GJ, vous êtes tous des FakeNews

Journal dde.crisis de Philippe Grasset

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GJ, vous êtes tous des FakeNews

18 décembre 2018 – D’une façon extrêmement originale et d’un héroïsme hors-sol comme on cause aujourd’hui, nos chouettes petits révolutionnaires label Mai-68 , — « Ils finiront tous notaires », avait prédit Jouhandeau, se gourant totalement, cet homo encombré d’une infernale sorcière d’épouse, puisqu’ils finirent pipole sur les plateaux-TV à €15 000 du mois, – donc nos chouettes petits-héros criaient à la face du monde, se référant à l’implacable Dany qui continue à nous traquer dans l’étrange-lucarne, avec le très-beau (coiffure) Luc Ferry sur LCI le dimanche, – « Nous sommes tous des juifs-allemands ». (Fin de la phrase, passons à autre chose.)

Je suggère, moi, à nos GJ-ringards en quête d’identité de se proclamer : « Nous sommes tous des FakeNews. » Tout le monde sera content, la BBC, le chef-député En Marche monsieur Le Gendre expliquant l’erreur de son groupe, “Nous avons été tous trop-intelligents, trop-subtils pour leur expliquer nos réformes” ; France3 qui corrige les fautes des panneaux des bouseux-GJ, Integrity Initiative, qui nous transmet les tonnantes et étonnantes trouvailles-GJ/Poutine (entre autres) du MI6. La célébrité internationale ayant fait son travail, les GJ accèdent au statut de grande star, avec nomination d’études détaillées de la désinformation russe dans divers médias anglophones plus ou moins antiSystème, – sans parler de Shamir, certes. Enfin, tout est en place, tous “les éléments de langage” en mission de torpillage dans le bon sens après quelques errances du départ où l’on oublia les Russes, vous expliquant en détails comment les ploucs-GJ mettent en gravissime danger Notre-Démocratie-à-nous et les bastions de la Liberté-Universelle, en se faisant complices de Moscou...

Même et bien entendu, le bombastique J.M. Aphatie a mis la main à la pâte parce que, c’est bien connu, il n’en rate pas une même s’il est un peu lent au démarrage. Il lui faut une mention particulière, sorte de “Prix Spécial du Jury” avec la médaille de l’héroïsme médiatique. Lui, Aphatie, « depuis le début » (mais il gardait ça pour lui, pudique), il voit une incroyable manigance dans ce mouvement GJ, une monstrueuse entreprise. Rien à voir, tout ça, avec ce qu’on nomme “complotisme”, le complotisme des ploucs du 9/11 traficoté en Inside Job ; non, rien de commun lorsqu’il nous confie, Aphatie, –mais chut hein, entre nous, n’ébruitez pas car “des oreilles ennemies vous regardent, yeux grands ouverts en-dessous des lunettes noires” : « Dans ce mouvement informel, gazeux, – moi je le pense depuis le début – il y a une organisation souterraine, cachée, il y a des tireurs de ficelles, des gens beaucoup plus politisés et politiciens qu'on ne le croit, et qui apparaissent aujourd’hui... », – ainsi parlait Jean-Michel Aphatie.

Ah va, ce sacré Aphatie, son empathie presque sacrée, son commentaire dit avec cet accent venu du fond de la “France périphérique” tout de jaune-giletée, son éblouissant doigté dans l’art du cirage de pompes, son flair incomparable de chien-de-chasse pour renifler avec la langue les bottes du pouvoir en place, n’importe lequel et qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse, – l’homme (l’Aphatie) est admirable dans le sérieux qu’il met à débiter ses triomphales trouvailles, – l’“agité du mèche-cul” aurait dit Céline-ricanant, confondant J.M. Apathie et J.P. Sartre.

Leur contre-attaque, car c’est bien d’une telle grande manœuvre qu’il s’agit, est pour mon compte, je vous l’affirme, absolument jubilatoire parce qu’elle ne dissimule rien, absolument rien, qu’elle est littéralement nue comme un ver à force d’en rajouter, et d’en rajouter encore. Dans le langage postmoderne des banlieues, on serait sur le point, après consultation de l’Académie Française, de remplacer l’expression “le roi est nu” par celle de “la connerie est nue” ; effectivement, concèdent les Immortels sous la Coupole, l’usage en a décidé ainsi tant leur démonstration est éclatante.

