Fille “Démocratie”

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Fille “Démocratie”

Démocratie est fille, pas matrone, pas mère, seulement Fille, féminine comme liberté, révolution, beauté, intelligence, charité, autorité. Elle naît à Athènes au 5e siècle a.c. Son tyran, son dirigeant, son stratège, son protecteur, son philosophe, son autocrate, son souteneur, c’est, trente ans durant (-461-429) un homme, un certain Périclès, prince masculin. Démocratie fut bête noire d’Aristote et Platon. Socrate, son héros malheureux, usa de son démocratique libre-arbitre de citoyen non pour élire à l’ecclésia mais obéir à son délire et tirer sa révérence.

Démocratie est au départ la réalisation d’un un vieil héritage aristocratique qui n’avait pas les moyens matériels de ses ambitions. Aristote, ce grand penseur qui pensait plus loin que ses certitudes, dit de son initiateur, le tyran Pisistrate (600-527), qu’il « avança de l’argent aux pauvres pour leurs travaux ». Hérodote ajoute qu’entre 570 et 508 Clisthène poursuit l’œuvre tyrannide en faisant « entrer le démos dans son hétairie ». Enfin, impérialisme aidant, le cratos de ce démos emprunte à l’Athènes esclavagiste-impérialiste les chouettes d’argent de son « populisme ». Il lui fallut piller le monde alentour, faire suer le burnous grec, pour avoir le loisir de convoquer et interroger de temps à autre 6000 citoyens athéniens libres. Le symbole de cette liberté démocratique est Périclès, aristocrate-gestionnaire averti, politique intelligent, machiavel précoce, jouisseur confirmé qui prit pour femme Aspasie, prostituée d’orient, c'est-à-dire Fille pas encore Mère. Savante et chaleureuse, elle sauva son âme et fit fructifier son sens humain. La démocratie lui doit sans doute autant que le christianisme à Marie-Madeleine, Fille elle aussi, complément nécessaire de la Mère… quand elle est sainte. Si bien que la « mère » de la démocratie est bien Athéna, déesse vierge « qui n’eut pas de mère pour lui donner la vie » puisque sortie armée du cerveau de Zeus son père qui « .../. mit au monde cette fille insensée et funeste qui médite sans cesse les plus affreux desseins »./... Contre elle « tu n’emploies ni paroles dures ni châtiment pour la retenir dans de justes limites; pire, excitée par toi, père de cette odieuse furie, elle s'attaque aux immortels eux -mêmes »! (Reproches d’Arès à Zeus dans l’Illiade, chant V ; 872 sqq).

Le succès de notre révolution de 1789 eût pu en être un si après cette date, notre bourgeoisie au lieu de se goinfrer et d’exploiter le peuple de France (désormais enchaîné par les lois Le Chapelier), avait partagé le pouvoir avec les nobles révolutionnaires et mis à leur disposition les moyens financiers nécessaires pour enrichir progressivement, libérer, ennoblir, chaque citoyen comme le firent Clisthène et Périclès, quitte bien sûr, comme Athènes, à faire suer le burnous des autres peuples de la terre. Ce qu’elle fit d’ailleurs mais pour son compte (cf Jules Ferry, héros de Hollande). Non seulement nos bourgeois exploitèrent le monde mais réduisirent aussi notre peuple à la misère, misère qui engendra un communisme lui-même misérable, qui ne connu aucune ecclésia, aucun vote libre et aucun RMI comme celui donné par Périclès.

