Gaza, ou le point de non-retour

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Gaza, ou le point de non-retour

• Un texte d’Alastair Crooke nous donne de nombreux détails sur les réalités quotidiennes de la situation à Gaza et développe l’hypothèse que la véritable bataille n’a pas encore commencé, entre le Hamas installé dans ses souterrains et l’IDF installée dans ses chars. • Le ton général de Crooke, dans le texte comme dans certaines met l’accent sur l’aspect eschatologique du combat tel qu’il que perçu par les Israéliens. • L’ensemble entretient un jugement de la perception de l’inéluctabilité du développement catastrophique de la crise de Gaza.

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Alastair Crooke est un de ces chroniqueurs extérieurs auxquels nous faisons souvent appel, pour sa perspicacité, son sang-froid mais aussi et surtout son immense culture avec cette capacité qui nous est chère de marier des concepts de la plus haute élévation avec les évènements fous que nous vivons quotidiennement. C’est là toute notre formule affectionnée de la métaHistoire vécue quotidiennement. Cette fois, nous nous adressons à lui parce qu’il donne, dans une partie importante de son texte, un état exact des lieux (et des sous-sols) dans la ville martyrisée de Gaza.

Crooke observe que la véritable bataille de Gaza n’a pas commencé parce que le Hamas se trouve dans l’incroyable imbroglio de tunnels des sous-sols, tandis que les forces israéliennes restent pour l’instant dans leurs blindés qui sillonnent les ruines de la ville, – au risque d’ailleurs d’un tir de roquettes venu d’un combattant solitaire embusqué au cours d’un raid-éclair de surface. Alors, que se passe-t-il et que va-t-il se passer ? Le caractère principal de la crise de Gaza, ce sont tous ces points d’interrogation sans réponses autres que celle de la promesse d’une durée catastrophique...

« Le problème de la crise de Gaza est que si tout le monde accepte de faire l’autruche et d’ignorer “l’éléphant dans la pièce”, c’est assez facile à faire. La signification d’une crise grave n’est bien comprise que lorsque quelqu’un remarque “l’éléphant” et dit : “Attention, il y a un éléphant qui trépigne ici». C’est ce que nous faisons aujourd’hui. L’Occident commence lentement à s’en rendre compte. Le reste du monde, quant à lui, est fasciné par ce phénomène et en train d’être transmuté par lui.  [...]

» Le gros “éléphant” est le suivant : Israël a largué plus de 25 000 tonnes d’explosifs puissants depuis le 7 octobre (l’équivalent de la bombe atomique d’Hiroshima en 1945 était de 15 000 tonnes). Quel est exactement l’objectif de Netanyahou et de son cabinet de guerre ? Apparemment, l’opération militaire précédente dans le camp de Jabalia visait à cibler un chef du Hamas soupçonné de se cacher sous le camp – mais six bombes de 2000 livres pour une “cible” du Hamas dans un camp de réfugiés surpeuplé ? Et pourquoi aussi les attaques contre les citernes d’eau, les panneaux solaires des hôpitaux, les entrées des hôpitaux, les routes, les écoles et les boulangeries ? [...]

» Ainsi, l’éléphant dans la pièce pour les habitants du Moyen-Orient, qui assistent à la destruction de la structure civile en surface, est de savoir quel est l’objectif exact de cette tuerie. Le Hamas est profondément enfoui dans le sol. Et bien que les FDI revendiquent de nombreux succès, où sont les corps ? Nous ne les voyons pas. Les bombardements doivent donc avoir pour but de forcer l’évacuation des civils – une seconde Nakba. »

Dans un entretien-vidéo qu’il a ensuite donné au Juge Napolitano (Crooke intervient régulièrement sur le programme ‘Judging Freedom’ de Napolitano), Alastair Crooke s’est montré plus personnel, et dans ce registre beaucoup plus pessimiste qu’on ne lit dans son texte pourtant peu rassurant. Par exemple, dans ce passage où Crooke décrit l’état d’esprit des Israéliens par rapport aux Palestiniens, toutes tendances réunies.

On signifie par là que Crooke précise bien qu’il existe une très forte opposition à Netanyahou, que cette opposition subsiste, mais à côté, et sans rapport nécessaire, il existe une unanimité d’état d’esprit par rapport aux Palestiniens. L’appréciation générale est particulièrement impressionnante et vient d’un homme qui dispose de nombreuses sources personnelles, hors des canaux conventionnels normaux, – donc des sources qui donnent une image beaucoup plus précise et débarrassée de toute pression des positions idéologiques officielles habituelles.

