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19877 juin 2016 – Il est vrai que régulièrement, lorsqu’est évoquée la question d’un possible affrontement nucléaire entre les USA et la Russie, se pose la question des modalités et de la possibilité de cet affrontement... On parle d’une façon récurrente de cette possibilité d’un point de vue opérationnel et “réaliste” (?), pour notre/mon compte, c’est-à-dire selon la perception qu’en a le site dedefensa.org, depuis le début de la crise ukrainienne, précisément le 28 février 2016 et le 3 mars 2014 ; et l’on en parlait encore hier, c’est dire... Voilà ce qu’écrivait dde.org le 28 février 2014 :
« Il importe en effet de ne pas oublier ceci que face à la Russie, sur la frontière ukrainienne, un bloc BAO qui prétendrait jouer un rôle militaire sérieux dans un conflit conventionnel sérieux n’a rien, absolument rien de sérieux pour le faire, – sauf peut-être la France qui redirigerait ses 400 soldats de renforts de fonds de tiroir en Centrafrique pour la frontière ukrainienne derrière laquelle la Russie déploie 150 000 hommes ? Ils savent tous très bien que, face à la Russie qu’on est allé provoquer sur le fondement absolument central de sa sécurité nationale, la seule riposte sérieuse possible serait tout simplement la possibilité d’une escalade vers l’“unthinkable”, l’option finale du conflit nucléaire... »
... Depuis, donc, on y revient à intervalles réguliers, toujours sur un ton assez incertain qui est, pour notre compte toujours, celui de la réalisation par le bloc-BAO, de ce risque terrible d’une guerre nucléaire, avec le choc psychologique qui va avec. Par exemple, dès le 3 mars 2014 :
« Cette prise de conscience paradoxalement inconsciente du danger suprême est-elle en train de se faire dans le bloc BAO ? Notre sentiment est que cette hypothèse doit être prise en compte : ce pourrait bien être le cas, et si c’est le cas cela devrait être nécessairement très rapide, comme vont les choses aujourd’hui. La prise de conscience n’est alors plus, pour le bloc BAO, une évolution psychologique mais un formidable choc psychologique. On devrait voir cette proposition du “choc psychologique”, si c’est effectivement le cas, dans le très court terme, à mesure de la détérioration de la situation ukrainienne. S’ouvrirait alors la perspective d’une nouvelle et terrible inconnue dans l’équation de ces temps fondamentaux, car l’issue apocalyptique, c’est-à-dire le risque du conflit nucléaire, n’est pas une assurance événementielle (qu’on pardonne l’étrange assemblage de mots si étrangers). Cette “nouvelle et terrible inconnue”, c’est d’abord d’observer ce que ce “formidable choc psychologique” produirait comme effets sur le bloc BAO. Aucune prospective n’est à faire, car il serait déraisonnable de spéculer sur l’inconnu, sur cette terra incognita que serait cette réalisation de la possibilité de l’apocalypse nucléaire ; il serait déraisonnable de spéculer sur l’effet d’un “choc psychologique” qui, s’il a lieu, bouleverserait tout dans notre perception, dans notre jugement, dans notre attitude. Personne ne serait épargné, y compris les Russes d’ailleurs, car s’ils ont, eux, ce risque terrible à l’esprit, il va de soi qu’ils n’en veulent à aucun prix, – mais ils ont ceci de plus que les autres, dans le sens du tragique, qu’ils y sont préparés. »
Il y a eu plusieurs interventions de lecteurs depuis, sur cette question. D’une façon très générale, sinon exclusive, il s’agissait d’observations rationnelles sur le comportement des dirigeants, comme par exemple celle-ci, d’hier, de Mr. Bernard Pautremat (« Votre hypothèse supposerait que Obama accepte de donner les codes nécessaires à toute attaque nucléaire. Actuellement il est de plus en plus faible en tant que “lame duck”, en fin de présidence. Mais le croyez vous assez faible moralement pour accepter la responsabilité d'un holocauste des européens, ce qui n'a rien à voir avec sa tendance “cool”? »). Mais enfin, y réfléchissant, j’en viens à penser que la question ne se pose pas en ces termes, ou plutôt dirais-je qu’elle ne se pose plus en ces termes malgré la représentation que nous nous en faisons, parce qu’elle ne s’est jamais posée en ces termes dans la séquence que nous observons et que je crois bien qu’elle ne se posera jamais en ces termes dans les circonstances présentes.
