FDR et lui

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Nous connaissons William Pfaff. Ce remarquable chroniqueur et éditorialiste américain est également un historien aux qualités rares, sensible aux éléments humains et aux forces qui échappent aux catégories et à la vision mécaniste du monde. Il y a chez lui de la précision, un beau style, une vision critique qui ne repousse pas la fermeté et la sévérité en refusant de tomber dans l’excès, et une belle pudeur du sentiment.

Notre sentiment, à nous, est que William Pfaff, qui vit en France, à Paris, souffre de l’évolution de son pays. D’une façon assez intuitive, nous serions portés à penser que son dernier article, — «Franklin Delano Roosevelt and Me», publié le 21 décembre — pourrait figurer comme un commentaire secret de cette souffrance cachée.

Après un mot rapide sur le Washington d’aujourd’hui, qu’on lit en ressentant quelque mépris sous la plume de l’auteur («There is a certain sense of crisis, yet belief remains that America still leads the world, although national confidence has been shaken.»), Pfaff s’engage dans l’évocation de l’Amérique de FDR et après à l’occasion de la visite qu’il fit au Franklin Delano Roosevelt Memorial. Il termine par quelques lignes sur la visite de la partie du mémorial consacrée à la Grande Dépression, la plus terrible crise moderne qu’ait connue l’Amérique et la plus grande œuvre de FDR, lorsqu’il parvint à en faire sortir son pays.

«Most affecting, for me, at the Tidal Basin memorial, was the “room” given over to the Depression, with George Segal statues of men standing in a breadline, utterly accurate representations of the ragged jobless men and hardscrabble farmers one saw every day in small southern towns and cities.

»Segal also has such a man, in overalls, seated on a kitchen chair, bending forward to listen to a radio — the instrument of Roosevelt’s communication with the people. That really brought the past back. Tears came into my eyes. I found it hard to speak to my wife, and to the old friends with us, until we had finally left this memorial to FDR’s America, which was also mine — more than I today knew.»

Il est difficile de ne pas ressentir, dans cette évocation, une comparaison implicite entre l’Amérique de ces années-là et celle d’aujourd’hui, entre la crise de ces années-là et celle d’aujourd’hui. Il y a quelque chose qui est plus significatif qu’une crise elle-même affectant un pays, et c’est la façon dont ce pays réagit contre cette crise, et l’homme que ce pays se choisit pour vaincre cette crise. Il est difficile de ne pas trembler à la comparaison qui s’impose alors, entre le FDR de 1933 et le GW d’aujourd’hui, entre l’Amérique de la Grande Dépression et l’Amérique de la guerre contre l’Irak.

Il est difficile de ne pas lire dans les cinq derniers mots bien plus que du regret ou de la nostalgie, — mais une perception désespérée et noire comme de l’encre de l’Amérique d’aujourd’hui.


Mis en ligne le 25 décembre 2006 à 17H47