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262226 février 2025 (16H50) – Il nous semble préférable d’écarter une tentative d’expliquer minutieusement les péripéties, disons des dernières 72 heures de cette formidable période de basculement du monde. D’autres s’en chargent avec infiniment de talent et les sources qui comptent. On ne s’étonnera pas si nous recommandons nos habituelles sources, notamment le tandem Christoforou-Mercouris. Ce que nous voulons faire, c’est tenter de donner une explication globale des événements en cours... Lesquels, d’ailleurs ?
Pour simple rappel, c’est-à-dire aucune prétention d’en rien expliquer.
• L’intervention, absolument superbe, de Jeffrey Sachs devant le parlement européen, vendredi dernier, a eu un écho énorme en Europe. Sachs, personnage connu, brillant, jusqu’à ces dernières années considéré comme tout à fait “dans la ligne”, a fait une intervention tonitruante, furieuse, remarquablement informé à partir de crises qu’il a vécues de l’intérieur, sur la catastrophique et suicidaire perversion de la politique extérieure atlantiste et otanienne, de son auto-désinformation jusqu’à l’inversion totale des événements historiques conduisant à la guerre, et des événements courants.
• La chevauchée inarrêtable de Trump, confirmant ses intentions, dont la première est d’établir, – sans arrière-pensées ni plan machiavélique type “séparons la Russie de la Chine”, – de bonnes relations avec la Russie dont il reconnaît le fondement existentiel de son intervention causée par l’extension de l’OTAN. Les Britanniques et l’UE montent contre eux (contre les USA autant que contre la Russie) une “OTAN des mers froides”, pour soutenir l’offensive de communication de Mister Z.
Note de PhGBis : « Pour fêter l’héroïque résistance de Zelenski grâce à sa maestria tactique depuis trois ans, étaient invités es présidents(es) et premiers(ères) ministres d’Islande, du Danemark, de Finlande, de Suède, de Norvège et des trois pays baltes, encadrés des dames von Leyen et Kallas (et du président courant du conseil des pays-membres, le Portugais X ou Espagnol Y, je l’ignore, – qui n’avait sans doute pas compris ce qu’il faisait dans cette galère), mais sans les Polonais (tiens tiens) ni le président de l’UE Charles Michel (tiens tiens tiens). On avait aussi débauché le jeune Trudeau en attente de congé et l’Espagnol. Le tout était couronné d’un discours télévisuel du Premier ministre anglais, tandis que Boris Johnson était l’invité-surprise. [voir ce segment de ‘Bozzikman’, qui ne se cache pas d’être un intrument direct d’information de Moscou, – dont acte.] C’est la trouvaille britannique des mers froides pour contrer Trump et l’habituelle traîtrise de Macron : une OTAN des mers froides, avec son contingent de blondes ‘Harpies’, sabres au clair/ Les héros ukrainiens morts au champ d’honneur furent salués comme ils le méritaient. »
• Devant les Européens qui rechignent parce qu’ils sont coincés dans une narrative absolument impérative, Trump manœuvre finement avec Macron, en souhaitant bon souvenir à Brigitte. En passant, il met complètement dans sa poche l’absolu vide conceptuel et moral de Macron qui saute comme un cabri excité de se contenter de trahison en trahison, à intervalles réguliers (antirusses, pro-russe, antirusse, prorusse, – antiTrump, proTrump) ; tel camp qu’il choisit pour quelques mois d’une façon radicale en faisant la leçon aux autres, en tonitruant de toutes ses forces vocales avant de virer de bord... En effet, les trahisons de Macron ne se font pas avec habileté et une élégante discrétion, à la britannique, elles se font en grandes pompes, avec trompettes et cymbales, et défilé des troupes du type-‘Furia Francese’... A couper le souffle ! La France nous avait caché, – y compris à nous les quelques Français du bord, – qu’elle dispose de tant de trésors insoupçonnés de bassesses.
Note de PhGBis ; « Ah, Paris serait la plus belle et la plus glorieuse ville du monde, et vraie capitale du monde d’avant, de maintenant et de toujours, s’il n’y avait pas les Français, type-parisiens, disait un Français dissident des salons parisiens. »
• A l’ONU, événement sans guère de précédent et si rare : la Russie et la Chine votent pour une motion US qui parle de la guerre en Ukraine sans dire que la Russie est l’agresseur et en ne faisant que souhaiter la paix. France et UK se sont abstenus, n’osant poser un veto. La motion fut donc adoptée et quelque chose de plus renforça l’extraordinaire changement en cours.
