Frankenstorm”, ou la “surprise d’Octobre” eschatologique

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Frankenstorm”, ou la “surprise d’Octobre” eschatologique

Le surnom de Frankenstorm semble être apparu le 25 octobre (voir notamment AP de ce 25 octobre 2012), et nous ignorons qui a forgé ce néologisme fait du nom de la créature de fiction (Frankenstein) et de storm (ouragan), – mais, en vérité, on ne pouvait mieux faire en fait de symbolisme(s) d’époque. Il s’agit de désigner l’ouragan Sandy, qui menacerait, non qui menace d’être impressionnant, monstrueux, sans précédent, – ou qui, peut-être, ne serait pas tout à fait cela, – les orientations des circonstances encore naturelles, y compris météorologiques, restant autonomes de nos prévisions. Qu’importe, Sandy-Frankenstorm est d’ores et déjà un personnage fondamental de la campagne présidentielle des USA, circa 2012. Il marque déjà l’histoire météorologique et politique des USA, par les mesures qui sont prises sur la côte Nord-Est depuis hier et par son interférence massive dans la campagne des présidentielles, dont on annonce d’ores et déjà qu’elle est plongée dans le plus grand désordre…

Le mélange de ces deux mots est intéressant, et effectivement lourd de symbole(s) : l’un désigne une créature monstrueuse créée par l’homme ; l'autre désigne, sous une appellation convenue des services météorologiques US, un phénomène naturel qui a acquis dans la perception de communication qu’on en a, notamment et principalement aux USA, des proportions épiques et politiques potentielles considérables depuis la catastrophe de Katrina à la fin août 2005… Il s’agit de symboles particulièrement adaptés à notre époque, symboles où l’eschatologie rencontre l’intervention humaine dans les mécanismes naturels… Ainsi en est-il de Frankenstorm, que l’on va voir interprété de plusieurs manières depuis que sa formation, au large de la côte Sud-Est des USA, s’est avérée menaçante. Vendredi, Sandy a frappé dans la Mer des Caraïbes et fait au moins 66 morts aux Bahamas. Sa trajectoire devrait l’amener à entrer aux USA par la côte Nord-Est, de Washington à Boston, y compris bien entendu par New York ; dès ce lundi, les premiers effets se feraient sentir sur la côte Est des USA…

• Hier soir, les premières mesures massives d’évacuation étaient annoncées et mises à exécution, notamment à New York où une partie (la plus basse) de la ville est évacuée par crainte des inondations (évacuation portant sur près de 300.000 personnes) ; ce lundi, le Dow Jones de Wall Street devrait être fermé («The New York Stock Exchange said it would close its trading floor on Monday for the first time since Hurricane Gloria in 1985. All stocks listed on the exchange will trade electronically, NYSE Euronext said»). Le Guardian du 29 octobre 2012 annonce : «New York partially evacuated before ‘super storm’ arrives; US presidential election campaign is also thrown into disarray…» Reuters, dans un texte constamment mis à jour (le 28 octobre 2012, et à suivre), décrit les mesures d’urgence qui sont prises partout, avec des millions de personnes déplacées : «Tens of millions of East Coast residents scrambled on Sunday to prepare for Hurricane Sandy, which could make landfall as the largest storm to hit the United States, bringing battering winds, flooding and even heavy snow.»

• La description de l’ouragan est désormais classique, sur tous les sites, sur toutes les chaines, dans tous les journaux, etc. Le 26 octobre 2012, CNN.News décrivait Sandy avec des références à mesure de Frankenstorm… «Worst case, Sandy could merge with a strong cold front from the west. The double threat could morph into a “superstorm” that could sit over New England for days, making untold trouble for millions of residents. Weather experts said it's a recipe not unlike 1991’s ‘Perfect Storm.’ “Expect it to move very slowly,” said James Franklin of the National Hurricane Center. “The large size of the system and its slow motion will mean a long-lasting event with two to three days of impacts.”» La couverture de communication de Sandy-Frankenstorm est telle (d’une telle abondance), encombrée de tant d’hypothèses et de constructions inédites ou obsessionnelles, qu’apparaissent d’ores et déjà des textes pour vous préciser ce qui est vrai et ce qui est faux dans ce fatras. Lire par exemple le «Frankenstorm: Fact and Fiction» du météorologiste Paul Yeager, sur Huffington Post du 27 octobre 2012… «There is plenty of media discussion related to the developing and dangerous storm system that's being called Frankenstorm. With so much information being generated from weather and non-weather sources, it's difficult to separate fact from fiction…»

