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600312 octobre 2013 – Nous utilisons depuis à peu près sept ans le concept de l’ère psychopolitique”, à partir de l’identification et de la définition de phénomènes tels que le virtualisme et le système de la communication. L’ère psychopolitique, – ou l’époque où, selon nous, la matière politique est principalement influencée par la psychologie, laquelle est principalement influencée par le système de la communication, – sera donc aisément identifiée et définie par des travaux déjà réalisé, dont nous extrairons des citations.
Le dessein conjoncturel de cet article du Glossaire.dde est certainement de fixer la situation opérationnelle du concept, justement à la date où il est publié, précisément parce qu’il nous semble que la période actuelle marque un tournant décisif dans l’appréciation de la situation générale et dans l’identification de ses composants. Bien entendu, nous ferons précéder cette situation présente du concept par la citation des travaux effectués, qui permettront de décrire l'évolution de la situation, de l'identification et de la définition de l’ère psychopolitique.
Il s’agit donc d’un Glossaire.dde daté et en apparence conjoncturel, ce qui pourrait apparaître comme non pertinent pour un glossaire qui tente de fixer une définition. (Voir notre présentation du Glossaire.dde, le 26 octobre 2012.) Mais nous faisons le pari, éventuellement de type pascalien, que cette datation est en fait une fixation d’une situation qui est en train de s’installer structurellement ; il s’agit de l’arrivée à maturation de l’ère psychopolitique, de sa complète osmose avec le système de la communication, et du constat que le système de la communication dont l’ambiguïté par rapport au Système était un caractère constitutif de base, a définitivement basculé dans le camp de l’antiSystème.
Ce dernier point est évidemment essentiel et suggère un bouleversement considérable, peut-être l’ultime bouleversement de ce que nous nommons, non pas la “crise du Système” mais la “crise d’effondrement du Système” parce que la seule crise concevable du Système est celle de son effondrement. La mise à nu de la véritable position du système de la communication, sa véritable spécificité, qui s’avère être antiSystème, est un événement de rupture du Système. Ce que nous dénommons “ère psychopolitique”, dans l’évolution de la définition que nous lui faisons subir (par rapport à fin 2006), est non seulement l’ère du système de la communication (et non l’“ère de la communication”) mais aussi et surtout, plus hautement, l’ère de cette rupture fondamentale. Le terme opérationnel de “psychopolitique” nous convient toujours dans la mesure où il représente l’opérationnalité des relations entre la psychologie et la politique (éventuellement métapolitique comme correspondante de la métahistoire), la psychologie étant l’outil, le canal, par lequel progresse l’influence du système de la communication vers les esprits-sapiens et vers la politique que forment, ou croient former ces esprits.
(Nous allons d’abord utiliser plusieurs extraits de textes déjà publiés [dans dedefensa.org] ou en cours d’élaboration pour publication [La Grâce de l’Histoire] pour fixer toutes les données du problème tel que nous l’appréhendons. [Ces citations sont en caractère italique, pour bien les distinguer du reste, pour permettre éventuellement à ceux qui en sont déjà instruits, de reconnaître ce qu’il y a de directement novateur dans cet article du Glossaire.dde].)
Nous nous servons, pour rappeler ce que fut notre conception de l’“ère psychopolitique” lorsque nous prîmes conscience de ce fait qu’on pouvait effectivement qualifier ainsi l’évolution de notre époque, d’un texte publié dans dedefensa.org le 10 décembre 2006. «La crise du monde est psychologique» donnait un compte-rendu synthétique du numéro du 25 novembre 2006, dans sa rubrique de defensa, de notre Lettre d’Analyse de defensa & eurostratégie (dd&e), devenue depuis dde.crisis.
Nous avons tenu à conserver ce texte sans changement, de façon à rendre compte de notre façon de voir à l’époque, de notre conception, éventuellement (mais c’est le cas) de ce que nous jugeons aujourd’hui être des erreurs d’appréciation, ou un manque d’affinage du concept. Toutes ces différences de perception et de conception entre 2006 et 2013, même si elles peuvent apparaître mineures dans le détail, conduisent au contraire à une vision d’époque (2006) complètement inverse pour ce qui est du sens de la chose, par rapport à ce que nous en jugeons être aujourd’hui. Il y a eu transmutation de la perception, parce qu’il y a eu identification d’une transmutation des effets de l’action des acteurs principaux de l’ère psychopolitique.
Nous extrayons de ce texte deux passages. Le premier est une tentative de définition de l’“ère psychopolitique”, mettant essentiellement en évidence l’omniprésence formidable du facteur de la psychologie, avec en appendice (et ce point-là a bien évolué), le facteur du système de la communication. Le second résume la vision négative générale (ce point-là a radicalement évolué) de l’opérationnalisation de l’ère psychopolitique. On observera que nous en arrivions même à considérer l’ère psychopolitique comme la cause opérationnelle, sinon le fondement de la crise générale, par conséquent porteuse elle-même des constituants négatifs, malins, de la crise générale, par conséquent aussi négative et maligne que l’objet de la crise elle-même (dito, le Système).
