First préoccupation

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First préoccupation

25 juin 2002 – La doctrine first strike de GW commence à inquiéter quelques experts US. On en juge d'après un article du Chicago Tribune du 24 juin. Ces experts détaillent certaines critiques et donnent quelques appréciations, dont certaines confirment d'autres tendances que nous évoquons régulièrement. (Ceci, par exemple : « ''I don't think the American military has much of an appetite for invading Iraq,'' said political science professor John Mearsheimer, co-director of the University of Chicago's Program on International Security Policy. ''I don't think they consider it that great a threat to the U.S. Most people in the American military believe Iraq can be deterred even if it has nuclear weapons, and I think they are correct.'' »)

De façon générale, la critique de la doctrine first strike est évoquée en ces termes :

« President Bush's emerging doctrine advocating pre-emptive military strikes against America's adversaries or terrorists possessing weapons of mass destruction could lead to unintended, and in some cases disastrous, consequences, defense analysts warn.

» Since Bush outlined his new security doctrine earlier this month at West Point, N.Y., Iraq has been identified as the first potential target of a preventative U.S. war, in this case to pre-empt the possibility of dictator Saddam Hussein attacking the U.S. with biological, chemical or nuclear weapons. Some military experts fear, however, that the implementation of such a policy could have the opposite effect. By signaling that the objective is to kill Hussein or topple his regime, through the use of CIA operations or a U.S. military invasion of Iraq, some predict the Bush administration could actually provoke a response using weapons of mass destruction from a cornered Hussein.

» Striking first against adversaries has other risks as well, critics of the emerging policy warn. In the absence of clear evidence that these nations intend to attack the U.S. or its citizens, Washington would be setting an example for other nations that it's acceptable to skirt international norms and act unilaterally. »

On voit qu'il s'agit d'une appréciation critique rationnelle d'une ''stratégie'' dont on estime qu'elle a été déterminée rationnellement. Notre conviction est que ce n'est pas le cas. L'appréciation critique est fondée car cette critique relève de l'évidence. Mais l'important est cette insistance pour la rationalisation, aussi bien de la part de ceux (de l'administration GW) qui insistent pour faire du first strike une ''stratégie'' que de ceux qui critiquent cette stratégie.

Qu'est-ce que la first strike ? Quelque chose qu'a pratiqué l'administration Clinton tout au long de sa politique activiste (tirs de missiles divers [Soudan, Afghanistan], attaques épisodiques contre l'Irak, etc). L'attaque contre le Kosovo, malgré les aménagements divers, relève in fine de la first strike. On peut, en remontant, avancer que divers actes US de la Guerre froide, avec divers actes soviétiques dans la zone d'influence soviétique, relevaient de cette stratégie : il y avait deux stratégies du first strike parallèles, coordonnées selon les nécessités. Cette stratégie est la plus vieille stratégie du monde ; c'est la stratégie du plus fort et la stratégie du plus fort n'est rien d'autre que la stratégie du désordre. Le désordre est plus ou moins grand selon qu'on applique plus ou moins la stratégie. Il n'y a rien là de bien nouveau, sinon le volume de l'emploi de cette stratégie, l'activisme de ceux qui la promeuvent et les moyens dont ils disposent. L'ajout de l'administration GW est cette volonté rationaliste de légalisation du désordre couplée à une affirmation forcenée, voire hystérique, de vouloir faire la guerre dans toutes les directions, selon un jugement des motifs qui ne dépend que d'un processus propre d'évaluation dont les arcanes sont incontrôlables. Cette stratégie à légaliser s'accorde évidemment avec l'unilatéralisme et la volonté pressante américaine de retrait des institutions multinationales qui maintiennent tant bien que mal un semblant d'ordre international.

L'important est cette volonté de rationalisation, dans un cadre hystérique d'alerte générale et permanente contre un ennemi insaisissable où la stratégie du désordre est la seule voie considérée. Cette rationalisation relevant d'une recherche de la légalité, même une légalité absurde puisque ce serait la légalité du désordre, signale le caractère extrêmement inquiet, voire déséquilibré, de ceux qui conduisent cette recherche. Elle rend compte de la pathologie de la psychologie de la direction américaine, ce mélange permanent de panique et d'agressivité qui marque la politique GW depuis 9/11. La critique rationnelle de cette tentative de rationalisation d'une pathologie représente, à son tour, une volonté désespérée de tenter de maintenir cet ensemble dans un cadre raisonnable, et d'y conduire une critique raisonnable. Le problème n'est pas la first strike mais l'équilibre psychologique, l'état mental si l'on veut, de ceux qui la mettent en théorie autant que de ceux qui la critiquent. (Ces derniers paraissant les plus raisonnables mais ils doivent savoir que leur critique reste viciée, c'est-à-dire complice de l'objet de leur critique, tant qu'ils ne mettent pas en cause l'état psychologique de cet objet, et, d'une façon plus générale et beaucoup plus nécessairement, le système qui conduit à cet état psychologique.) Le problème du monde, aujourd'hui, n'est pas le terrorisme mais l'équilibre psychologique de ceux qui conduisent la politique de lutte qu'ils veulent globale sinon nucléaire dans certains cas de lutte contre le terrorisme.