Dans ce qui est écrit plus haut dans l’extrait du texte du 3 mars 2014, où l’on parle du “formidable choc psychologique” que serait la prise de conscience, chez les dirigeants du bloc-BAO, de la possibilité opérationnelle désormais très réelle d’un conflit nucléaire, à cause de la possibilité d’un conflit, ou d’un “accrochage” direct entre les USA et la Russie (à cause de la crise ukrainienne), il était implicitement envisagé que cette prise de conscience allait se faire, je dirais par la force des choses, et très rapidement. (Voir également le 28 février : « Ils savent tous très bien que, face à la Russie qu’on est allé provoquer sur le fondement absolument central de sa sécurité nationale, la seule riposte sérieuse possible serait tout simplement la possibilité d’une escalade vers l’“unthinkable”, l’option finale du conflit nucléaire... ».) Lorsque cela était écrit, j’y croyais effectivement, selon la raison même de la logique de la situation développant cette hypothèse ; rien, absolument rien dans ce sens ne s’est fait ; l'erreur à été complète, absolument complète, même si l’on peut observer que l’hypothèse n’était que conjoncturelle et, plus encore, que la pièce n’est pas finie.
... Erreur complète donc, parce que ce qui infecte principalement les psychologies de nos dirigeants-Système et de nos élites-Système a été jusqu’ici supérieur à tout, complètement écrasant. On peut même dire qu'un pas supplémentaire dans le sens de l’empire de cette infection a été franchie lors de la crise ukrainienne. C’est pour acter de ce fait et le mettre mieux en évidence en tentant de l’expliquer qu’a été développé le concept de déterminisme-narrativiste ; jusqu’à maintenant, et à mon sens jusqu’à ce que produise une rupture fondamentale, une rupture interne répondant à des évènements extérieurs que nul ne contrôle, cet emprisonnement de l’esprit maintenu par l’“acharnement thérapeutique” de l’utilisation de la psychologie infectée se poursuivra, avec l’aide puissante de cette partie du système de la communication au service du Système. (J’avait été amené à envisager que cette “rupture interne” se fît à l’occasion de la crise ukrainienne, comme il était logique de l'envisager, et comme il continue à être logique de l'envisager avec chaque nouvelle crise, en attendant la bonne ; l’ukrainienne de 2014 n’était pas la bonne...) Sur ce territoire-là de l’emprisonnement de l’esprit et de la psychologie infectée, il n’y a plus aucune rationalité libérée, mais une pseudo-rationalité, une rationalité-subvertie, fonctionnant selon les données de l’irrationalité totalitaire qui la caractérise. On observera pourtant que cette vérité-de-situation, comme ils disent, n’interdit nullement l’hypothèse d’un président qui, au milieu du délire complet et de la tromperie générale prenne d’une façon qui pourrait paraître rationnelle la décision de déclencher le feu nucléaire : à l’intérieur du territoire absolument irrationnel ainsi borné, il existe tout l’espace qu’on veut pour développer une démarche d’apparence absolument rationnelle avec pour référence l’irrationalité prise comme réalité rationnelle ; le mot “apparence” se justifie complètement, bien entendu, et je crois il s’en trouvera fort peu pour objecter au jugement immédiat qu’il s’agit absolument d’une rationalité-subvertie.
C’est à partir de ce constat général et de ces divers raisonnements qui ne nous donnent comme réponse rien qui puisse satisfaire l’esprit, et encore moins la prévision, que se développe mon attitude extrêmement ambiguë et fermement incertaine vis-à-vis de la perspective de la guerre nucléaire. (On appréciera la présence d’adverbe “durs”, – “absolument”, “fermement”, – pour qualifier des attitudes qui ne le sont nullement, – “ambiguïté”, “incertitude”.) Cette ambiguïté et cette incertitude ne sont ni lâcheté intellectuelle, ni refus des réalités, ni pirouette arrangeante, mais bien le constat que je ne domine pas ce qui ne peut être dominée ; je ne domine en rien l’action de forces incontrôlables, inconnaissables et imprévisibles, déclenchant des évènements qui ne le sont pas moins, avec des effets à mesure, c’est-à-dire incontrôlables, inconnaissables et imprévisibles. Mon ambiguïté et mon incertitude ne sont rien d’autre que la prise en compte de tout cela.