• Il y a le facteur October Surprise… Dans cette élection présidentielle circa-2012 à la fois si tendue et si vide, à la fois si foisonnante de communication et sans le moindre enjeu direct, comme un affrontement de deux clones du même modèle qui se haïraient, rôde plus que jamais l’idée excitante d’une “surprise d’Octobre”. Il s’agit de l’image de communication d’un événement extérieur, si possible formidable et spectaculaire, si inattendu qu’on a déjà passé des mois à en décrire la possibilité, qui viendrait complètement bouleverser cet ordre apparent du “grand événement” de la politique-Système, horriblement ennuyeux et horriblement coûteux de la monnaie de singe des 0,001% de milliardaires, de banksters et de corporate capi, et pourtant dissimulateur d’insondables tensions (voir le 24 octobre 2012)… October Surprise, on pensait, par exemple, à une attaque de l’Iran, ou à la liquidation d’Assad par des héroïques SEAL US ; puis survient Frankenstorm, et aussitôt la question de savoir pourquoi ne serait-ce pas lui, la “surprise d’Octobre” ? Rapidement, l’un ou l’autre (Biden, Romney) a dû décommander un déplacement électoral ou l’autre dans telle ou telle région qu’on annonce déjà sinistrée. Ne peut-on imaginer que les opérations de vote soient retardées ici et là à cause de l’ouragan ? On imagine… Quels sont les électeurs les plus coriaces par gros temps, ceux qui n’auraient pas peur d’affronter le gros temps tandis que les poules mouillées resteraient chez elles ? Les coriaces sont du côté de Romney, les poules mouillées du côté de BHO, – avantage au premier… Ne peut-on envisager que l’élection elle-même soit reportée tandis qu’un désastre frapperait les USA ? On peut envisager, et alors c’est BHO qui en profiterait, jouant au capitaine courageux au secours des sinistrés dans les petits villages perdus ou les grandes villes déjà sinistrées par la crise économiques, privés d’électricité et de ravitaillement par la tempête... Il en est même qui vont jusqu’à envisager que Sandy est manipulé en Frankenstorm, par quelque procédé secret du Pentagone, pour pouvoir faire triompher un président en détresse ! Tout le monde s’est précipité sur l’hypothèse October Surprise et, pour une fois, le site Infowars.com, pourtant habituellement friand de complots catastrophiques, y compris du Ciel, en fait, sous la plume de Paul Joseph Watson, un rapport assez neutre et presque agacé, ce 27 octobre 2012.

«On the face of it, Hurricane Sandy is likely to be more of a concern amongst the Obama camp. For a start, if it does make landfall it’s almost guaranteed to hit areas on the coast where Obama is dominant. […] If the storm is anywhere near the scale of Hurricane Katrina, the presidential election would almost certainly have to be postponed, which would only work in Obama’s favor given that Romney is currently riding high in the polls.

»If the hurricane brings destruction and devastation, Obama will undoubtedly seek to exploit the opportunity to grandstand as a leader and protector, affording him the at least a taste of the kind of revered status enjoyed by President Bush in the aftermath of 9/11. AccuWeather.com Meteorologist Bernie Rayno is predicting ”power outages and flooding” as a worst case scenario that could disrupt early voting in some states. “That could have an impact even a week later depending on how bad the storm is,” Rayno added.

»Yahoo News is speculating that the hurricane could be the “October surprise” many have been waiting for – an unforeseen event could provide an election twist because “some power outages could last into Election Day.” “The storm is so wide that it will likely bring severe conditions to an area inhabited by 66 million people, including parts of North Carolina, Virginia, West Virginia, Ohio, Pennsylvania, New Jersey, Delaware, Maryland, the District of Columbia, New York, and Connecticut,” writes Scott Bomboy. Politico and ABC News are also suggesting Hurricane Sandy could represent the October surprise. Some are even speculating that the hurricane could be artificially steered in order to impact the election.»

• Cela (qui précède) ayant été écrit avec prudence, il y en a qui prennent l’affaire vraiment au sérieux, pour en faire un événement absolument catastrophique. C’est le cas du site WhatDoesItMean.com qui, ce 27 octobre 2012, fait de Frankenstorm un absolument horrible, résultant de l’“effondrement” du Gulf Stream et annonçant d’épouvantables catastrophes liées au réchauffement climatique et à la dégradation de l’environnement. Comme d’habitude avec “Sorcha Faal”, tout part d’un rapport schoking ou ominous circulant au Kremlin ou dans les environs, etc.

«An ominous report prepared by the Hydrometeorological Centre of Russia (HCR) on the “Frankenstorm” (aka Hurricane Sandy) barreling towards the Northeastern United States warns that this superstorms origins lie in the near complete collapse of the Deep Southerly Return Flow (DSRF) of the Gulf Stream this past week due to the unprecedented melting of the Greenland Icecap. The Gulf Stream, together with its northern extension towards Europe, the North Atlantic Drift, is a powerful, warm, and swift Atlantic Ocean current that originates at the tip of Florida, and follows the eastern coastlines of the United States and Newfoundland before crossing the Atlantic Ocean. The Gulf Stream, also, influences the climate of the east coast of North America from Florida to Newfoundland, and the west coast of Europe.

