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1035Les Britanniques ne sont pas prêts de cesser de nous étonner dans tous les sens possibles du terme. Leurs réactions après les derniers événements de la crise financière, version londonienne, nous présentent une exceptionnelle séquence de la capacité d’adaptation britannique à l’infortune. Le fait est que la menace d’effondrement de la City a bien été une menace d’effondrement de la City et non un hymne à la gloire de l’habileté britannique. Le premier ministre Gordon Brown a agi avec célérité, résolution, fermeté, etc., transformant la menace d’une déroute affreuse et sans retour en une défaite sévère et à peine contenue pour un pays qui avait construit toute son affirmation de puissance autour des principes qui ont failli emporter la City; l’action de Gordon Brown, si admirable qu’elle soit, est à la mesure du danger, et si le PM britannique a agi dans son pays avant ses collègues européens dans les leurs, c’est que la City menaçait de s’écrouler avant tout le monde. Il n’empêche, dans la célébration de cet épisode il semblerait que la “déroute affreuse et sans retour” transformée in extremis en une “défaite sévère et à peine contenue” suffise à la presse britannique pour célébrer un triomphe churchillien. C’est tout le caractère britannique, à la mesure du “right or wrong, my country” devenant une sorte de “failure or defeat, a British success”.
Dans le Times et dans sa chronique, Gerard Baker s’empare du thème ce 15 octobre. Baker, on connaît, – pro-américaniste pur jus, libre-échangiste, adepte du laisser faire, ennemi juré de l’interventionnisme et, supposait-on in illo tempore, des nationalisations. Eh bien, rien de tout cela! L’esprit serait plutôt celui de la revanche de Valley Forge, de Saratoga et de 1783, bref on remet les coloniaux prétentieux à leur place.
Voici quelques remarques de Gerard Baker transformé en héraut du Vieux Monde (mené par le Royaume-Uni, cela va sans dire), ricanant à propos des mésaventures des coloniaux.
«Made in Britain. Driven in the USA. It might sound like an advertisement for the remnants of the UK car industry, but it’s a pretty good description of the proposal unveiled yesterday to bail out the American banking system. Henry Paulson, the US Treasury Secretary, took possession of a financial emergency rescue vehicle first used by Alistair Darling a week ago, a streamlined plan in British racing green, to buy equity in some of the nation’s leading financial institutions.
»Most striking about what might be called the Brown-Bush, Darling-Paulson plan is that it is an explicit repudiation of the first iteration of the US Administration’s proposals that passed through Congress after such a rumpus two weeks ago.
»Then, Mr Paulson rejected the idea of direct injection of capital by the Government into banks. Instead, his recipe for recovery was to buy toxic assets from banks, helping them to shore up their capital indirectly. Investing directly would represent “failure”, he said back then. The basics of the new plan – recapitalisation rather than nationalisation, it is being called – are similar to the British one. As the British Government did, the US has picked a small group of banks – nine to Britain’s four – for the capital treatment. The scale of the US effort is obviously larger, given the size of its banking sector – $250 billion to Britain’s $85 billion. What’s more, the number of banks that will eventually receive the US taxpayer’s largesse is much larger. […]
»Perhaps the best explanation then for the delayed US decision to copy the UK lies in differing political cultures. In Britain, the Government can decide to do something and, thanks to the parliamentary system, it becomes a law in an instant. Under the US Constitution, that is not supposed to happen. They launched a revolution 230 years ago precisely to avoid that kind of autocracy.
»Still, sometimes, as Americans have discovered, old-fashioned British autocracy can have its uses.»
A noter tout de même ces deux derniers paragraphes, car à force de changer d’orientations il arrive qu’on croise la vérité, du moins en partie. Les remarques de Baker ridiculisant le système vertueux et parfait de la gouvernance américaniste, ce fameux système du “check & balance”, sont notablement justifiées au regard des trois dernières semaines qui ont vu un formidable revers de la formule, dans un moment d’urgence où l’efficacité importe plus que tout. Washington s’est trouvé paralysé dans ses mécanismes mêmes, notamment par l’obligation qui est faite à l’exécutif de soumettre toute décision budgétaire et financière au législatif, et par la circonstance que, cette fois, le Congrès a renâclé de vilaine façon avec le vote négatif de la Chambre et la réparation d’urgence qui a suivi.
Mais cette paralysie structurelle n’est pas un fait en soi en ce sens qu’elle n’est pas la cause centrale. Elle n’apparaît que parce que la crise politique est profonde à Washington. La paralysie politique a précédé la paralysie institutionnelle, elle l’a nourrie, elle l’a justifiée en un sens. Un gouvernement décidé menant une politique assurée et juste eût emporté le vote de la Chambre dès le 29 septembre, il n’eût pas hésité ni montré sa division comme on le vit lors du sommet de la Maison-Blanche le 25 septembre, entre Bush, les deux candidats et les dirigeants du Congrès; bref, il eût emporté la confiance dès le jour de sa décision (en l’occurrence le plan Paulson s’il avait été un succès), le reste (le soutien du Congrès et des autres forces politiques) suivant naturellement. La paralysie que dénonce Baker, c’est d’abord le produit d’une politique décidée et suivie depuis fort longtemps par Washington, que Baker a constamment soutenue, que le Royaume-Uni a de son côté scrupuleusement appliquée.
Mis en ligne le 16 octobre 2008 à 07H11
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