« Ce qu’on voit de plus en plus en Israël, ce sont des gens qui parlent dans des termes apocalyptiques de l’avenir des civils palestiniens, du fait qu’ils ne sont pas innocents comme l’a dit un des membres du cabinet à propos des colons implantés, ce sont des termes de plus en plus de type biblique, avec toute cette question devenant un débat eschatologique à propos de l’Israël biblique.. Ce que je veux dire est qu’il devient de plus en difficile d’intervenir quand l’esprit tourne de cette façon, et pour être plus clair, on peut dire qu’autour de 80% des Israéliens, de gauche et de droite, partagent ce sentiment de vouloir se débarrasser de tous les Palestiniens de Gaza, parce que, disent-ils, ils ne sont pas innocents, ils sont tous complices... Ils disent vraiment “se débarrasser”... »

Cette situation, avec cet état d’esprit, est particulièrement terrible et impressionnante. Il s’agit d’un formidable cas, – un de plus dans une époque dominée par la chose, – de l’influence formidable du système de la communication. Nos propres réactions et engagements sont également totalement dépendants du phénomène et ont suscité effectivement des réactions extrêmes. Ce n’est pas une révélation de constater une fois encore que la rapidité et la puissance du phénomène constituent vraiment un facteur d’une importance supplantant tous les autres facteurs.

Il s’agit d’autant plus d’un tel cas, à la fois effrayant et totalement déroutant en plus d’être formidable, qu’il apparaît de diverses sources que les conditions de l’attaque du 7 octobre sont beaucoup plus incertaines et troubles, avec des questions très graves sur les responsabilités des forces israéliennes, sur le fait qu’elles ne semblaient être au jour et à l’heure où elles furent annoncées avec considérable fracas que dans des conditions qui accentuèrent le désordre et les pertes. On en a une bonne idée en écoutant cette conversation à quatre sur le sujet, notamment dans les quelques minutes après la dixième minute.

Si les divers témoignages sir l’action des forces de sécurité israéliennes sont fondés, on retrouve, comme producteurs de cette brutalité, l’incompétence et l’inefficacité que l’’américanisation’ de ‘Tsahaldevenue IDF ont apportés à une armée à l’origine populaire, agile et extrêmement lucide dans ses actes. Si ces diverses suggestions sont fondées, on trouve une preuve de plus que l’évolution de la sécurité israélienne, totalement imitée de l’américanisme, est effectivement ce qui pourrait causer sa perte, – et qui, en attendant, aurait contribué avec grand zèle à plonger le pays dans  une crise d’une puissance extraordinaire.

L’article d’Alastair Crooke a été publié dans ‘Strategic-Culture.su’ et repris en traduction par ‘Réseau Internationl

dedefensa.org

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L’éléphant dans la pièce à Gaza

S’agit-il d’une punition infligée à la population civile de Gaza, motivée par un désir de vengeance ? Ou s’agit-il d’un déferlement de rage et de détermination eschatologiques ?

Le problème de la crise de Gaza est que si tout le monde accepte de faire l’autruche et d’ignorer “l’éléphant dans la pièce”, c’est assez facile à faire. La signification d’une crise grave n’est bien comprise que lorsque quelqu’un remarque “l’éléphant” et dit : “Attention, il y a un éléphant qui trépigne ici”. C’est ce que nous faisons aujourd’hui. L’Occident commence lentement à s’en rendre compte. Le reste du monde, quant à lui, est fasciné et transformé par ce phénomène.

Quel est l’“éléphant” (ou les éléphants) dans la pièce ? La récente diplomatie régionale de Blinken a été un échec. Aucun des dirigeants régionaux rencontrés par Blinken n’a voulu parler davantage de Gaza, si ce n’est pour demander avec insistance “pas de déplacement de population palestinienne vers l’Égypte”, ”l’arrêt de cette folie” – le bombardement en tapis des habitants de Gaza – et l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat.

Et les appels de Biden à une «pause» – d’abord en douceur, puis de plus en plus fermement maintenant – sont carrément ignorés par le gouvernement israélien. Le spectre de l’impuissance du président Carter lors de la crise des otages en Iran plane de plus en plus sobrement en toile de fond.