»The warm water and temperature contrast along the edge of the Gulf Stream are, also, responsible for increasing the intensity of cyclones, tropical or otherwise, such as the one approaching the US, this HCR report says. HCR scientists in this report note that NASA had previously warned about the melting of the Greenland Icecap this past July when they released satellite photographs documenting this environmental tragedy…»

…Pour nous, la véritable “surprise d’Octobre”, c’est sans aucun doute l’aisance avec laquelle Sandy est devenu Frankenstern, y compris et surtout pour notre compte dans la presse-Système, en un raccourci sémantique qui est symbolique de beaucoup d’obsessions de notre temps, généralement dénoncées par ce même Système (cette même presse-Système) comme des obsessions antisystème, complotistes, dissidentes, etc. Faire d’un ouragan par analogie de terme, en l’affublant du nom de Frankenstein, un événement de cette sorte si comploteuse, c’est en faire symboliquement une créature monstrueuse née d’une dépravation de la science humaine et de la manipulation de même, – ce qui renvoie aussitôt, bon gré mal gré, à toute la littérature hypothétique autour de la crise climatique et les rapports entre le Système né du “choix du feu” et de la dégradation de l’environnement  ; aussi bien, d’ailleurs, qu’aux obsessions complotistes, car Frankenstein reste aussi une créature née d’un complot implicite de la connaissance humaine échappant au contrôle de la raison. (Pour le “choix du feu”, voir notamment le 14 août 2009 : «Dans ‘Le choix du feu’, Alain Gras montre bien que le “choix” de la thermodynamique comme source d’énergie de cette civilisation, et instrument de mort de celle-ci au bout du compte, n’était nullement nécessaire ni inéluctable, et plutôt du à des accidents et à des circonstances qu’à une volonté arrêtée. On aurait pu choisir l’hydrodynamique, et les choses eussent été différentes.») C’est ici le système de la communication, qui a besoin d’une sémantique publicitaire, qui joue son rôle de Janus en désignant ces diverses références à très grande force de signification symbolique ; et, dans cette période électorale, l'évènement va être et est déjà, au contraire de Katrina, hyper-médiatisé et hyper-dramatisé, avec une sur-réaction des autorités et du Système. Cela n'exclut nullement le désordre, bien au contraire.

On notera aussi, bien entendu, l’évidente dimension eschatologique, au travers d’une catastrophe “naturelle” représenté comme un monstre épouvantable, et l’établissement involontaire d’un lien symbolique entre cette catastrophe “naturelle” et la situation politique US dont on sait qu’elle est à la fois corrompue, contestée et d’une fragilité extrême. C’est se référer à la dimension eschatologique qui, depuis au moins 2010 (voir notre texte du 13 octobre 2010), interfère à notre sens dans les affaires politiques courantes. Là aussi, il y a une démarche inconsciente qui est forte de symboles divers, et qui substantive effectivement la dimension eschatologique de la crise générale du Système.

…Et l’on ne peut qu’observer combien la presse-Système, le Système lui-même, si friands de dénonciations des manœuvres complotistes, des analyses dissidentes sur les montages, false flags, interprétations accusatrices d’évènements naturels, sur les manipulations d’évènements durant des processus politiques (October Surprise), sont, elle-même et lui-même, prompts à animer de telles hypothèses. Aujourd’hui, ce sont des organes de la presse-Système aussi respectés que Politico, ABC.News, etc., qui insistent sur la dimension d’October Surprise de Frankenstorm. On dirait qu’il y a, même au cœur du Système, une attente, une sorte de quête d’évènements extraordinaires, éventuellement et même nécessairement eschatologiques, pour venir confirmer le destin catastrophique du Système… Il est bien difficile de dire si nous connaîtrons un jour un événement apocalyptique du type qui sied à l’eschatologie, notamment pour ce cas avec Sandy-Frankenstorm, mais il nous semble d’ores et déjà assuré qu’une sorte de “besoin d’apocalypse” a pénétré les psychologies des serviteurs-Système elles-mêmes.

…Après tout, pourquoi s’en étonner ? Ces psychologies sont d’une infinie fragilité, comme du cristal ou plutôt du papier plastique de mauvaise qualité, puisque mille fois pénétrées et manipulée par le Système comme relais du déchaînement de la Matière. Dans ce cas, pourquoi pas une incursion dans ces fragiles psychologies d’un “besoin d’apocalypse” ? En attendant, voyons ce que nous réserve le terrible ouragan Sandy-Frankenstorm.


Mis en ligne le 29 octobre 2012 à 04H26