C’est dire que je ne crois pas une seconde à des scénarios rationnels conduisant à une guerre nucléaire mais que je crois qu’il est possible qu’on se juge absolument rationnel en prenant des décisions de type “nucléaire”...
Maintenant j’avoue ne pas pouvoir, ni vouloir d’ailleurs, m’en tenir à tout cela, c’est-à-dire à cette analyse rationnelle, parce que lorsqu’on juge d’évènements et de leurs cadres où irrationalité dominante et rationalité-simulacre font si bon ménage, il existe nécessairement des coins d’ombre profonde ou de lumière trompeuse qui, dans tous les cas, ne peuvent être embrassés par la seule raison qui observe de l’extérieur. Face à leur irrationalité, j’ai besoin, moi aussi, d’une certaine irrationalité qui m'est propre, dont je ne suis pas prisonnier comme ils le sont, mais dont j’ai pu juger plus d’une fois qu’elle m’était d’une aide précieuse. Aussi laisserai-je une place à mes sentiments, à mes réactions changeantes, à mes jugements peut-être d’humeur ou de penchant, aux aspérités complexes de mon caractère, mais aussi et surtout avec l’espoir très ferme que l’une ou l’autre intuition, qui sait, s’y glisserait pour dire une vérité-de-situation ...
D’abord et d’une façon préliminaire, il y a cette étrange conviction que j’ai toujours eue qu’il existe, après l’épouvantable événement d’Hiroshima-Nagasaki suivant et confirmant absolument la terreur métaphysique qui avait saisi les savants du Manhattan Project devant la première explosion (le test de juillet 1945) « plus claire que mille soleils », quelque chose de supérieur qui retient le sapiens devant le déclenchement de cette catastrophe de Fin des Temps. On pourrait concevoir tout de même que c’est une sorte de miracle que, depuis 1945, dans les diverses périodes de conflit, de désordre, de déferlement de haine et de coups tordus, voire d’accidents, il n’y ait jamais eu d’utilisation du nucléaire ; cela, entre l’“équilibre de la Terreur” avec ses fous-bureaucrates et absolument génocidaires (type-LeMay aux USA), les incontrôlés, les hystériques et les isolés paranoïaques (Israël, Pakistan, Corée du Nord, pour prendre les seuls dont on est sûr qu’ils aient la bombe), les passages de désordre (l’arsenal nucléaire soviétique dans les années 1990), la menace constante, dénoncée dès 1946, avant même que l’arme atomique/nucléaire devienne arme officielle des arsenaux, du terroriste qui se saisit d’une Bombe, etc. On dirait qu’il existe, dans tous les cas qu’il exista jusqu’ici et notamment durant la Guerre froide, un sens supérieur du tragique eschatologique qui nous retient ou nous retint constamment au bord de l’abysse. (Même une crapule comme Kissinger était capable de dire ceci qui distinguait le tragique de l’évènement : « Mais qu’on m’explique, au nom de Dieu, ce que signifie “supériorité stratégique” à l’âge du nucléaire ? ».)
Là-dessus vient se greffer un élément impératif qui semble détruire ce sentiment indistinct mais très fort qui gouverne mon jugement, instinctif, ou bien superstitieux, ou bien intuitif qui le sait... La certitude que tous ces dirigeants-Système sont d’abord des zombies-Système, donc absolument dépourvus de tout sens du tragique dont leurs prédécesseurs disposaient plus ou moins, même si dans une valeur dégradée, dans tous les cas au moins concernant le nucléaire. De là, d’ailleurs, cette conviction qui semble aller dans le sens inverse, qu’aucun d’entre eux ne réalise vraiment ce que signifie une guerre nucléaire. (C’est peut-être un des grands changements de la psychologie politique après la Guerre froide que la disparition de cette perception du caractère absolu de la guerre nucléaire.) J’ai l’impression qu’un Obama, que notre lecteur décrit justement comme si cool, serait capable de prendre la décision de passer au nucléaire d’une façon très cool justement, c’est-à-dire totalement inconscient de ce que cela signifie ; car c’est bien le sens du caractère d’Obama, l’homme hyper-cool, et ainsi totalement dépourvu du sens du tragique. (Après tout, cet homme hyper-cool s’est institué, en toute “cooltitude”, serial-killer international sans se dissimuler un instant par l’intermédiaire des drones, exactement comme un tueur de la Cosa Nostra remplit ses “contrats”, je veux dire sans croire une seconde qu’il fait du Shakespeare ou du Corneille.)
