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2460L’accord de gouvernement présenté par Olaf Scholz, successeur d’Angela Merkel, laisse peu de place au doute: l’exécutif allemand n’ira pas dans le sens des intérêts français. Rien d’étonnant pour Pierre-Yves Rougeyron, intellectuel souverainiste.
"On ne répare pas une relation qui n’a jamais existé. Depuis la fin de la guerre, tous les Chanceliers allemands ont été hostiles aux intérêts de la France. Scholz le sera à sa manière. Merkel l’était à sa manière, Schröder à sa manière et Kohl à sa manière."
Pierre-Yves Rougeyron, président du think tank souverainiste Cercle Aristote, est catégorique: aucune amélioration dans les relations franco-allemandes ne serait à attendre de la transition politique outre-Rhin. Le 24 novembre, cette dernière a franchi un nouveau cap avec la présentation par le futur chancelier Olaf Scholz de l’accord de gouvernement auquel les trois partis de sa coalition sont parvenus.
Parmi les grandes lignes de ce programme détaillé en 177 pages, le successeur d’Angela Merkel entend notamment maintenir des liens privilégiés avec la France. Un point qui, aux yeux de nombreux Français, tiendrait de la formalité. Pourtant, si l’Allemagne est depuis un demi-siècle le premier partenaire économique de l’Hexagone, la réciproque n’est plus vraie depuis 2015.
Par ailleurs, le fameux “couple” franco-allemand a, sous le quinquennat Macron, pris du plomb dans l’aile. Démantèlement d’EDF, menace sur le nucléaire, coopération économique et militaire à sens unique, etc. : jamais les points d’achoppement entre les deux rives du Rhin n’ont été aussi nombreux et apparents.
Or, Scholz vient d’annoncer une répartition des portefeuilles qui n’augure rien de bon pour la France : les Finances aux libéraux, grands partisans de l’orthodoxie budgétaire, et les Affaires étrangères aux écologistes, avec l’agriculture et l’environnement en prime. Ceux-là mêmes qui avaient poussé en 2011 Angela Merkel à sortir le pays du nucléaire et qui, depuis les bancs du Bundestag, avaient fait pression pour obtenir la fermeture de la centrale nucléaire française de Fessenheim.
L’atome est donc plus que jamais sur la sellette, tant à Berlin qu’à Bruxelles. En effet, la Commission européenne avait suspendu les négociations autour de la “taxonomie verte européenne”. Le nouveau pouvoir allemand en place, l’UE va pouvoir décider quelles sources d’énergie pourront perdurer sur son sol à l’horizon 2030. Autant dire que Berlin va pousser à la fin de l’énergie nucléaire sur le Vieux continent.
À cela s’ajoutent les récentes déconvenues françaises en matière de collaboration avec l’Allemagne dans le domaine de la Défense. Militaires et industriels français déchantent et le couple franco-allemand semble plus que jamais relégué au rang de vœux pieux. Voulues par Emmanuel Macron, les coopérations franco-allemandes autour du chasseur (SCAF) et du char (MGCS) du futur ont tourné au bras de fer avec Berlin, qui cherche à prendre l’ascendant technologique et industriel sur Paris.
D’autres collaborations entre les deux rives du Rhin tournent aussi en eau de boudin: l’Allemagne a ainsi abandonné le projet commun de patrouilleur maritime au profit d’un modèle américain et pourrait en faire de même avec la modernisation de l’hélicoptère de combat Tigre. De même, la coopération atour du drone MALE est au plus mal. Des déconvenues qui ne touchent pas que le domaine militaire:
"Les entreprises françaises sont en train de quitter Gaïa X [projet franco-allemand de cloud européen, ndlr.] parce que les intérêts allemands et leur volonté de détruire nos entreprises se voient de plus en plus”, ajoute Pierre-Yves Rougeyron.
En France, l’aveuglement semble pourtant perdurer. Paris plaide depuis des décennies pour une autonomie stratégique de l’Europe vis-à-vis de Washington et inscrit ses partenariats franco-allemands en matière d’armement dans cette optique. À l’inverse, Berlin fait depuis toujours de l’Otan l’alpha et l’oméga de sa politique de Défense. L’Otan est un « pilier central », une « partie indispensable de la sécurité de l’Allemagne » ont encore rappelé le 24 novembre les dirigeants des trois partis de la coalition gouvernementale.
L’autonomie stratégique européenne, une « illusion » avec laquelle « il faut en finir », avait d’ailleurs affirmé la ministre de la Défense d’Angela Merkel, Annegret Kramp-Karrenbauer (AKK), dans une tribune publiée dans la presse américaine début novembre 2020. Un papier qui s’apparentait à une véritable ode à la relation transatlantique et avec laquelle Emmanuel Macron s’était dit en « désaccord profond », déclenchant une réplique d’AKK. Après une telle passe d’armes, où une ministre allemande n’avait pas hésité à s’en prendre vertement à un Président français, comment faire fi des désaccords profonds entre les deux pays? Pour notre intervenant, le problème réside côté français:
« Le vrai problème, c’est l’élite française. Vous avez dans leur esprit une volonté d’en finir avec la France et de la remplacer par l’Europe. Or, le souci, c’est que les Allemands non seulement n’ont rien contre en finir avec la France – c’est le fil directeur de leur histoire –, mais ils ont leur propre agenda qui n’est pas celui de l’élite française. »
On retiendra notamment au début de mandat d’Emmanuel Macron, au détour de ses éloges du “couple” franco-allemand et de sa volonté de constituer des “Airbus de quelque chose”, une initiative pour le moins équivoque : offrir à Siemens la branche ferroviaire du groupe Alstom. “Offrir” dans le sens où dans le groupe issu de ce “mariage entre égaux”, seul l'allemand aurait eu le droit de monter au capital et donc d’en prendre le contrôle.
Bref, comme le résumait en juin l’eurodéputé Hervé Juvin, d’un point de vue allemand, “tout ce qui est à moi est à moi, tout ce qui est à vous se négocie”. Ironie du sort, c’est Bruxelles qui s’est opposé à ce deal particulièrement déséquilibré pour Paris. Une décision qui avait « fait bondir le gouvernement français. »
« Donner à quelqu’un l’illusion de devoir vivre avec une autre personne en échange de violences : c’est le schéma typique du couple dysfonctionnel et de la femme battue », raille Pierre-Yves Rougeyron.
(Pour Spoutnik-France)