(Nota Bene : les deux premiers extraits s’enchaînent et peuvent être lus en continu. Le troisième est séparé des deux précédents par d’autres passages qui ne sont pas cités.)
« Aujourd'hui, les événements deviennent très difficiles à définir en tant qu'événements hors de nous-mêmes et de notre capacité de perception (mais aussi de déformation). Pour y parvenir, pour ceux qui entendent ne pas céder au changement, qui entendent rester conformes aux normes prétendument objectives du jugement, il est nécessaire de faire appel, justement, au conformisme le plus extrême. Ainsi aboutit-on, sous l'argument de sembler rester objectif, objectivement “sérieux”, à une interprétation qui est de pur virtualisme, qui se moque de la réalité comme d'une guigne, qui s'auto-congratule de ses propres communiqués de victoire comme s'il s'agissait d'autant de victoires. Les séminaires de l'OTAN, secrétaire général en tête, les symposiums de l'UE, président de la Commission au pupitre, sont à cet égard à mourir de rire pour celui qui goûte la comédie de ces “précieux ridicules” postmodernes.
» Ces gens sont d'un autre temps, vieillis avant l'heure, irrémédiablement dépassés. Ils comptent encore la puissance en nombre de chars et en centaines de $milliards gaspillés au-delà de tout entendement. Curieusement, ils disposent jusqu'à plus soif des instruments de l'ère nouvelle et ne s'en servent que pour tenter de prolonger la survie artificielle de l'ère géopolitique qui s'achève. Ils n'ont pas réalisé, eux qui pourtant manipulent l'information dans le but qu'on sait (“L’opinion publique, ça se travaille”, disait-on du temps de la guerre du Kosovo) qu'effectivement l'information ne rend pas compte des événements, mais, en les présentant, les modifie et, plus encore, les offre à notre modification (notre interprétation) selon notre disponibilité psychologique. Le courant est aujourd'hui devenu tellement puissant et tellement incontrôlable qu'il n'est plus possible d'imposer arbitrairement une vision conforme (et géopolitique) de l'événement, comme on faisait du temps de la propagande. Nous sommes effectivement dans une époque où, pour une majorité de citoyens, l'information officielle est jugée, en toute connaissance de cause, comme beaucoup plus suspecte que la plupart des sources d'information indépendantes, non officielles, etc., — cela, parce que les sources officielles continuent à s'exercer aux manipulations trop grossières pour être un seul instant considérées.
» Nous sommes dans une époque où la simple affirmation d'un événement, répétée et répétée, souvent d'une manière élaborée et crédible, finit par créer l'événement. La vérité est devenue subjectivité totale à cet égard, matière malléable par excellence, — mais nullement matière maîtrisable.
» Voici un exemple. Lorsque le commentateur américain Robert Parry écrit, le 6 novembre [2006]: “Indeed, one reason this new America has the look of incipient totalitarianism is that the Right has created such a powerful media apparatus that it can virtually create its own reality”, deux choses s'affrontent: d'une part l'affirmation que les médias contrôlés par les républicains ont créé “leur propre réalité” (virtualisme), d'autre part l'affirmation que l'Amérique “semble être devenue totalitaire”. Aucune de ces deux affirmations n'est “vraie” à proprement parler, pourtant elles définissent ce qui a été vécu comme deux “vérités” successives, selon la perception courante: d'abord la croyance en la vérité créée par les médias contrôlés par les républicains, ensuite le soupçon de plus en plus grandissant que l'administration GW Bush a mis en place un système spécifique et que ce système est totalitaire. »
« C'est un fait difficilement contestable que la démarche de l'ère psychopolitique a pour effet de tuer l'objectivité... Mais pas nécessairement de tuer la notion d'objectivité? Il y a une nuance capitale et fondamentale. La révolution dans la manufacture des événements historiques qu'introduit l'ère psychopolitique n'est pas d'une génération spontanée, surgie de rien pour s'imposer en un éclair. Elle a une cause, une substance, une logique. Ce n'est pas une révolution “gratuite”, faite pour le seul but de la destruction qu'elle suscite.
» La subjectivité psychopolitique qui s'attaque à la réalité objective coutumière disons de l'ère géopolitique (pour situer la chronologie de la chose mais sans en suggérer la responsabilité), s'attaque en réalité à une objectivité des plus suspectes. Cette “réalité objective” mise en cause n'est rien moins que celle de la propagande qui fleurit au XXème siècle, avant de s'épanouir dans le leurre suprême qu'est le virtualisme, qui est une tentative d'objectivation absolue, mécanique (par la psychologie plus que par l'influence sur le jugement), par des techniques plus habiles, de la démarche jusqu'alors assurée par la propagande. Puisque la propagande ne donnait que des effets fragiles dans sa tentative d'objectivation forcée, on passa au virtualisme. Dans tous les cas, on comprend qu'il s'agit d'une objectivité forcée, faussaire. S'élever contre cette “objectivité”-là (celle du virtualisme), c'est faire œuvre de salubrité morale et intellectuelle.
