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29 juillet 2002 — Apparaissent aux USA les signes de l'ouverture d'un grand débat sur les grands choix économiques, et notamment la question de la dérégulation de l'économie. Cela est évidemment la conséquence de la crise que vient de subir le corporate system (faillites Enron, WorldCom, etc) et de la crise de la structure financière du capitalisme américain (Wall Street). Ce débat est porteur des plus grandes menaces de déstabilisation pour le gouvernement GW, qui n'a, de toute évidence, comme riposte possible, que l'espoir de lancer une attaque mobilisatrice contre l'Irak.
On observe d'ores et déjà trois courants qui s'affirment :
• Le courant du “laisser-faire” et ne rien changer, ces économistes affirmant que, si le choc a été rude, le capitalisme américain est assez fort pour se purger lui-même et qu'il ne faut surtout pas toucher aux règles de la dérégulation en cours de mise en place depuis la présidence Carter. Après quelques semaines de silence qui témoignait de la rudesse des coups reçus par le système, ces voix conformistes se font à nouveau entendre. Leurs adversaires disent en général, comme Robert Kuttner de American Prospect : « You have a whole generation of economists who have devoted their careers to supporting deregulation, and now they are twisting themselves into intellectual pretzels to deny that they are recanting on deregulation. »
• Un courant qui réclame une action du gouvernement et, surtout, une réforme du gouvernement, avec un changement de méthode ou d'équipe. C'est le cas de l'ancien ambassadeur américain à Paris Felix Rohatyn, qui réclame, dans un article de l'International Herald Tribune (IHT) du 29 juillet, un nouveau « moral leadership », c'est-à-dire qui implique directement l'administration dans la bataille économique. C'est à une critique du même type, portée vers l'administration, que se livre Jim Hoagland, dans le même journal, le même jour.
• Un troisième courant, le plus radical, représenté par des économistes libéraux, souvent des démocrates de gauche. L'article de Robert Kuttner («
D'une façon plus générale et après les chocs successifs des semaines de baisse qui viennent de se succéder, on perçoit un mouvement important de mise en question des capacités US, et surtout de ce gouvernement, face à la crise. Des voix autorisées, à l'étranger, vont dans ce sens, venues des milieux les plus inattendues dans cette circonstance, ce qui signale la profondeur du mécontentement. Ainsi ce commentaire de The Economist du 29 juillet, qu'on lira en ayant à l'esprit qu'il y a aujourd'hui une irritation grandissante dans les milieux britanniques les plus pro-américains, les milieux financiers et libre-échangistes, furieux de la dérive protectionniste du gouvernement GW Bush. (The Economist reflète précisément les positions de ces milieux.)
Voici le commentaire de The Economist. Comme on le lit, la critique s'élargit sans la moindre hésitation à la guerre contre le terrorisme et aux perspectives irakiennes, autre signe de cette irritation britannique.
« A decade ago, George Bush senior let a seemingly simple re-election slip out of his grasp, as economic problems and a perception that he was out of touch obscured his triumphs abroad. Now the son appears to be drifting. He needs to change his economic team, which has no steadying figure to match, say, Donald Rumsfeld at defense. And the war against terrorism? Bush has enjoyed wide support, largely because he has generally been seen to be acting in the interests of the whole world. Soon the issue of Iraq will present itself. Any well-founded impression that the timing is governed by domestic political concerns would be ruinous. »
C'est une situation peu ragoûtante pour l'équipe GW, puisque la voilà attaquée, au niveau économique, pour son trop grand “laisser-faire” (par les libéraux) et pour avoir trahi le libre-échange, fils spirituel du “laisser-faire” (par les libre-échangistes UK). Une seule raison à cette vulnérabilité de tous les côtés de l'équipe GW : sa totale inexistence politique et sa complète faiblesse en matière de grands choix de politique générale. L'équipe GW n'intervient pas ici (dans la crise financière et du corporate system) parce qu'elle craint de mécontenter ses soutiens (le corporate system), elle intervient là et prend des mesures anarchistes de protectionnisme (dans l'affaire de l'acier) parce qu'elle veut contenter ses soutiens (dans ce cas l'industrie de l'acier). Cette administration ne vit que par les jeux d'influence qui en disposent.
Face au débat qui s'ouvre et où elle n'aura rien à dire, elle se présente comme particulièrement vulnérable. Cela ne nous change pas mais cela ne fait que s'aggraver.