Seul un aristocrate méprise la richesse. Un bourgeois la désire de tout son cœur et ne voudra jamais la partager. C’est pourquoi il sera beaucoup plus difficile de faire rendre gorge aux bourgeois actuels qu’il ne le fût de faire rendre gorge aux aristocrates et au clergé de l’Ancien Régime. Il y eut des Périclès en France. De Maistre fut un Périclès aristo-clérical, Baudelaire un Périclès poète anti-bourgeois résumant l’essentiel par son « Etre riche et aimer le travail » que n’aurait pas dédaigné ce Périclès germano-anglais que fut Marx s’il l’avait connu, lui qui avait sur le poète le mérite d’être pauvre et de se tuer au travail. Le Périclès du XXe ne fut pas Blum, plutôt L.F Céline, fils du peuple et Janus bifrons de l’aristocrate de Gaulle qui résuma un jour sa philosophie de l’histoire ainsi : « Je n’aime pas les communistes parce qu’ils sont communistes, je n’aime pas les socialistes parce qu’ils ne sont pas socialistes et je n’aime pas les miens car ils aiment trop l’argent ». Au XXIe, les Périclès sont rares. Mélenchon, tard dans son histoire, a mis le pied à l’étrier d’un destrier fatigué. Devra-t-il porter le cheval ? Dupont-Aignan est sans destrier. La Pen est à la fois cheval de retour et leurre dont toute démocratie a besoin pour se faire pipi dessus quand tout espoir est perdu. Jusqu’où Mélenchon sera-t-il capable d’aller? A une hauteur que peu sont incapables d’atteindre ? Sa franc-maçonnerie, amusement anglo-saxon qui joue entre autre chose à se faire croire que le roi Salomon a tenu la truelle, n’est-il pas son talon d’Achille ?

Les révolutions qui ont suivi 1789 dans le monde ont été toutes très sanglantes et n’auraient pas pu être autrement car elles s’attaquaient aux bourgeois, ces Harpagon arrogants et haineux des XIXe, XXe et XXIe siècles. A l’est, Lénine, penseur et philosophe des Lumières, voulut le bonheur de la Russie mais toute révolution abaisse et dévore ses fils. Par ailleurs, le temps et les esprits n’étaient pas mûrs. Le Mir (*) n’avait pas donné toute sa substance, constitué qu’il était de pauvres sans capitaliste autour pour le faire accéder au statut de Liberté-Propriété, le rentabiliser! Il lui manqua un Colbert dévoué, le capitaliste Voltaire et le partageux Rousseau. C’est pourquoi les aspirations démocratiques des Russes regardent toujours l’Arctique, le pays des ours, et sont pour l’instant congelées dans le chant et la prière à la gloire d’Hyperborée. D’aucuns pensent que le permafrost un jour fondra.

L’idéal communiste est un idéal aristocratique : « De chacun selon son travail à chacun selon ses besoins » en fut la formule utopique, puisque le « besoin » des hommes prendra encore quelques millénaires à se distinguer de leur désir. Et pourtant Dieu sait si un être qui pense, qui consacre l’essentiel de son temps à penser le monde, à « créer du monde humain », a de grands besoins spirituels et de tout petits besoins matériels ! Que donc, pour cet être pensant, le seul partage qui vaille, c’est celui de l’intelligence et du cœur. Tous les hommes qui, à toutes les époques, ont mérité le qualificatif de « grands » étaient « communistes », savaient qu’il n’est rien de plus haut pour un homme que de mettre ce qu’il a et ce qu’il n’a pas en commun avec les autres hommes. Cette richesse bon marché n’est pas à la portée de toutes les bourses et de toutes les intelligences.

Et on revient à Athéna, à Périclès et à sa noble hétaïre. Une déesse, un homme supérieur et une femme plus encore. La déesse et la courtisane furent et sont restées, chacune à leur façon, les « Princesses au petit pois » de l’isonomie. Lui Périclès, est le Prince Charmant qui un jour, cloné de Socrate, annoncera un autre <-Pancreator.

Marc Gébelin

Note

* L'origine du mir est inconnue. Ce système prit fin par les réformes agraires de Stolypine de 1906 à 1911. Dans la Russie impériale, la grande majorité des paysans tenaient leurs terres en propriété collective via un « mir », sorte de coopérative. Les terres arables étaient divisées en parcelles basées sur la qualité du sol et la distance au village. Chaque ménage avait le droit d’avoir une ou plusieurs parcelles en fonction du nombre d'adultes dans le ménage. Ces parcelles étant périodiquement réparties par le conseil du mir composé des chefs de familles, sur la base d'un recensement pour assurer une répartition équitable des terres. Le mir gérait aussi les impôts de manière collective. Le mir pouvait contenir des serfs à côté des autres paysans, sans différentiation visible autre que leur lien moral et financier avec leur propriétaire (Wikipédia).