» Par ailleurs, il y a une continuité de la logique dans cette évolution. Le virtualisme est à la fois le produit et l'incitateur de l'ère psychopolitique. Il n'est possible que grâce à l'explosion des moyens de communication et de l'information, et leur déplacement au centre du schéma de la puissance, à la place des outils industriels et mécaniques. Par conséquent, le virtualisme est le pont entre la fausse “objectivité” de l'ère géopolitique (la propagande) et l'affirmation d'objectivité qui voudrait s'imposer à toute force dans l'ère psychopolitique, et qui, au contraire, est attaquée de toutes parts. On reconnaît d'ailleurs cette démarche, qu'on retrouve dans le phénomène Internet: développé par le système et pour le système, pour son enrichissement et sa puissance dans ce cas, en un sens pour son objectivation également, et qui se retourne contre ses créateurs lorsqu'il est utilisé par les indépendants, les dissidents, etc., — autant de voix subjectives qui mettent en cause la soi-disant objectivité du système.
» Nous assistons à un fantastique transfert des moyens de la puissance, de la représentation de la puissance, de la substance de la puissance. Cela doit faire vaciller certains esprits rationnels qui sont habitués à penser en termes de ce qu'ils nomment la réalité, — volume, poids, formes, destruction explosive, etc. Mais si l'on considère l'Histoire, on peut trouver des analogies. La puissance au Moyen-Âge était faite, non des structures religieuses, mais d'un phénomène purement psychologique: la foi, et les outils de la puissance auxquels on se réfère par priorité (les armes, la chevalerie, etc.), n'étaient que des annexes de l'outil central de la puissance, – la foi. Il nous semble que nous vivons une révolution semblable en ramenant la substance même de la puissance à la psychologie. »
« Qu'est-ce que la puissance aujourd'hui? Qui est capable de répondre à cette question devant l'effondrement de références qui, justement, mesuraient le zénith de la puissance, – devant l'effondrement de la puissance américaniste en Irak, qui est le signe le plus convaincant de ce qu'on doit décrire comme un changement fondamental du paradigme? Mais qui, à Washington, peut accepter cela: l'effondrement de la puissance américaniste en Irak? Aucune psychologie n'y résisterait... Alors, les mesures qui s'imposent sont prises. Nous vivons dans un monde post-orwellien. William Pfaff écrit: “It is not Orwellian because the creators of this cartoon-like conceptual world have themselves become actors in the virtual universe their ideas and actions have made. They have left reality behind — or they simply ignore it, as they did in invading Iraq.” »
» L'essentiel du dynamisme des choses humaines, aujourd'hui, dépend de l'interprétation qu'en donnent l'information qu'on en a et les communications qui la transportent. L'information n'est plus un constat, un témoignage, ni même une manipulation (désinformation); c'est une dynamique, une “chose en soi”, qui n'a plus de rapport obligé avec l'objet ou la situation qu'elle prétend décrire, mais qui crée l'objet ou la situation qu'elle prétend décrire pour justifier son existence, puis pour manifester sa puissance. Mais cela, – cette puissance – n'est jamais suffisant pour réduire la réalité. Le rapport entre les deux – virtualisme et réalité – n'est pas décroissant (de plus en plus de virtualisme réduit la réalité jusqu'à la tuer et à la remplacer); comme l'Irak l'a montré, ce rapport est antagoniste: de plus en plus de virtualisme exacerbe la réalité et suscite sa “concurrence”... On irait jusqu'à croire, jusqu'à penser que le virtualisme, en même temps que l'exacerber, pousse la réalité à se régénérer elle-même pour réaffirmer sa puissance.
» Notre psychologie est au centre de tout cela. C'est elle qui manipule, qui conçoit, qui exacerbe le virtualisme; c'est elle qui essuie les effets de ses échecs, de sa confrontation avec la réalité. Notre psychologie est aujourd'hui le centre de notre puissance et elle est aussi, juste à côté, presque à se confondre, une pathologie conduite jusqu'à la marge de la plus grave crise possible. L'ère de la psychopolitique qui remplace la géopolitique nous transporte au cœur de crises inconnues, que nous continuons à jauger avec le regard et l'esprit du siècle d'avant. Le postmodernisme, qui croit au virtualisme jusqu'à croire qu'il a transformé la réalité, continue à observer le monde fabriqué comme s'il s'agissait du monde réel.
