Il n'y a pas de commentaires associés a cet article. Vous pouvez réagir.
1374Lundi 31 août, le secrétaire à la défense Robert Gates va à Fort Worth, pour une visite impromptue à l’usine Lockheed Martin qui produit le JSF. C’est notamment Colin Clark, de DoDBuzz.com, qui annonce la nouvelle. Ce voyage est complètement inattendu et a été décidé dans l’urgence, ce 28 août 2009.
Sans le moindre doute, il s’agit d’une visite d’urgence, pour montrer que le secrétaire à la défense soutient à fond le programme JSF/F-35. On en déduit aussitôt que le secrétaire à la défense a admis que le programme a grand besoin d’être “soutenu à fond”, donc qu’il est dans une piètre situation.
Clark, qui commente aussitôt dans ce sens, explique que, après la liquidation du F-22, le F-35 est la seule chose qui reste au secrétaire à la défense en fait d’outil de modernisation des forces aériennes, et que le programme doit être protégé, surtout dans la situation difficile où il se trouve; que, d’autre part, les premiers exemplaires du F-35 en train d’être produits sont extrêmement chers, plus chers que le F-22 lui-même, liquidé pour son coût prohibitif, et qu'on doit donc soutenir le F-35 coûte que coûte face à un Congrès qui, se référant au F-22, ne manquera pas de demander des comptes après avoir consulté ceux du F-35.
«Gates killed the F-22 and has most of his remaining fighter eggs in the F-35 program. That leaves him vulnerable should the F-35 be late or grow in cost. And there’s the fact that the first batches of F-35s are going to be very expensive if you cost them plane by plane — even more expensive than the current batch of F-22s –and Gates is going to have to defend those costs in the face of F-22 and F-18 supporters on Capitol Hill and in industry.»
Enfin, Clark a une explication plus spécifique, concernant cette visite impromptue de Gates, dans ce cas présentée comme une opération de communication préventive, face à des articles de presse qui vont mettre en question la sagesse de poursuivre le programme F-35 qui souffre des mêmes maux que le programme F-22, alors qu'on a liquidé le F-22 justement pour cette raison... «We hear a major newspaper is preparing a story along these lines and that Gates’ trip may, at least in part, be an effort to counter any blowback from the story.»
Quoi qu’il en soit, le JSF va à nouveau faire les gros titres pour la rentrée, dans une atmosphère qui lui est peu propice, de moins en moins propice. Outre les divers avatars que nos lecteurs connaissent bien, il y a un point général extrêmement important, qui est une tendance psychologique et de communication contre laquelle Gates va devoir lutter. Il ne sera pas facile de la renverser.
La “liquidation” du F-22, a valu beaucoup de lauriers à Gates et à Obama puisqu’elle a été présentée – d’une façon trompeuse et sophistique à notre sens – comme le premier acte d’une réforme fondamentale du Pentagone, contre ses tendances à l’explosion des coûts et des hautes technologies dans une situation où des systèmes d’arme de haut niveau sont d’une utilité douteuse. C’est tout un courant de pensée qui s’est installée, sur le thème “ce n’est qu’un début, continuons le combat”… Cette logique hostile aux programmes de hautes technologies, aux coûts pharamineux, à l’utilité douteuse, etc., après un “ce n'est qu'un début” (le F-22) entraîne irrésistiblement un “continuons le combat” par une attaque contre le F-35 qui est caractérisé par les mêmes traits. De ce point de vue, Gates se trouve en complet porte à faux. Il va devoir faire accepter l’idée que tous les arguments lancés contre le F-22 n’ont plus aucune valeur contre le F-35, malgré que le F-35 ressemble comme un frère au F-22, pour ce qui est de tous ses travers, peut-être en pire d’ailleurs. On lui souhaite bonne chance.
Lorsque la communication lance, à grand battage, des idées simplistes mais efficaces contre un artefact de la sorte du F-22, elle ancre cette tendance à utiliser l’outil critique contre tous les artefacts de la même sorte. Le F-35 n’est pas une proie tentante dans ce cas, il est une cible irrésistible. Gates va avoir contre lui la plupart de ceux qui le soutinrent avec enthousiasme dans sa bataille contre le F-22, mais également ceux qui défendirent le F-22 puisque les arguments qu’il va utiliser pour faire la promotion du F-35 réduiront à mesure tous les arguments qui furent utilisés pour démolir le F-22. Rude perspective dans la bataille de la communication autour du JSF, qui devrait ainsi connaître un épisode de plus à partir du 31 août.
Si vous voulez avoir une indication de l'inquiétude qui règne dans les milieux naturellement et génétiquement, sinon financièrement liés au F-35, lisez simplement la nouvelle de Loren B. Thompson sur son site Early Warning, le 27 août 2009. Elle n'apporte rien de nouveau du point de vue de l'information, mis elle confirme bien le malaise, et combien Loren B. en est bien informé: «The Pentagon's decision to kill the F-22 fighter was barely public before proponents of other priorities began calling for cuts in the nation's only other stealth fighter program, the F-35 Lightning II (also known as Joint Strike Fighter). Washington seems to be drifting into a low-threat / high-deficit era where there is no agreed framework for formulating future military priorities. The combination of receding terrorist threats and trillion-dollar annual budget shortfalls will put huge fiscal pressure on defense spending, with weapons programs likely to take the brunt of reductions. In such an environment, it is likely that F-35 – the biggest future weapons program – will be continuously eyed as a bill-payer for other needs...» Etc.
Mis en ligne le 29 août 2009 à 13H21