La vérité est que la Maison-Blanche ne peut pas forcer Israël à faire ce qu’elle veut – le lobby israélien a plus de poids au Congrès que n’importe quelle équipe de la Maison-Blanche. C’est pourquoi il n’y a «pas d’issue» à la crise israélienne. Biden a « fait son lit » avec le cabinet de Netanyahou et doit en assumer les conséquences.

Impuissance donc, alors que le Parti démocrate se fracture au-delà de la division simpliste entre centristes et progressistes. La polarisation émanant de la «position de non cessez-le-feu» a des effets déstabilisants sur la politique, tant aux États-Unis qu’en Europe.

Impuissance donc, alors que la configuration du Moyen-Orient se cristallise dans un antagonisme marqué à l’égard de ce qui est perçu comme une tolérance de l’Occident à l’égard des massacres de femmes, d’enfants et de civils palestiniens. Les dés sont peut-être trop loin d’être jetés pour freiner la réinitialisation tectonique déjà en cours. Les doubles standards occidentaux sont tout simplement trop inéluctablement évidents pour la majorité mondiale.

Le gros “éléphant” est le suivant : Israël a largué plus de 25 000 tonnes d’explosifs puissants depuis le 7 octobre (l’équivalent de la bombe atomique d’Hiroshima en 1945 était de 15 000 tonnes). Quel est exactement l’objectif de Netanyahou et de son cabinet de guerre ? Apparemment, l’opération militaire précédente dans le camp de Jabalia visait à cibler un chef du Hamas soupçonné de se cacher sous le camp – mais six bombes de 2000 livres pour une “cible” du Hamas dans un camp de réfugiés surpeuplé ? Et pourquoi aussi les attaques contre les citernes d’eau, les panneaux solaires des hôpitaux, les entrées des hôpitaux, les routes, les écoles et les boulangeries ?

Le pain a presque disparu à Gaza. Les Nations unies indiquent que toutes les boulangeries du nord de Gaza ont fermé leurs portes à la suite du bombardement des dernières boulangeries. L’eau potable manque cruellement et des milliers de corps se décomposent lentement sous les décombres. Les maladies et les épidémies font leur apparition, tandis que les fournitures humanitaires font l’objet de restrictions sévères en guise d’outil de négociation en vue de nouvelles libérations d’otages.

Le rédacteur en chef de Haaretz, Aluf Benn, exprime très clairement la stratégie israélienne :

«L’expulsion des résidents palestiniens, la transformation de leurs maisons en tas de décombres et la restriction de l’entrée des fournitures et du carburant à Gaza sont la «mesure décisive» employée par Israël dans le conflit actuel, contrairement à tous les cycles de combat précédents dans la bande de Gaza».

De quoi parlons-nous ici ? Il ne s’agit manifestement pas d’éviter les morts collatérales de civils lors des combats entre les forces de défense israéliennes et le Hamas. Il n’y a pas eu de combats de rue à Jabalia, ni à l’intérieur et autour des hôpitaux – comme l’a fait remarquer un soldat : «Tout ce que nous avons fait, c’est nous promener dans nos véhicules blindés. Les boots sur le terrain viendront plus tard». Le prétexte d’une “évacuation humanitaire” est donc bidon.

Les forces principales du Hamas sont profondément enfouies dans le sol, attendant le moment opportun pour engager les FDI (c’est-à-dire lorsqu’elles seront à pied au milieu des décombres). Pour l’instant, les FDI restent dans leurs chars. Mais tôt ou tard, elles devront affronter le Hamas à pied. Le combat contre le Hamas vient donc à peine de commencer.

Les soldats israéliens se plaignent de «voir à peine» les combattants du Hamas. C’est parce qu’ils ne sont pas présents au niveau de la rue, sauf dans les groupes de raiders d’un ou deux hommes qui sortent des tunnels souterrains pour attacher un engin explosif à un char, ou pour tirer une roquette sur lui. Les agents du Hamas retournent ensuite rapidement dans le tunnel d’où ils sont sortis. Certains tunnels ne sont construits qu’à cette fin, comme des structures “à usage unique”. Dès que le soldat effectuant le raid revient, le tunnel est effondré afin que les forces israéliennes ne puissent pas y pénétrer ou le suivre. De nouveaux tunnels “jetables” sont continuellement construits.

Vous ne trouverez pas non plus de combattants du Hamas dans les hôpitaux civils de Gaza ; leur propre hôpital se trouve dans les installations principales, profondément enterrées (avec les dortoirs, les réserves pour plusieurs mois, les armureries et le matériel d’excavation pour creuser de nouveaux tunnels). Et les cadres du Hamas ne se trouvent pas dans les sous-sols des principaux hôpitaux de Gaza.