» Nous n'appréhendons plus les événements. Nous les voyons venir avec un regard de myope, nous les mesurons faussement, nous nous préparons à leur choc en en confondant les effets, pour nous retrouver confrontés à des choses complètement inconnues. Notre savoir est si assuré et si faussé qu'il nous prépare absolument à des mondes qui n'existeront jamais. Un bouleversement électoral annoncé, que nous croyions maîtrisé d'avance, nous bouleverse comme nous n'imaginions pas qu'il soit possible, puis nous en oublions aussitôt la leçon centrale pour nous replonger dans la réalité fabriquée qui nous avait si complètement trompés précédemment. Nous touchons au cœur de notre crise fondamentale. »
Ce deuxième volet de citation emprunte des extraits au livre La Grâce de l’Histoire ; et nous disons certainement “livre” parce qu’il s’agit d’emprunts faits à la version finale, après dernières corrections, actuellement dans sa phase de fabrication. Ces extraits sont donc actualisés pour ce qui est de nos conceptions telles qu’elles sont engagées, sur les sujets où elles sont engagées.
Nous présentons deux séries de citation. La première concerne ce que nous jugeons être la fin de l’“ère géopolitique“ (dans les années 1990, après la chute du communisme) et son évolution vers l’ère psychopolitique. L’un des “sas de décompression“ de cette évolution se trouve, à notre sens, dans le virtualisme, qui est l’un des aspects les plus négatifs de l’“ère psychopolitique”. En quelque sorte, l’ère psychopolitique commence par la caricature d’elle-même, avant de prendre ses véritables dimensions. Le deuxième extrait, lui, tente justement de nous donner ces “véritables dimensions”, notamment en précisant notre position (à nous, sapiens) par rapport au système de la communication, acteur principal de l’ère psychopolitique, et le tournant actuellement observé de ce système de la communication vers une posture antiSystème majoritaire.
Bien entendu, il ne s’agit que d’extraits de La Grâce. Le livre développe considérablement cette question de l’ère psychopolitique, par le biais de son intérêt pour le système de la communication, qui est une de ses cinq parties. (Voir le 26 juillet 2010, pour cette partie de l’ouvrage mise en ligne, dans une version depuis notablement modifiée.)
« ... Nous proposons d’identifier cette évolution comme celle du passage d’une époque à une autre qui se fait dans le cours des années 1990, d’une époque qu’on aurait qualifiée de géopolitique à une autre qu’on qualifierait de “psychopolitique”, la géographie cédant la place à la psychologie. Cela signifie que la géographie le cède à la psychologie dans le rôle de l’élément déterminant de la politique. L’extension exceptionnelle de ce que nous avons nommé “la communication” (le “système de la communication”), jusqu’à créer une nouvelle substance de cette matière, une substance réellement créatrice d’une nouvelle réalité, est la cause manifeste (avec le technologisme qui se marie à la communication) de cette transformation de la situation mondiale, voire de la situation de la civilisation. Cette évolution signifie que le principal facteur dans la détermination de la politique est désormais la psychologie, qui subit avec une force considérable l’influence de la communication ajoutée aux pressions mécanistes du technologisme ; nous ne disons certainement pas le jugement, voire l’esprit lui-même, mais bien la psychologie en tant qu’outil général de la perception de la réalité et de la formation du jugement, et outil influencé sans que la conscience mesure cette influence.
» On comprend très bien ici comment progressivement les effets du système de la communication sur les structures mentales et collectives sont devenus plus importants que ce qui est communiqué, que la communication elle-même. Il s’agit d’une autre occurrence qui nous ramène au schéma déjà signalé, comme caractéristique du phénomène historique dont nous décrivons le déroulement et la substance, de l’action de la matière – cas de la communication, dans ses entrelacs technologiques et les moyens qui lui sont liés – sur le domaine intellectuel et, au-delà, spirituel, cette fois par le biais de l’outil de la psychologie qui en subit l’influence. Déjà s’impose le caractère principal de ce que nous désignons comme le “virtualisme”, qui est un état nouveau des choses, qui va devenir lui-même une idéologie ; la communication, qui est représentée par certains comme une extension incroyablement sophistiquée de la propagande, s’avérant enfin bien plus que cela ; la communication engendrant le virtualisme, avec comme caractère principal s’accentuant à mesure, l’inconscience complète du processus par ceux-là mêmes qui l’activent ; avec, au bout du compte, la communication soi-disant liée à la propagande, mais, en réalité, devenue complètement étrangère à elle, installant par son influence directe sur la psychologie, hors de toute conscience de la chose, une perception bien plus qu’une tromperie, à laquelle ceux-là mêmes qui l’activent croient eux-mêmes complètement. »
« Le grand phénomène de notre temps, c’est d’assister, en spectateurs qu’on n’oserait qualifier de “privilégiés” et pourtant c’est cela, à cet affrontement suprême entre la tentative humaine finale de subversion de l’Histoire, et l’Histoire elle-même. La tragédie du monde se manifeste chaque jour, avec une si grande rapidité, dans une dimension outrancièrement grossie par le phénomène de la communication, extraordinairement visible pour qui consent à ouvrir les yeux. Nous observons la chose, nous sommes, pour qui s’en avise, les historiens immédiats de l’Histoire fondamentale. Notre perception elle-même, immédiatement sollicitée, aussitôt réactive, semble être devenue une part de cette tragédie et contribue à la grandir encore. Nous voyons se manifester la substance eschatologique de la tragédie du monde. Jamais dans notre histoire humaine que nous avons l’habitude de manier quotidiennement, l’homme n’a été aussi proche de l’Histoire qui le dépasse et qui le conduit, et jusqu’à la métahistoire elle-même, consentant à approcher à la portée de notre perception. Et il est assuré que nous la voyons.