• Autrement dit, l’affrontement USA-Europe n’est pas un mythe, il est plutôt un cancer jusqu’alors dissimulé qui éclate en pleine lumière (laissions le clown-Macron, sans intérêt, de côté, – tout juste nous fait-il rire par moment, et puis l’on pense à autre chose)... Et dire qu’il y a quelques patriotes pour appeler à l’indépendance de l’Europe face à l’Amérique, jusqu’à se satisfaire de l’UE s’il le faut ! Ivresse de la sottise grande et belle comme le Louvre.
• Dernier volet, intérieur USA, ; – le plus important, la chose capitale pour le président et son équipe. Trump veut régler comme il peut l’Ukraine et le reste parce que c’est l’intérieur, le destin des USA qui l’appelle, qui est à son terrible “quatrième tournant” (voir plus loin). Peut-être l’ignore-t-il, Trump, mais il doit le sentir confusément... Ce qui nous pousse à mettre cette question sur la table, c’est la croisade entamée par le président du JCS limogé, le général CQ Brown qui, par son comportement très ‘Black Lives Matter’ (BLM) justifie amplement la mesure prise contre lui. Il nous est dit également que 300 généraux ont signé une pétition de soutien traitant Trumpo de “traîtres”. Il ne faut pas s’exciter sur le nombre : l’armée US est une armée mexicaine, où l’on devient général, à quatre étoiles surtout, après avoir donné toutes les preuves du monde de bon conformisme et de corruption auprès des forces d’argent qui comptent.
Il n’empêche, l’affaire prend des allures de révolte d’une partie de l’armée, essentiellement celle qui a pris les commandes sous Biden, pour appliquer le programme DEI/wokenisme. C’est dire que la réaction contre l’élection de Biden, surtout dans ce climat de désintégration de la politiqueSystème va très rapidement se durcir autour de symboles comme le général Brown, et rencontrera une réaction plus violente encore. De ce point de vue, les républicains sont complètement transformés par l’épisode BLM/Biden : ils savent désormais qu’ils font face à une bataille existentielle.
Mais nous pensons absolument que cette bataille est la nôtre, qu’elle nous concerne, qu’elle bouleverse toute la civilisation. Le rapprochement Poutine-Trump n’est pas un simple retour de la diplomatie, une “néo-détente”, quoiqu’on veuille bien en dire, – même nombre de trumpiste. Nous pensons qu’il s’agit d’une guerre civile civilisationnelle, c’est-à-dire l’ultimité de la GrandeCrise qui, évidemment, intéresse et touche tout le monde. Le profil de certains proches de Trump est révélateur, – JD Vance, par exemple, tel que le présente, en adepte de Soljenitsyne, Zakar Andeev, de RIA Novosti (et l’on pense à Buchanan) :
« La culture russe et l'orthodoxie — Soljenitsyne, Séraphin Sarov et d'autres — semblent avoir une influence significative sur la pensée des dirigeants américains, bien qu'indirectement. Et étant donné que J.D. Vance est pressenti pour la présidence, l'importance de cette influence ne peut que se renforcer à l'avenir. »
Une question importante nous revient alors à l’esprit : pourquoi l’Amérique est-elle le centre brûlant de la civilisation et trouve-t-on dans sa citoyenneté des oppositions aussi extraordinairement tranchées, – dans un pays qui devrait être “robotisé” plus qu’aucun autre, broyé par la modernité ? Pour cela, nous nous tournons vers le livre de philosophie historique ‘Le Quatrième Tournant’, de William Strauss et Neill Howe, dont nous avons parlé par la voix admirative d’Alexandre Douguine.
Nous allons développer une hypothèse à laquelle l’allusion ci-dessus à JD Vance, tout comme le rappel de Buchanan, nous convie. Le livre de Strauss-Howe s’intéresse essentiellement à la structure et à la dynamique de l’histoire, en privilégiant l’approche cyclique, – pour eux, assez proche de Toynbee, – aux dépens de l’approche linéariste des modernes. Ils expliquent cette approche à partir du phénomène de “saisonnisme”, calqué sur les rythmes de la nature ; à partir du phénomène basique des quatre saisons : renouveau (printemps), plénitude (été), décadence (automne), mort avant le renouveau (hiver).