Le correspondant du Haaretz pour les questions de défense, Amos Harel, écrit qu’Israël commence seulement à comprendre l’ampleur et la sophistication des installations souterraines du Hamas. Il reconnaît que les «hauts gradés» – contrairement aux cercles ministériels – «ne parlent pas d’éradiquer la semence d’Amalek» (référence biblique à l’extermination du peuple d’Amalek), c’est-à-dire de génocide. Mais même les chefs militaires des FDI ne sont pas sûrs de leur «objectif final», note-t-il.

Ainsi, l’éléphant dans la pièce pour les habitants du Moyen-Orient, qui assistent à la destruction de la structure civile en surface, est de savoir quel est l’objectif exact de cette tuerie. Le Hamas est profondément enfoui dans le sol. Et bien que les FDI revendiquent de nombreux succès, où sont les corps ? Nous ne les voyons pas. Les bombardements doivent donc avoir pour but de forcer l’évacuation des civils – une seconde Nakba.

Et l’intention qui se cache derrière l’expulsion ? Selon Benn, il s’agit de créer le sentiment que ces personnes ne retourneront jamais chez elles :

«Même si un cessez-le-feu est bientôt déclaré sous la pression américaine, Israël ne sera pas pressé de se retirer et de permettre à la population de retourner dans le nord de la bande de Gaza. Et s’ils reviennent, que retrouveront-ils ? Après tout, ils n’auront ni maisons, ni rues, ni établissements d’enseignement, ni magasins, ni aucune des infrastructures d’une ville moderne».

S’agit-il d’une punition infligée à la population civile de Gaza, motivée par un désir de vengeance ? Ou s’agit-il d’un déferlement de rage et de détermination eschatologiques ? Personne ne peut le dire.

C’est l’“éléphant”. Et de sa clarification dépend la question de savoir si les États-Unis seront eux aussi entachés par un crime. De cette clarification dépend la possibilité de trouver ou non un accommodement diplomatique durable (si Israël revient effectivement à la justification biblique et eschatologique de ses racines).

C’est cette question qui viendra hanter Biden personnellement et l’Occident collectivement à l’avenir. Quel que soit le calendrier que Biden ait pu avoir en tête, le temps lui échappe rapidement, dans un contexte d’indignation internationale croissante, car le conflit entre Israël et Gaza est désormais principalement centré sur la crise humanitaire de Gaza, et non plus sur l’attentat du 7 octobre.

Cela peut paraître invraisemblable, mais Gaza, d’une superficie de seulement 360 km2, est en train de déterminer notre géopolitique mondiale. Ce bout de terre – Gaza – contrôle aussi, dans une certaine mesure, la suite des événements.

«Nous ne nous arrêterons pas», a déclaré Netanyahou ; «il n’y aura pas de cessez-le-feu». Tandis qu’à la Maison-Blanche, un membre de l’administration admet :

«Ils assistent à un accident de train, et ils ne peuvent rien y faire. L’épave se trouve à Gaza, mais l’explosion a lieu dans la région. Ils savent qu’ils ne peuvent pas vraiment empêcher les Israéliens de faire ce qu’ils font».

Le temps presse. C’est précisément le revers du «paradoxe de l’éléphant». Mais combien de temps reste-t-il avant que le temps ne soit écoulé ? C’est une question qui n’a pas lieu d’être.

Ce revers de l’énigme semble avoir semé la confusion en Occident, ainsi qu’en Israël. Le discours de Seyed Nasrallah, dimanche dernier, a-t-il réduit le risque d’une guerre s’étendant au-delà d’Israël, laissant ainsi entendre que le «temps» pourrait être plus flexible et laisser plus de place à la déconfliction de la Maison-Blanche ? Ou bien a-t-il envoyé un message différent ?

Pour être clair : il a répondu à la question de savoir si la troisième guerre mondiale était sur le point d’éclater. Nasrallah a clairement indiqué qu’aucun membre du Front uni de résistance ne souhaitait une guerre régionale totale. Cependant, “toutes les options restent sur la table”, en fonction des actions futures des États-Unis et d’Israël, a souligné Nasrallah.