» … Nous la voyons parce que, comme il a été suggéré déjà à plusieurs reprises, le phénomène de la communication qui est devenu avec la puissance technologique la version postmoderniste extrême de “l’idéal de puissance” qui traduit l’hybris incontestable de l’homme de la modernité, a engendré avec une puissance extraordinaire un double de résistance absolument inattendu pour cette puissance qui semblait sans limites et sans concurrence possible. Il n’est pas utile de s’attarder aux détails qui sont monnaie courante dans le jugement contemporain, et dans l’esprit des lecteurs de ce temps. Qu’il nous suffise d’observer qu’une sorte de dynamique de mimétisme s’est développée, comme s’il s’agissait d’une partie intégrante, jusqu’alors non identifiée, de la communication. Devenue universelle comme c’est sa fonction même, mise entre toutes les mains parce que le système n’a jamais vu dans ce “toutes les mains” que des outils manipulateurs d’une dynamique d’entretien de sa propre prospérité marchande, cette dynamique de mimétisme a été aussitôt investie – du moins est-il impératif de l’espérer avec une fermeté sans faille – par un esprit de résistance qui semblait n’attendre que cela pour se développer. On ne s’attardera certainement pas à en faire l’analyse, à peser ses idées, à mesurer ses ambitions, à rechercher ses motifs et ses projets – sans doute parce qu’on serait déçu dans cette recherche d’un comportement qui a la simplicité de la résistance vitale ; qu’il nous suffise, et l’on comprend qu’il s’agit de l’essentiel, d’observer que la résistance s’est structurée, qu’elle est devenue une structure dans les réseaux de la communication ou, si vous voulez, une contre-structure, comme l’on disait “contre-culture” in illo tempore, s’exerçant avec brio et alacrité contre les forces officielles de déstructuration (représentant les pouvoirs en place, compris en cela les médias “officiels”) qui devaient assurer l’usage exclusif de la communication. En quelques années, disons depuis 1999 et la guerre du Kosovo qui vit la première vague de cette contre-structure, une force de résistance d’une puissance inouïe s’est constituée – nous disons “inouïe”, simplement parce qu’automatiquement et mimétiquement liée à la puissance des “forces officielles de déstructuration”. L’on dirait que le précepte du fameux stratège chinois, le mystérieux Sun Tsu, qui enseigne principalement d’utiliser la force de l’adversaire pour la retourner contre lui sans effort et sans frais, par simple usage automatique retourné de cette force, a présidé à l’un des fondements mystérieux de la création du phénomène universel de la communication. Cette masse critique dans les deux sens, d’une puissance critique et d’une volonté critique à la fois, et insaisissable puisque dépendant de la masse critique de l’adversaire, est le grand facteur souterrain de déstabilisation, et même de déstructuration du système. Elle a institué une existence du système dans l’angoisse, dans la hantise permanente d’une menace indéfinie. Elle accompagne à un bon rythme, en les accélérant à mesure, la chute et l’effondrement du système. »
On observera combien notre jugement sur l’ère psychopolitique était à l’origine très ambigu, sinon négatif, et combien depuis il a changé dans le sens du positif. Cette évolution est évidemment liée à l’évolution des événements et, bien entendu, à l’évolution de la position du système de la communication par rapport au Système.
A l’origine, les conditions de l’apparition de l’ère psychopolitique ont été perçues par nous comme l’utilisation massive des moyens du système de la communication en faveur des activités principalement du gouvernement US, principalement à partir du 11 septembre 2001, donc selon une orientation-Système très caractéristique. (Ce point était référencé sous la notion de “virtualisme”, certes.) Nous avions constaté cette évolution formelle qui structurait et instituait, comme forme nouvelle de puissance, une intervention systématique de déformation de la communication comme une des armes principales des actions de guerre qui étaient conduites.
Nous avions largement identifié ce phénomène, d’ailleurs instruit par le précédent du Kosovo. Le 13 mars 2003, nous publiions un texte intitulé «Je doute, donc je suis» sur ce phénomène illustré par la politique de communication des autorités gouvernementales US, dans le chef du secrétaire à la défense Rumsfeld. (Le texte avait été publié le 10 janvier 2002 dans la Lettre d’analyse dd&e.) Nous prenions acte de la décision des autorités US de délibérément dissimuler la vérité de la situation qu’elles percevaient en diffusant des informations fausses, et cela constituant une politique systématique, structurée, dans le but de former une nouvelle substance de la chose, une “nouvelle réalité” (d’où l’emploi du terme “virtualisme”), d’une façon qui marquait une différence fondamentale d’avec les simples pratiques de propagande.