D’après Strauss-Howe, ce phénomène saisonnier est caractérisé depuis les Étrusques par le “saecculum” :
« Ce mot revêt deux significations : “une longue vie humaine” et “un siècle naturel”, soit environ cent ans. L’étymologie du mot peut être liée au latin secetus (vieillissement), sero (planter), sequor (survivre) ou à une racine étrusque perdue. »
La civilisation occidentale a longtemps gardé cette référence impliquant une histoire cyclique, et aujourd’hui elle tend de plus en plus à le retrouver à la lumière de la crise qu’elle traverse. L’étonnant est qu’elle tend à faire cela, surtout en Amérique, où pourtant les Européens n’apportèrent pas cette notion de tempolarité...
« D’après ce que vous savez de saecculum [son rythme saisonnier régulier] ne seriez-vous pas amené à penser que son histoire est réglée par un code d’une étonnante régularité ? Ce serait sans doute le cas.
» Mais, bien entendu, cette société n’est pas une hypothèse. Cette société c’est l’Amérique. » [...]
« De fait, le cercle du temps est la seule chose que les Européens n’ont clairement pas apporté en Amérique, le seul élément manquant parmi les clous, les charrues, les bibles et les contrats qu’ils sortirent de leurs bateaux. La “découverte” de l’Amérique par Christophe Colomb, qui coïncide même avec la naissance de la modernité en Occident, donne inévitablement naissance à une image européenne de l’Amérique comme destination ultime du cercle du temps : la légendaire Cathay, l’El Dorado, la Nouvelle Atlantide ou la Nouvelle Jerusalem... »
Et Strauss-Howe ajoutent plus loin cette remarque qui nous replonge, de la “conquête” de l’Amérique à la GrandeCrise actuelle déchirant paradoxalement l’Amérique selon des évidences bien identifiables, conduisant à une mise en cause du christianisme occidental au profit d’un néopaganisme (ou un achéofuturisme à la Guillaume Faye), sinon d’un christianisme orthodoxe à qui il n’a jamais été donné l’occasion d’exercer le pouvoir politique comme ce fut le cas de la papauté de Rome à partir des XIème-XIIème siècle (voir ‘L’imposture papale’, de Laurent Guyénot – merci à Nicolas Bonnal).
Et Strauss-Howe de conclure ceci qui complète les citations ci-dessus et implique naturellement l’exceptionnalisme américaniste, et les traits de caractère que sont le duo “inculpabilité-indéfectibilité” (impossibilité de la culpabilité et impossibilité de la défaite), notamment chez les neocon et les diverses bureaucraties :
« En fait, ce que ces migrants ne cherchaient pas, – en fait, ce qu’ils fuyaient, – c’était une résignation païenne à une saisonnalité de la nature. »
Il est évident que toute cette tendance de l’esprit, après diverses tentatives de la faire entrer dans le flux normal des conceptions américanistes, a débouché sur un maximalisme dément de destruction totale des expressions et structures naturelles, jusqu’aux genres, aux races, aux conditions sociales, etc., dans une sorte de délire de l’égalitarisme moderniste.
Notre hypothèse est que l’épisode 2015-2024, jusqu’à la guerre en Ukraine avec une sorte de “banalisation” de la guerre nucléaire du fait de l’égalitarisme des destructions et de l’exceptionnalisme américaniste, a démontré aux adversaires de ces tendances que les radicaux d’en face étaient absolument prêts, absolument sûrs, de passer l’obstacle de la guerre nucléaire pour imposer leur idéologie. C’est ici que l’affrontement interne aux USA, on le comprend, devient existentiel, – en même temps qu’il échappe complètement au “cercle de la raison” dont nous avons, en France, embaumés comme autant de Lénine, quelques superbes représentants.
Ce qui se passe en ce moment, – c’est notre hypothèse, – c’est que Russes et Américains trumpistes-populistes, c’est-à-dire Russes traditionnalistes et Américains néo-traditionnalistes, découvrent qu’ils sont menacés du même danger existentiel.
Ces choses-là rapprochent...