Fureur de Gates et insinuations de Loren B.

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Le secrétaire à la défense US s’est signalé, dans l’actuel débat sur l’Afghanistan, comme on l’a déjà vu (ce 13 novembre 2009) par une particulière fureur à l’encontre des fuites qui caractérisent cette affaire. Colin Clark, dans DoDBuzz.com , qui a de bonnes connexions avec le Pentagone, nous parle de cette colère (le 13 novembre 2009). Il observe que tout le monde ne partage pas la réaction de Robert Gates et que d’autres s’interrogent à son propos.

On s’arrête donc à ce passage, avec une citation de notre grand ami Loren B. Thompson, qui est invité à commenter, ce qu’il fait d’une façon qui nous invite, nous, à quelques commentaires…

«“I understand why Gates is concerned about leaks, but his own program evaluation shop has been leaking internal program assessments and budget plans to the trade press the entire time Gates has been there,” said Loren Thompson, defense consultant and defense analyst. “For example, it leaked information about the Joint Estimating Team findings on F-35 before the data had even been briefed to Gates, information that undoubtedly proved embarrassing to him given his recent strong endorsement of the program.”»

Notre commentaire

@PAYANT Thompson, comme nos lecteurs le savent, est un cas à suivre. C’est un bon thermomètre de la situation du JSF par rapport aux centres de pouvoir impliqués, à condition qu’on connaisse le code de fonctionnement du personnage. Thompson est évidemment un agent d’influence du complexe militaro-industriel, de Lockheed Martin et, par conséquent, du F-35. Il le montre par exemple le 21 août 2009, où il moque ouvertement le rapport JET-I (de 2008); pourtant, il est très inquiet le 29 août 2009, alors qu’il participe à la mobilisation des défenseurs du F-35 pour faire venir Gates à Fort-Worth le 31 août; après la visite de Gates, Thompson ne doute plus que le F-35 ait le soutien total du secrétaire à la défense, donc qu’il soit assuré de l’avenir qu’il mérite. Par avance, Thompson a écarté les conclusions du rapport JET-II, rejet qu’il réitère lors des premières fuites à ce propos, en même temps qu’il fustige ces fuites. A suivre l’évolution de ces textes, on peut donc mesurer l’évolution de la pensée et de l’humeur de Lockheed Martin, particulièrement instables, devant les péripéties du programme JSF dans le cadre du Pentagone.

Depuis l’intervention signalée du 29 octobre 2009, silence-radio de Loren B sur l’essentiel. A propos des résultats du rapport JET-II, qui ont été largement documentés et confirmés, pas un mot de Loren B. Thompson sur son Early Warning blog, qui nous annonçait pourtant à son lancement un professionnalisme de bon aloi. Jusqu’à ces déclarations retranscrites plus haut, pour le site de Colin Clark, apprécié en général comme sérieux et ayant, sur le JSF, une position assez moyenne (sans enthousiasme particulier mais nullement de critique radical).

Il faut bien observer que les déclarations de Thompson sont ambigües. Lorsqu’il dit «For example, it leaked information about the Joint Estimating Team findings on F-35 before the data had even been briefed to Gates, information that undoubtedly proved embarrassing to him given his recent strong endorsement of the program», le “it” désigne l’équipe de Gates, notamment l’équipe JET, que Gates n’a pas pu contrôler, et dont il n’a pu empêcher les fuites vers la presse (Inside the Air Force). Il juge ces fuites “embarrassantes” pour le secrétaire à la défense – mais pour quelles raisons? Celle que Thompson avance, qu’il avait déjà donnée dans une précédente note (voir le 29 octobre 2009), est qu’il est “embarrassant” que le résultat de JET-II soit connu avant que Gates ait été “briefé” sur la chose; certes, Gates n’a pas été “briefé” sur le rapport d’une façon complète à cette époque mais on doute que, sur ce sujet essentiel, il n’ait pas reçu quelques indications essentielles, alors que ses n°2 et n°3, Lynn et Carter, étaient déjà informés autour du 20 octobre. On est alors conduit à une autre hypothèse: Thompson ne regrette-t-il pas ces fuites, plutôt parce qu’elles ont empêché une éventuelle atténuation du choc du contenu de ce rapport, voire un “blackout” qui se serait apparenté à une dissimulation complète (un “cover-up”)? Dans ce cas, la forme de sa remarque supposerait que Gates était partisan d'une telle manoeuvre, pour empêcher la contradiction avec l’appui public complet qu’il a affirmé au programme le 31 août 2009. Cela confirmerait effectivement notre propre hypothèse selon laquelle la position de Gates se détériore (voir le 9 novembre 2009), notamment à cause de son engagement dans un programme proclamé comme en très bonne marche de développement, aussitôt démenti par le rapport JET-II.

Il nous apparaît dans tous les cas très probable, quel que soit le contexte, et notamment la position de Gates, que les fuites sur les résultats du rapport JET-II ont été faites, intentionnellement, pour empêcher cette sorte d’un “cover-up éventuel de la direction civile pour ne pas compromettre l’engagement du Pentagone en faveur du programme. Les résultats connus et largement relayés dans la presse à partir d’Inside the Air Force, il devient impossible d’étouffer le rapport, ou de la déformer. Là encore, nous confirmons notre analyse du 29 octobre 2009 sur l’efficacité peu ordinaire de la combinaison entre Internet et un segment de la “presse officielle” dans certains domaines fondamentaux, contre les habituelles tentatives d’étouffement de toute affaire délicate des autorités officielles.


Mis en ligne le 16 novembre 2009 à 06H39