« Nous sommes, nous, les analystes et les commentateurs, plus que jamais placés devant une tâche d'enquêteur. Notre enquête ne se déroule plus pour trouver les faits, mais pour distinguer, parmi les faits par multitudes incroyables qui nous sont offerts, et parmi lesquels, par multitudes également significatives, sont glissés des faits fabriqués, déformés et ainsi de suite, entre ceux qui valent d'être retenus et ceux qui doivent être écartés. [...]
» La décision extraordinaire des autorités américaines [de cacher ou de déformer délibérément les informations qu’il juge véridiques] n'a aucun caractère formel, elle n'a pas été annoncée comme telle (ni même appréhendée comme telle par nombre de journalistes). Elle n'a pas été spectaculaire dans le sens médiatique du terme, et l'on comprend aisément pourquoi ; mais elle a été précisément exprimée, à un point où l'on peut juger qu'elle porte une signification fondamentale, qu'on peut effectivement mesurer. Cette décision marque un tournant considérable dans l'attitude des autorités politiques en général, dans la mesure où une autorité centrale de cette importance décide de se départir de son rôle formel (apparent) de référence en matière d'information pour se plonger dans la subjectivité générale. Cette autorité décide d'être désormais “de parti pris”. Nous vivons dans un monde où une autorité officielle, censée représenter le bien public, vous dit de façon ouverte qu'elle tentera de vous mentir, de vous induire en erreur, de vous manipuler, selon ses intérêts. Rumsfeld n'a pas caché qu'il ne s'estimait plus tenu désormais à la nécessité de dire la vérité... »
A ce point, nous pouvions estimer que l’intrusion massive de ce que nous nommerions plus tard l’“ère psychopolitique” constituait un facteur agressif du Système contre les activités et positions antiSystème. Cela impliquait le jugement que ce facteur était une arme de plus dans l’arsenal des autorités politiques au service du Système, et par conséquent ce qui deviendrait l’ère psychopolitique pouvait être vu simplement comme un complément dans l’ère géopolitique, pour renforcer les facteurs de cette ère géopolitique. Pourtant nous glissions dans notre texte un bémol qui portait en lui, sans que nous en prenions conscience, une restriction décisive à notre analyse générale...
« Par conséquent, nous voilà excellemment placés pour pouvoir mettre d'ores et déjà quiconque au défi, sans grand risque, de pouvoir affirmer de manière raisonnablement crédible qu'il détient une image acceptable du déroulement des opérations en Afghanistan, de la façon dont les événements s'y sont déroulés, des systèmes qui y ont été utilisés et avec quelle efficacité. Ayant une certaine connaissance du monde bureaucratique, nous irons encore plus loin, affirmant qu'à l'intérieur même du Pentagone, personne ne disposera de cette “image acceptable” car la restriction, la censure, l'autocensure, la désinformation, la concurrence des services, des différentes forces, l'affrontement bureaucratique fonctionneront à grande vitesse et avec la plus grande efficacité possible. Même Rumsfeld, malgré sa capacité nouvelle et marquée à rouler des mécaniques depuis la “victoire” en Afghanistan, même Rumsfeld n'en saura rien d'une façon précise... »
Les années suivantes ont montré une évolution importante, qui s’est avérée, à la lumière de notre jugement actuel, tout simplement décisive. Le facteur information/communication dans le sens qu’on a vu de la transformation d’une “réalité objective” (mais aussi essentiellement venue des “sources officielles”, donc suspectes sous cette apparence d’objectivité) en une complète subjectivité nécessitant de la part du commentateur indépendant de transformer son travail en une “tâche d'enquêteur” (voir plus haut), cette évolution a accru considérablement la puissance du facteur de la communication. En même temps, les activités géopolitiques majeures, après l’Afghanistan et l’Irak, se sont considérablement réduites de la part des acteurs principaux (l’Iran et la Syrie sont les exemples de cette situation où la géopolitique s’est complètement réduite à une activité de communication, de menaces d’action militaire sans concrétisation, notamment), la géopolitique se réduisant à des actions de désordre (en Iran, mais surtout en Syrie) qui sont le contraire dans leurs effets de l’établissement de nouvelles situations géopolitiques. La puissance centrale était transférée au système de la communication, et ainsi pouvions-nous commencer à parler d’une “ère psychopolitique”.
