Finalement, la guerre a-t-elle bien eu lieu ?

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Finalement, la guerre a-t-elle bien eu lieu ?


7 octobre 2004 — Tout s’effondre comme prévu, comme un château de cartes mal foutu. On nous annonce ce qui était plus ou moins évident pour qui montrait un tant soit peu de bon sens tout au long de la mascarade avant, pendant et après ce qu’on n’ose nommer “la guerre contre l’Irak”. Successivement, hier, nous sont venues des précisions concernant trois points de polémique autour de la guerre ; et ces trois points se résolvent bien entendu au désavantage complet de la position officielle américaine. Un aspect intéressant de ces événements qui ne doivent pas surprendre, c’est qu’ils viennent d’hommes de l’administration et contribuent à faire de la version de l’administration pour la guerre une plaisanterie sinistre.

• Rumsfeld nous dit qu’il n’y avait pas de liens entre Saddam et Al Qaïda.

• Paul Bremer nous dit qu’il a demandé à Washington des troupes supplémentaires pour tenter de freiner la dégradation de la situation en Irak, — en vain.

• Le chef de la mission de recherche des ADM en Irak arrête ses recherches et annonce le résultat : bredouille.

Selon The Independent du 6 octobre :


« The first blow came when Donald Rumsfeld, the Defence Secretary and a prime architect of the war, told foreign policy experts that he had never seen “strong, hard evidence” linking Saddam Hussein with al-Qa'ida.

(…)

» Hours later, the man who was the US pro-consul in Iraq for 15 months until June 2004 complained that the Bush administration failed to send a large enough force to deal with the violence and looting after Saddam had been toppled. “We never had enough troops on the ground,” Paul Bremer told an insurance conference in West Virginia. Yesterday the Democratic challenger, John Kerry, leapt on the admission by Mr Bremer, who headed the Coalition Provisional Authority until it was disbanded. “Now we learn that America's top official in Iraq acknowledges that we didn't deploy enough troops and didn't contain the violence — I hope that Mr Cheney can acknowledge those mistakes tonight,” Mr Kerry declared.

» Mr Bremer tried to repair the damage, issuing a statement that he was referring only to the immediate post-war period and that he fully supported current efforts to train an Iraqi force to take over security duties. But the damage was done, with the remarks from a man who has been a staunch supporter of the President.

» In an earlier and hitherto unnoticed speech at DePauw University in Indiana last month, Mr Bremer confessed he “should have been even more insistent” in his advice to the administration. Had he been so, the situation today in Iraq might be much improved, he said.

» If that were not enough, almost every day brings new reminders of how Mr Bush's main rationale for the war — the threat posed by Saddam's supposed arsenal of illicit chemical, biological and nuclear weapons — has crumbled. At the weekend, The New York Times published new evidence that the administration presented Saddam's purchase of aluminium tubes as proof that he was reconstituting Iraq's nuclear programme — even as it was being told by its own experts that the tubes were destined not for centrifuges to enrich uranium, but for much smaller (and perfectly legal) artillery rockets.

» Today, Charles Duelfer, the chief US arms inspector in Iraq, is due to present a 1,500-page report to Congress concluding that Iraq neither had weapons of mass destruction, nor significant WMD production programmes at the time of the invasion. The only crumb Mr Duelfer can offer the White House is that Saddam intended to reactivate his plans to produce such weapons once UN sanctions were lifted. »


Le problème de la guerre d’Irak est que, pour en juger sérieusement, il ne faut pas prendre cette guerre au sérieux tout en sachant que ses conséquences sont, elles, sérieuses —  c’est-à-dire, les souffrances qu’elle engendre, les faiblesses qu’elle met à nu, les conséquences politiques, stratégiques et idéologiques qu’elle suscite. “Ne pas la prendre au sérieux”, c’est voir dans tous ces événements de ces derniers jours la confirmation que ce conflit a été déclenché pour des raisons grotesques par rapport à la réalité de la situation : outre d’être illégale (cf. Koffi Annan), cette guerre était injustifiée, inutile et stupide, et elle est historiquement insensée. Il est normal d’attendre d’elle qu’elle aggrave les problèmes qu’elle était censée résoudre (c’est en cours) et qu’elle crée pour le pays qui l’a déclenchée (l’Amérique) beaucoup, beaucoup plus de problèmes qu’elle ne lui apporte de satisfactions (c’est en cours également).

Toutes ces révélations ont été présentées comme un coup très dur porté à Bush pour sa réélection. C’est à voir. L’Amérique est si totalement isolée, son opinion est si complètement faite par rapport à des perceptions uniquement internes, à la fois pour et contre GW Bush, qu’il est possible que l’impact soit beaucoup moindre qu’on ne le prévoit. Cette campagne électorale, autant que le jugement politique des Américains aujourd’hui, est basée sur une montagne de mensonges qui sont moins destinés à tromper qu’à satisfaire les uns et les autres en les confortant dans le seul but qui importe aux USA et aux Américains : entretenir le mythe absolu de la vertu américaine. On est conforté dans cette analyse, sans partager pour autant la surprise de Rupert Cornwell, de The Independent (mais en partageant son scepticisme sur les effets des déclarations de Rumsfeld), quand on lit le dernier paragraphe de son article :


« Whether Mr Rumsfeld's candour will change the way the country thinks is another matter. A CNN/Gallup poll has found that 42 per cent of Americans still believe that the former Iraqi leader was involved in the attacks, and an astonishing 32 per cent that Saddam had planned them in person. »


Reste un mini-mystère, pour ceux que cela intéresse : pourquoi des gens comme Rumsfeld et Bremer parlent-ils comme ils le font, — d’ailleurs en se rétractant plus ou moins ensuite ? Réponses simples, au choix ou additionnées : parce qu’ils ne savent pas tenir leur langue, parce que cet amoncellement de mensonges est épuisant à porter, parce qu’ils veulent tirer leur épingle du jeu devant l’évidence historique, parce que les affrontements internes dans l'administration s'aggravent et ainsi de suite ; en ajoutant tout de même la plus impérative des raisons, dite crûment parce qu’à ce niveau d’évidence il importe d’être brutal : parce que le gouvernement des Etats-Unis est, aujourd’hui, un bordel incontrôlable.