Gordon Brown et le monde après GW

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Gordon Brown est en Inde après avoir séjourné en Chine. Le Premier ministre britannique visite les nouvelles “grandes puissances”. Il en profite pour distiller sa vision du monde à venir, du monde à venir dans très peu de temps puisqu’il s’agit, selon The Independent du 22 janvier, d’une «vision for life after Bush». D'une part cela ne nous laisse plus que quelques mois, d'autre part cela nous confirme le peu d’estime pour GW Bush du nouveau Premier ministre britannique.

Dans un texte du jour précédent, le 21 janvier, le même journal avait développé cette “vision” de Gordon Brown. Elle comporte plusieurs points intéressants.

«The Prime Minister is drawing up plans to expand the number of permanent members in a move that will provoke fears that the veto enjoyed by Britain could be diluted eventually. The United States, France, Russia and China also have a veto but the number of members could be doubled to include India, Germany, Japan, Brazil and one or two African nations.

»Mr Brown has discussed a shake-up of a structure created in 1945 to reflect the world's new challenges and power bases during his four-day trip to China and India. Last night, British sources revealed “intense discussions” on UN reform were under way and Mr Brown raised it whenever he met another world leader.

(…)

»His aides are adamant that the British veto will not be negotiated away. One option is for the nations who join not to have a veto, at least initially. In a speech in Delhi today, the Prime Minister will say: “I support India's bid for a permanent place – with others – on an expanded UN Security Council.” However, he is not backing Pakistan's demand for a seat if India wins one.

»Mr Brown will unveil a proposal for the UN to spend £100m a year on setting up a “rapid reaction force” to stop “failed states” sliding back into chaos after a peace deal has been reached. Civilians such as police, administrators, judges and lawyers would work alongside military peace-keepers. “There is limited value in military action to end fighting if law and order does not follow,” he will say. “So we must do more to ensure rapid reconstruction on the ground once conflicts are over – and combine traditional humanitarian aid and peace-keeping with stabilisation, recovery and development.”

»He will call for the World Bank to lead the fight against climate change as well as poverty in the developing world, and argue that the International Monetary Fund should prevent crises like the credit crunch rather than just resolve them.»

Il s’agit à la fois de pondérer ces diverses idées et d’en apprécier l’orientation. Il y a loin de leur énoncé à leur réalisation mais il reste que Gordon Brown réactualise diverses orientations qui ont une forte potentialité de déstabilisation. Quelles que soient les difficultés de réalisation, avancer l’idée que l’ONU pourrait être dotée d’une force militaire propre est quelque chose qui sera accueillie avec une ferme hostilité à Washington. C’est aller contre la tendance US générale, là aussi bien loin d’être réalisée, de chercher à faire de l’OTAN une organisation mondiale chargée de toutes les interventions et ingérences militaires. L’explication de la tendance US est évidente: les Américains contrôlent l’OTAN d’une façon très satisfaisante, mais beaucoup moins l’ONU. Là-dessus, l’idée de l’accroissement d’autorité au sein de l’ONU de certaines puissances autres que les cinq qui disposent du droit de veto aggrave le cas de Gordon Brown vu de Washington.

Proposer des réformes du FMI et de la Banque Mondiale dans le sens où Brown le fait, celui d’un interventionnisme préventif, notamment en choisissant le cas de la crise du crédit immobilier US, va encore alimenter cette mauvaise impression. D’une façon générale, la popularité de Brown à Washington ne devrait pas sortir renforcée, bien au contraire, de cette sorte de propositions. Cette affaire devrait confirmer le changement de chaleur, plutôt vers l’attiédissement sinon l’affadissement, des relations entre les USA et le Royaume-Uni.

Reste à analyser les causes de cette offensive de Gordon Brown. Certains y verront, contre l’évidence mais comme d'habitude, un complot anglo-saxon de plus. D’autres y verront une évolution “soft” du concept “néo-impérialiste” de Robert Cooper, ce qui contient une part de vérité. L’évidence, elle, dit que Brown a toujours montré un penchant internationaliste marqué. Lorsqu’il était chancelier de l’Echiquier, il s’est toujours tenu informé de ces questions et a fait plusieurs interventions et discours sur cette question, malgré que celle-ci sortît de ses compétences.

Quoi qu’il en soit de ces remarques qui sont surtout spéculatives, il reste que ces propositions britanniques contribuent, dans le désordre actuel, à accentuer la “certaine distance” qui s’est établie entre Londres et Washington depuis le remplacement de Blair par Brown. L'important dans ces propositions n'est en effet pas tant de savoir si elles se réaliseront (nous en sommes loin). L'important est de constater qu'elles constituent également un signe indirect de l’affaiblissement de l’influence US en général, accentuée ces derniers jours par la crise financière et économique. Les Britanniques n’auraient pas présenté de telles propositions avec des USA au sommet de leur affirmation de puissance, comme en 2001-2003.


Mis en ligne le 22 janvier 2008 à 18H05