On l’avait bien vu, les défenseurs de la démocratie avaient mis un certain temps à réagir, à se structurer et à se coordonner (sauf Aphatie qui savait dès le début). Ils ont pas mal pédalé, dans la semoule ou dans la choucroute selon les latitudes. Ils ont tous été stupéfaits comme nous-mêmes fûmes, et moi en premier qui n’espérais jamais plus rien de semblable de cette France-là qui semblait avoir détruit mes idéalistes espérances. Ils, – non, nous sommes tous restés sans voix, unis pour une fois dans une communauté de la stupéfaction devant un déchaînement que nul n’avait vu venir. C’est vrai, je m’en rappelle, à cette époque, autour des 17-20 novembre, les talk-shows des grands réseaux-Système étaient supportables, même pour un antiSystème convulsif de ma trempe. 

Je me rappelle avoir écrit l’une ou l’autre ligne où je nous mettais dans le même sac de la sidération muette, presque respectueuse, les zombieSystème et nous, tous unis dans ce même sentiment incrédule :

« Même Ségala ressorti du grenier, empaillé séquence-Mitterrand-1981 (“La force tranquille” sur fond de clocher mauriacien et maurrassien, vous kifez ?) et invité en table-talk-show hier soir sur LCI, – décidément ma référence-Système en fait de réseauSystème, – même Ségala dis-je, trouve ça parfaitement d’une grandiose importance... [...] 

» ...Force est de constater que tous ces résidus de rhizome enfantés par Deleuze-Guattari pour tenir ferme les chaînes de la communication du rien entropique se trouvaient là devant une énigme consternante ; j’ai eu alors l’impression qu’ils se trouvaient en vérité dans cette situation qu’on décrit selon l’expression fameuse : ils étaient là comme lorsqu’on on est “pris à son propre piège”, et Deleuze-Guattari nous ayant fourni la clef de la prison où ces deux-là nous ont enfermés. »

Aujourd’hui, ils leur font payer cet instant d’égarement, je veux dire ces zombies-Système pris en flagrant délit d’absence de vigilance, avec, comme nous les antiSystème, ces paroles de stupéfaction mâtinées d’empathie (d’apathie, rectifie l’autre qui savait depuis le début) pour cette souffrance soudain découverte. Ils se rattrapent, ils se redressent à coups d’anathèmes et de prévisions sinistres sur la désintégration de ces gueux en vêtements de gueux qui osent prétendre à disposer d’une expression populaire. Je crains qu’il ne soit plus tard qu’ils ne croient, – plus tard, trop tard...

Les Gilets-Jaunes ont fait lever une tempête de Force-12, sous la forme d’un ouragan de Catégorie-5. Est-ce “le commencement de la fin” ? interrogent, finauds et pleins d’espoir, les éditorialistes du sérail après l’Acte V dont on leur a appris qu’il est toujours l’acte final du grand théâtre classique. Comme je sais qu’il ne s’agit pas de théâtre dans cette époque qui n'a plus rien de classique, et que je connais bien leur sens de l’inversion, je leur suggère une inversion vertueuse et churchillienne pour tout de même satisfaire, pour la forme, leur goût d’entrée dans les ordres de tout mouvement déviant : disons “la fin du commencement” ; avec, pour le confort, quelques poires pour la soif, avec cette prédiction (Vidéo, 01’53”) du même Emmanuel Todd que je cite souvent par ces temps qui courent à bride abattue : « On ne peut qu’attendre de nouveaux événements... A priori, et à travers toute l’Europe, l’année 2019 va être très spectaculaire» ; avec cette autre prédiction de Max Keyser, de RT-USA : « Le mouvement Gilets-Jaunes va se globaliser. Nous le verrons dans le monde entier, nous entrons dans l'époque de milliers d'“Occupy Wall Street” ».

C’est bien sûr, c’est bien ça ! C’est le complot dont il nous parlait, Zarathoustra...