees-Mogg est bien sûr que nous avons besoin d’un exceptionnalisme américaniste, d’une façon ou l’autre, – celui du système lui-même, celui du président s’il ne reste que cela, – « Could Obama be the new Roosevelt? The world is facing another crisis of financial confidence – we need an exceptional American president to deal with it.»

C’est une étrange démarche que d’en appeler au système qui n’a pas marché, qui s’effondre dans un bruit d’enfer, d’en appeler à lui précisément pour qu'il nous sorte de là; mais notre pensée, lorsqu’il s’agit de l’Amérique, rejoint l’hébétude lorsque la fascination ne suffit plus. Pour autant, ne nous décourageons pas et voyons le propos, qui est d’appeler Obama à se transformer en Franklin Delano Roosevelt…

«There has been less discussion of the similarities of the US political situation in the election years of 1932 and 2008. It cannot be said that the presidential debate has so far shown much intellectual rigour. Of the four candidates in these elections, the incumbent Republican president in 1932, Herbert Hoover, probably had the best grasp of economic theory, though it could be said that the existing theories were inadequate for the crisis.

»The Democratic candidates were Franklin Roosevelt in 1932 and Barack Obama in 2008. Neither man had qualified as an economist, both had trained as lawyers, both went to Harvard. In 1904 Roosevelt stayed on an extra year to edit the Harvard Crimson; Obama became the editor of The Harvard Law Review. Both were, or are, gifted orators, relying as politicians on an ability to communicate to the public, and move them.

[…]

»But the optimism of Roosevelt was infectious; gradually confidence began to return after he took office. The Democrats did not have all the answers, but they seem to have fewer wrong answers than the Hoover Republicans. Roosevelt believed in reflation rather than further deflation. In the 1930s Roosevelt was the prophet of hope for the United States, just as he was for the free world in the 1940s. He was a very, very great President.

»This is again an opportunity for the Democrats. The world is facing another crisis of financial confidence, for which the Republican administration is widely blamed. Can Barack Obama, if he is elected, restore confidence in 2008 in the way Franklin Roosevelt did after his victory in 1932?»

La mission affectée à Barack Obama serait alors de retrouver les qualités de “grand communicateur” de Franklin Delano Roosevelt. Et cela devrait commencer par le coup de maître de FDR, son discours inaugural de mars 1933, si avidement commenté aujourd’hui avec la phrase fameuse sur la peur.

«However, we do know when the last global banking crisis was turned round, when confidence started to recover. Indeed, the Great Depression has precise dates for its beginning, which was the Wall Street panic on October 24, 1929, and for its recovery point, which came with Franklin Roosevelt's inaugural address on March 4, 1933.

»In his 1,000-page biography of Roosevelt, which has become one of my most valued works of reference, Conrad Black observes that there are only two other inaugural addresses that are as well known to Americans, John F.Kennedy's in 1961, and Abraham Lincoln's second inaugural on March 4, 1865. American schoolchildren are still taught Lincoln's great pledge: “With malice towards none; with charity for all; with firmness in the right as God gives us to see the right.” That was Lincoln's commitment to reconciliation after the Civil War. Only assassination prevented him from fulfilling it.

»Roosevelt's inaugural address has been quoted repeatedly in the past few weeks. “This great nation will endure as it has endured, will revive and will prosper. So first of all let me assert my firm belief that the only thing we have to fear is fear itself – nameless, unreasoning, unjustified terror which paralyses efforts to convert retreat into advance.”»

Cette référence à FDR et à son action est logique dans le déroulement de la crise, lorsque les méthodes financières et habituelles ne donnent plus guère de résultat comme c'est le cas. On voit qu’elle est faite désormais essentiellement, sinon exclusivement, dans le champ de l’action psychologique, de la communication, qui caractérise l’arrivée de FDR au pouvoir (ce que nous identifions comme la “tragédie historique”, qui s’accomplit entre l’été 1931 et le printemps 1933, et non l’“accident économique”, qui dura au moins jusqu’en 1939-1940).

Il nous semble qu’on peut alors proposer trois remarques à propos de ce commentaire.

• La première est de se demander si l’opinion publique a la perception, même inconsciente, d’une tragédie historique, comme celle de 1931-33, de façon à pouvoir répondre à l’incitation envisagée. Le paradoxe dans ce cas est que cette remarque revient à se demander si l’opinion publique a assez peur, si elle est assez désespérée pour que le choc envisagé ait assez de force pour la rétablir complètement en transformant la puissance de cette peur en puissance d’une sorte de renaissance.

• La deuxième remarque concerne la perte de confiance observée d’une façon générale, qui concerne particulièrement le système lui-même. Cela est perceptible au travers notamment de la colère contre le plan Paulson, c’est-à-dire indirectement contre Wall Street. Ce sentiment n’existait pas en 1932-33, trois ans après le grand krach de Wall Street. A cette époque, le désespoir avait complètement submergé tous les autres sentiments, y compris la colère éventuellement antisystème (qui s’exprima plus dans les années 1934-36) et c’est là-dessus que l’action de FDR fut si efficace.

• La troisième remarque est de savoir si Obama lui-même a la perception de cette tragédie historique, et s’il saurait éventuellement se dégager du carcan du conformisme du système. Cela revient à se demander, en fonction de la remarque précédente, si Obama saurait attaquer d’une certaine façon le système lui-même, qu’il parvienne à se transformer en “Gorbatchev américain”… Jusqu’ici, son orientation ne va guère dans ce sens, par exemple lorsqu'on observe qu'il fut l'un des principaux soutiens du plan Paulson.

La conclusion est une remarque d’ordre plus général. La puissance de l’intervention de FDR tint en ce qu’elle était imprévue et inattendue. Ce que propose Rees-Mogg, étant d'ores et déjà tenu pour un fait acquis qu'Obama sera élu, c’est de planifier et de préparer l’imprévu et l’inattendu. Cela mesure la difficulté de la tâche.


Mis en ligne le 7 octobre 2008 à 07H34