... Pourtant, subsiste chez moi, même dans ce cas extrême des zombies-Système, ce même sentiment qu’il existe “quelque chose de supérieur qui retient le sapiens devant le déclenchement de cette catastrophe de Fin des Temps”. Je conviens que c’est tout à fait inexplicable rationnellement, mais on conviendra qu’on a quitté les rives du rationnel-sain depuis longtemps dans la situation qu’observe cette réflexion et qu’il n’y a pas grand’monde qui puisse m’opposer un raisonnement impeccablement rationnel. Ainsi suis-je tenté d’insister, selon ce constat que ce n’est pas une sagesse intérieure inexplicable qui nous a interdit le nucléaire, et que les restes d’un sens du tragique qu’on trouvait dans la génération de la Guerre froide pour ne rien faire de nucléaire n’ont été qu’un outil un peu plus compréhensible pour accepter l’influence de ce “quelque chose de supérieur” dont je parle plus haut. Alors, mon sentiment qui persiste et insiste, me conduit à penser, mêlant en cela mes jugement sur le caractère inéluctable de l’effondrement du Système avec la tempête crisique qui agite leur front intérieur dans tous les sens, que la perspective d’un conflit nucléaire serait tout de même empêchée, mais dans une telle tension, un tel désordre des psychologies et des jugements, et à cause de cette tension et de ce désordre, que les répercussions seraient terrible pour ce qu’il reste de cohésion et d’unité des psychologies folles dans le chef des zombies-Système. Dans ce cas, l’affaire ukrainienne en 2014 et l’hypothèse évoquée alors du “grand choc psychologique” n’auraient été qu’une répétition d’une séquence inéluctable, – et d’ailleurs, nous sommes toujours dans les suites de cette crise, et il s’agit finalement de continuer et de prolonger la même logique de la même observation intuitive.
Dans cette affaire, ceux qui sont les plus à plaindre, et celui qui est le plus à plaindre, ce sont les Russes et Poutine. Ils sont les seuls à rester rationnels et à se situer dans une vérité-de-situation. Il leur faut donc, pour analyser la situation et prendre des décisions, tenir compte du facteur dont ils ont conscience sans aucun doute, qui est l’état absolument catastrophique de la psychologie et donc du jugement des zombies-Système auxquels ils font face. En quelque sorte, ils doivent se sentir investis d’une double tâche, qui est celle de penser d’une façon rationnelle pour eux-mêmes, et d’analyser rationnellement en même temps l’irrationalité totale de leurs adversaires. La tâche n’est pas aisée mais qui a dit que ces temps étranges permettaient d’y évoluer aisément ?... C’est à ce carrefour des jugements que subsiste ma conviction à propos de la psychologie des zombies-Système ; elle est déjà si extraordinairement affaiblie, cette psychologie, qu’il n’est certainement pas absurde de tenir ce jugement qu’elle cédera la première, et qu’elle cèdera non pas dans un affrontement classique supposant la possibilité d’une guerre mais bien dans un affrontement intérieur à elle-même provoquée éventuellement par la possibilité d’une guerre, par conséquent et sans le moindre doute d’une façon ou d’une autre que nous ne pouvons concevoir d’avance mais qui aura sans aucun doute partie liée avec le déclenchement de la phase ultime de l’effondrement du Système...
Bref, “Going nuke ou Going nuts”, – ma conviction est qu’ils seront rattrapés par leurs folies avant de pouvoir arriver au nucléaire.
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