En même temps, il apparaissait peu à peu puis de plus en plus visiblement que cette transformation était loin d’être à l’avantage des autorités-Système, qu’elle aboutissait à l’établissement d’une sorte de situation de paralysie géopolitique, avec un transfert massif de l’interprétation géopolitique vers le système de la communication. Ainsi pouvait-on constater de facto, 1) que nous passions de l’ère géopolitique à l’ère psychopolitique, et 2) que ce passage vu comme une modification stratégique du Système en sa faveur (virtualisme) s’avérait en fait de plus en plus incertaine quant au parti qu’elle favorisait,
Cette évolution n’a cessé de se renforcer, d’accélérer, etc. Le constat, aujourd’hui, doit être fait à la lumière des événements qui se sont accumulés depuis 2010, après le choc de l’effondrement financier de 2008 qui était censé être résorbé en 2009. Au lieu de cela, la crise économico-financière de 2008 est devenue chronique et latente, tandis que se manifestaient des événements montrant que le système de la communication jouait un rôle de plus en plus actif dans un sens antiSystème, au travers de divers moyens sur lesquels on a beaucoup glosé (“réseaux sociaux” et le reste). Le résultat fondamental est que s’est peu à peu créée une structure antiSystème qui se manifeste de façons très différentes selon les pays où les régions, selon les moyens disponibles, selon des idéologies différentes dont l’orientation a une importance mineure sinon celle de l’efficacité, etc. ; plus important encore, cette dynamique qui s’est installée structurellement a engendré une psychologie antiSystème qui devient un fait politique fondamental.
Qu’il s’agisse des événements aux USA, jusqu’à la pénétration de groupes antiSystème au Congrès, que ce soit l’instabilité politique dans les pays européens avec la contestation des partis-Système, que ce soit au travers du “printemps arabe” dont le résultat net est la déstabilisation d’un ordre régional-Système, cet ensemble d’événements a marqué une progression extraordinaire du système de la communication dans son rôle antiSystème. Le cas montre qu’entre les deux dynamiques qui le sollicitent (son caractère Janus), le système de la communication est de plus en plus attiré par le camp antiSystème qui lui permet de se déployer et de s’animer d’une façon beaucoup plus efficace, selon des critères de sensationnalisme, d’échos sociaux, d’influence psychologique auxquels il a toujours été sensible par sa nature. Le choix de basculement du système de la communication est moins la conséquence d’une vertu naturelle que d’une excitation de ses tendances naturelles, – le résultat étant tout de même, selon notre point de vue, la vertu antiSystème.
Ces cinq derniers mois s’est produit un événement d’une grande importance, qui explique que nous fixions la définition de l’“ère psychopolitique” à ce moment du temps. Le système de la communication qui est la principale force dans l’ère psychopolitique semble, selon nous, avoir accompli un pas décisif qui le range fermement dans le camp antiSystème, d’une façon institutionnalisée, avec trois crises qui se sont enchaînées aux USA : la crise NSA/Snowden, la séquence paroxystique du 21 août-10 septembre de la crise syrienne, la crise shutdown/dette. Dans tous ces cas, l’action du système de la communication s’est déployé d’une façon ouverte, quasiment officielle, sans qu’on puisse même l’accuser de subversion (le label “terroristes” jeté par les démocrates au groupe radical des républicains ne suffit pas à imposer une subversion, signe que le système de la communication ne répond plus à cette sorte de manipulation).
Le résultat est que le système de la communication s’est installé au cœur de la Grande République, à Washington, comme premier acteur antiSystème institutionnalisé de l’histoire de la crise d’effondrement du Système que nous vivons. Il s’agit donc d’une victoire décisive, qui fait définitivement basculer l’ère psychopolitique dans un arrangement d’antagonisme des forces qui s’avère extrêmement favorable à la contestation du Système, et à l’entretien actif de la crise d’effondrement du Système. Le système de la communication n’est pas l’élément antiSystème décisif de la séquence, ce rôle étant réservé au Système lui-même, dans son mode autodestructeur de l’équation surpuissance-autodestruction, mais il s’impose comme un facteur décisif de l’environnement des forces du Système, faisant pencher cet environnement dans un sens antiSystème. L’ère psychopolitique, perçue d’abord comme une évolution de manigance du Système pour recycler sa puissance, se révèle de plus en plus comme une force antiSystème pure.
Nous apprécions en général que le système de la communication, force principale et moteur de l’ère psychopolitique, est devenu d’une puissance extraordinaire, mais d’une façon telle, selon des modalités telles, selon des rapports tels entre ses composants, qu’il tend de lui-même, en l’opérationnalisant, à modifier radicalement, à transmuter la définition de la puissance, jusqu’à ôter le caractère intrinsèquement maléfique du lien de cette notion avec le Système. Cette transmutation de la notion de puissance explique que le système de la communication modifie jusqu’à l’inversion la référence de l’“idéal de puissance” qui est le support conceptuel du Système, et explique par conséquent la facilité, l’irrésistible entraînement du système de la communication vers une posture antiSystème. Dans le F&C du 9 octobre 2013, nous nous sommes attachés notamment à signaler cette transmutation, notamment par ces remarques :
« Les américanistes ont toujours ignoré la véritable nature de ce qu’ils ont inventé parce qu’ils sont incapables de comprendre que le “de la” de la chose (“système de la communication”) détermine quelque chose de tout à fait différent, qui prit du temps pour maturer et atteignit sa maturité dans les années 1990, en révélant sa capacité à créer, à partir de sources d’une “puissance” infiniment faible, des événements, des “bruits de communication” [...] qui bouleversent la psychologie et impliquent des événements politiques de renversement aux effets d’une prodigieuse importance...»
