Galileo à la pression

Faits et commentaires

   Forum

Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.

   Imprimer

 1055

Galileo à la pression


22 juin 2002 — depuis le choix européen de lancer le programme Galileo, de nombreuses indications ont montré que les Américains sont furieux de ce choix qui les prive de tout contrôle sur les Européens dans le domaine de la navigation satellitaire. L'attaque contre l'engagement européen dans Galileo se retrouve dans divers commentaires et analyses d'experts américains, où l'on voit qu'il s'agit là quasiment d'une consigne. C'est le cas dans un récent article de James Schlesinger, dans le Financial Times, le 21 mai. Dans le cadre d'une chronique attaquant les positions générales européennes en matière de sécurité, Schlesinger cite le choix de Galileo avec la même violence, comme une marque condamnable de refus de solidarité européenne avec les USA. La dernière péripétie dans ce dossier est l'intervention de l'OTAN, telle que le rapporte le Financial Times encore, en date du 21 juin.

« A senior Nato official has issued one of the most stark warnings yet that plans for Europe's €3.6bn ($3.38bn) Galileo satellite navigation project could put allied military forces in danger. Speaking at a conference in Brussels this week, Robert G. Bell, Nato assistant secretary general for defence support, warned that use of certain signals being considered for Galileo could place "the lives of Nato's military forces at risk".

» Until now, the most outspoken objections to Galileo have come from the US, which operates the military-run global positioning satellite system the EU project is intended to rival. But speaking to the FT, Mr Bell said that Nato concerns about Galileo had increased since EU ministers gave the project the green light in March. On Thursday US and European officials met to discuss co-operation between the satellite systems for the first time this year, but hopes of an agreement were not high. »

La question est de savoir si cette intervention de Robert G. Bell est uniquement une initiative de communication (au sens propagande & relations publiques) ou une question effectivement technique en même temps que de communication. La précision du FT est intéressante, lorsqu'il est dit que l'intervention de l'OTAN fait entrer un nouvel acteur en plus des USA dans l'attaque contre le choix européen, — intéressante mais sans signification profonde. Si, pour une très large part, l'OTAN c'est les USA, lorsqu'il s'agit de l'assistant au secrétaire général pour la Defence Support on peut dire que l'OTAN c'est exclusivement les USA. Le poste est "réservé" à un Américain depuis l'origine, un spécialiste de l'armement qui dépend du Pentagone quasi-exclusivement. Robert G. Bell n'échappe pas à la règle.

L'attaque technique contre Galileo n'est pas sans fondement, si l'on admet le point de vue choisi sans référence politique. Galileo va poser des problèmes au niveau des questions de brouillage (mais le GPS américain lui-même en pose, vis-à-vis de lui-même) ; il va aussi poser des problèmes de compatibilité et de facto d'interopérabilité ; il va poser des problèmes de choix dans l'emploi des forces ; et ainsi de suite. Galileo complique la vie de ceux qui aimeraient voir la situation européenne subsister en l'état. Le système européen, à première destination civile, a évidemment un rôle militaire qui va être largement exploité. Toutes ces questions techniques peuvent être résolues mais les Américains n'y mettront aucune bonne volonté. Du technique, on pourrait bien passer, à telle ou telle occasion, à la question politique impliquant évidemment les rapports transatlantiques.

Les milieux européens s'attendent en général à des pressions très fortes et continuelles des Américains. Une source à la Commission estime que « les Américains tenteront jusqu'au bout de casser le programme, de séparer les Européens, de politiser le problème, de tenter des pressions sous forme de chantage. Certains Européens, les plus proches des Américains, ne seront pas à la fête. » Un abandon est-il possible, ou le retrait de l'un ou l'autre pays européen ? « Impossible,dit notre source. L'enjeu et l'investissement sont trop grands, l'engagement politique trop significatif, et ceci et cela ne cesseront de grandir. » Les Américains, qui ne sont pas adeptes des adaptations tactiques, ne veulent pas prendre en compte cette situation d'irrémédiable engagement des Européens. Leurs pressions iront jusqu'au bout, toujours aussi fortes. Dans certains cas, elles créeront de très graves tensions avec les Européens.