Le contexte suivant de l’allocution de Nasrallah est essentiel à sa pleine compréhension. À cette occasion, son discours a reflété une large consultation entre tous les “fronts” de l’axe. En bref, il y a eu de multiples consultations et contributions à sa forme finale. Le discours ne reflétait donc pas la singularité de la seule position du Hezbollah. C’est pourquoi il est possible d’affirmer qu’il existe un consensus contre la précipitation dans une guerre régionale totale.

Le discours, en tant qu’œuvre composite, était très nuancé, ce qui peut expliquer certaines erreurs de conceptualisation. Comme à l’accoutumée, les médias se sont contentés de rechercher “l’essentiel à retenir”. Ainsi, “le Hezbollah n’a pas déclaré la guerre” est devenu la conclusion facile à retenir.

Le premier point essentiel du discours de Seyed Nasrallah est néanmoins qu’il a effectivement fait du Hezbollah le «garant» de la survie du Hamas (en identifiant spécifiquement le Hamas par son nom, plutôt qu’en faisant référence à la «résistance» en tant qu’entité générique).

Le Hezbollah se limite donc, pour l’instant, à des opérations (non définies) et limitées dans les environs de la frontière libanaise – tant que la survie du Hamas n’est pas menacée. Le parti promet néanmoins d’intervenir directement, d’une manière ou d’une autre, si la survie du Hamas est menacée.

Il s’agit là d’une “ligne rouge” qui devrait inquiéter la Maison-Blanche. Il est clair que l’objectif de Netanyahou, à savoir l’extirpation du Hamas, va directement à l’encontre de la «ligne rouge» du Hezbollah et risque d’entraîner l’engagement direct du Hezbollah.

Toutefois, le «changement stratégique» dans cette déclaration politique clé au nom de l’ensemble de l’Axe est le changement de perception de la politique étrangère américaine au Moyen-Orient comme étant la clé de voûte des maux de la région.

Au lieu de percevoir Israël comme l’auteur de la crise actuelle, Nasrallah l’a rétrogradé du statut d’acteur indépendant à celui de protectorat militaire américain, parmi d’autres.

En termes clairs, Seyed Nasrallah a directement mis en cause non seulement l’occupation de la Palestine, mais aussi les États-Unis dans leur ensemble, comme étant en fin de compte à l’origine de ce qui est arrivé à la région – du Liban, de la Syrie, de l’Irak à la Palestine. À certains égards, Nasrallah a fait écho à l’avertissement lancé par le président Poutine à Munich en 2007 à un Occident qui était en train de masser des forces de l’OTAN aux frontières de la Russie. À l’époque, la riposte de Poutine avait été la suivante : «Défi accepté».

Il en va de même pour les États-Unis qui déploient d’importantes forces navales autour de la région pour «dissuader le Hezbollah et l’Iran», mais ces derniers ont refusé d’être dissuadés. Nasrallah a déclaré à propos des navires de guerre américains : «Nous avons préparé quelque chose pour eux» (et plus tard dans la semaine, le parti a dévoilé ses capacités en matière de missiles antinavires).

En définitive, un front uni d’États et d’acteurs armés met en garde contre une remise en cause plus large de l’hégémonie américaine. Ils disent en fait : «Défi accepté» également.

Leur demande est claire : arrêtez de tuer des civils, arrêtez les attaques et instaurez un cessez-le-feu. Pas d’expulsions, pas de nouvelle Nakba. Plus précisément, les États-Unis ont été prévenus qu’ils devaient «s’attendre à souffrir» si l’attaque contre Gaza n’était pas rapidement arrêtée. Combien de temps reste-t-il pour parvenir à cette cessation (si elle est même possible) ? Il n’y a pas de calendrier précis.

Qu’entend-on par “douleur” ? Ce n’est pas clair. Mais regardez autour de vous : les Houthis envoient des vagues de missiles de croisière en direction d’Israël (certains n’y parviennent pas et sont abattus ; on ne sait pas combien.) Les bases américaines en Irak sont régulièrement (actuellement quotidiennement) attaquées ; de nombreux soldats américains ont été blessés. Le Hezbollah et Israël sont, pour l’instant, en guerre limitée de l’autre côté de la frontière libanaise.

Il ne s’agit pas d’une guerre totale, mais si les attaques israéliennes contre Gaza se poursuivent au cours des semaines à venir, nous devrions nous attendre à une escalade gérée et à un resserrement de la vis sur différents fronts, ce qui risque bien sûr d’échapper à tout contrôle.

Alastair Crooke