Une telle capacité de bouleversement, si étendue et si intrusive (dans le bon sens) a naturellement d’autres effets. Un de ces effets éventuels, des plus intéressants, que nous étudions sous forme d’hypothèse, est une capacité de créer des situations si complètement différentes pour le même objet (le même accident événementiel, la même politique, etc.), qu’on peut s’interroger s’il n’y a pas là une capacité de briser l’enveloppe spatio-temporelle courante pour en créer une autre, c’est-à-dire pour sortir plusieurs situations historiques d’une seule situation, pour un seul moment de l’Histoire. Ce constat, qui n’en est à notre sens qu’à ses débuts pour la manifestation des événements qui le confirment, a été suggéré récemment dans un texte de dedefensa.org, le 10 octobre 2013. Le texte concernait une prise de position publique, exprimée en termes de communication, qui apparaissait comme extraordinaire et incompréhensible par rapport à ce qui avait précédé.
«Ces différents aspects [...] nous conduisent à nouveau à estimer qu’il s’agit là, effectivement, d’une situation extraordinaire, où l’aspect psychologique et l’effet d’interférences de formes peu courantes l’emportent largement sur les explications rationnelles [...] Cela nous confirme dans le jugement que nous vivons une période métahistorique qui sort de l’ordinaire, où l’on doit considérer qu’il existe plusieurs plans politiques et historiques d’activité sans liens logiques et rationnels entre eux, y compris dans un même dossier, dans une même crise, pouvant conduire à des changements de “lignes de communication” reflétant des situations sans aucun lien entre elles puisque passant psychologiquement d'un monde à l'autre.
»En d’autres mots, la question est de savoir si le Kerry de lundi, à Bali, est le même homme, ou le même Kerry que celui qui, dix jours avant encore, animaient tout son raisonnement autour de l’axe de réflexion de la possibilité de l’organisation d’une attaque contre la Syrie... [...] Le constat important est l’absence compète de stade de “décompression”, la rupture entre cette phase et les déclarations de lundi... [...] Tout cela fait songer à une sorte de rupture d’un type complètement inhabituel, une rupture psychologique de type spatio-temporel, avec le surgissement d’une perception complètement différente imposée par des facteurs non-identifiées et non-identifiables et conduisant à un espace et à un temps politiques et historiques complètement différents, plutôt qu’à un acte de type politique normal, même si audacieux (ce dernier cas était en général complètement étranger à un processus bureaucratique normal de cette administration, donc complètement improbable). Cette hypothèse fait partie des facteurs rationnellement inexplicables qui foisonnent actuellement dans les comportements politiques, qui sont la marque de l’exceptionnalité de la période, – la crise syrienne étant d’ailleurs un des événements-phare de cette exceptionnalité de l’époque, et cela renforçant l’hypothèse.»
Les conséquences d’une telle hypothèse seraient prodigieuses. Elles briseraient l’alternative actuelle entre la nécessité d’un “sens de l’Histoire” (accordée aux croyances des religions monothéistes ou des idéologies qui en sont inspirées, comme l’idéologie libéral/du Progrès) et le hasard réduit en interprétation historique de type nihiliste, notamment en référence populaire et classique à la fois, à la fameuse phrase shakespearienne (la fameuse remarque de l’Acte V de Macbeth : «...a tale/Told by an idiot, full of sound and fury,/ Signifying nothing»). L’hypothèse signifierait qu’il pourrait exister une occurrence où l’Histoire n’aurait pas de sens perceptible et théorisable selon la raison (puisqu’une seule situation pourrait se situer dans trois plans historiques différents, évoluant différemment) mais ne serait pas pour autant de type nihiliste. Il s’agirait d’une occurrence où se manifesterait une certaine proximité des conceptions originelles des Grecs (Hésiode et la notion de Khaos, radicalement différente de notre “chaos”, selon un thème que l’on pourrait interpréter dans ce cas, comme ce cas où l’Histoire n’aurait pas besoin de manifester un sens pour avoir un sens) ; cela se ferait par l’étrange détour du système de la communication imposant de telles transformations structurelles au fait historique qu’il pourrait sortir plusieurs situations historiques d’évolution différente pour une seule circonstance, ou une seule dynamique factuelle. Il priverait le récit historique de sens identifiable par la seule observation rationnelle mais offrirait une évolution générale qui dégagerait d’elle-même son propre sens, comme s’il y avait un choix à faire entre plusieurs sens d’un seul événement historique, non plus dans l’interprétation de cet événement mais dans son opérationnalité immédiate. Il s’agirait de l’incursion directe de la métaphysique dans l’histoire, c’est-à-dire la métahistoire immédiatement présente, cela étant justifié par la crise générale d’effondrement que nous vivons. Dans ce cas, l’affirmation irrésistible de l’ère psychopolitique et du système de la communication serait la condition sine qua non de la manifestation de ce phénomène, autant que la cause première de son activation.
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