Guerre des “sanctions” entre l’Arizona et L.A.

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La loi anti-immigrants adoptée par l’Etat de l’Arizona a conduit plusieurs villes US à boycotter l’Etat en instaurant une politique de “sanctions”. Il y a notamment Boston, Austin (Texas), San Francisco et Los Angeles (L.A.) en Californie. Une controverse entre l’Arizona et Los Angeles a lieu actuellement, selon le Guardian du 20 mai 2010.

«Arizona's tough new immigration law has drawn it into an open conflict with one of the most powerful cities in America, after a prominent Arizona politician threatened to pull the plug on its power supply to Los Angeles in retaliation for the city's boycott of the state.

»Gary Pierce, a commissioner with the Arizona Corporation, an elected body in charge of the state's public utilities, sent an angry letter to the mayor of LA, Antonio Villaraigosa, prompted by LA's boycott of Arizona and its local businesses. “If an economic boycott is truly what you desire, I will be happy to encourage Arizona utilities to renegotiate your power agreements so Los Angeles no longer receives any power from Arizona-based generation,” he wrote. […]

»Villaraigosa counter-attacked, saying in a statement that he would “not respond to threats from a state which has isolated itself from the America that values freedom, liberty and basic civil rights”.»

Pour l’instant, le législateur de l’Arizona a du admettre que sa menace était difficile à concrétiser, l’Etat n’ayant pas la capacité légale d’intervenir contre des centrales qui appartiennent à Los Angeles.

«It soon emerged that the corporation has no power to cut off power supply to LA, and that California owns several of Arizona's power plants. Pierce was forced to backtrack.

»LA is thought to have trade with Arizona worth more than $50m (£35m). Several other cities implement similar boycotts, including San Francisco, Boston and Austin. Early estimates suggest that Arizona stands to lose at least $90m from cancellations of conferences and travel, the lion's share of the losses falling on the state's largest city, Phoenix.»

Notre commentaire

@PAYANT D’une façon générale, cette affaire d’Arizona est considérée, vue de l’extérieur, comme mineure et sans importance, une sorte de “querelle de Clochemerle”. Par exemple, l’avis des analystes des délégations européennes à Washington, lorsque l’affaire a éclaté il y a un mois, était que l’Arizona amenderait rapidement sa loi pour la rendre “présentable” selon les normes humanitaires, ou bien l’abandonnerait purement et simplement, pour éviter un conflit avec Washington et l’isolement. On sait, depuis, que de nombreux autres Etats envisagent de suivre l’exemple de l’Arizona. Clochemerle prend de l’ampleur mais aucune publicité n’est faite à un événement qui va un peu trop contre la vision officielle du système de la communication.

Cet accrochage entre l’Arizona et Los Angeles est intéressant. Los Angeles a réagi avec force contre l’Arizona, ainsi que la Californie en général, parce que les populations d’origine hispanique y sont très fortement représentées, et que cela fait autant d’électeurs. (Antonio Villaraigosa, le maire de Los Angeles, est lui-même d’origine hispanique.) L’affrontement, même si les références avancées officiellement par les uns et les autres sont très “convenables”, se fait en réalité selon des références ethniques marquées, ce qui contribue à exacerber les aspects les plus explosifs de cette affaire, laquelle ne porte sur rien moins que sur la question de l’identité nationale aux USA. Il nous paraitrait audacieux de penser que le conflit est et restera circonscrit, parce qu’il porte sur une matière essentielle de la crise US, qui est alimentée chaque jour par les événements sécuritaires et sociaux. Entre l’Arizona et Los Angeles, le problème le plus préoccupant est qu’il n’y a pas de réel déséquilibre moral et politique d’arguments. Les arguments sécuritaires de l’Arizona face au flot d’immigrés illégaux sont absolument valides, tout comme sont valides les arguments de la communauté hispaniques selon lesquels cette communauté est en général très défavorisée, et encore plus, bien entendu, les illégaux, dont l’immigration est favorisée par le corporate power US qui y trouve une main d’œuvre à très bon marché et sans aucune capacité d’organisation sociale. Il y a donc tout lieu de penser, surtout si l’Arizona trouve à ses côtés (avec la même loi) une dizaine ou une quinzaine d’autres Etats, que les conditions de l’affrontement vont se poursuivre et s’aggraver. La menace du législateur de l’Arizona n’est pas réelle dans l’état actuel des choses mais elle peut le devenir si les mesures prises contre l’Arizona s’aggravent et si la direction politique de l’Arizona décide de prendre des mesures discrétionnaires (sorte de “nationalisations” !) passant outre les empêchements d’intervenir contre Los Angeles, dans la situation actuelle.

Ce qui est et reste le plus caractéristique encore dans cette affaire, c’est l’indifférence persistante de Washington. Obama a annoncé qu’il allait faire étudier la légalité de la loi de l’Etat de l’Arizona, sans autre précision, ni du délai de cet examen, ni du degré de contrainte qu’impliquerait l’examen. Depuis, il n’y a eu aucune autre précision, sauf une approbation d’Obama devant les récriminations du président mexicain Calderon, lors de leur rencontre d’avant-hier («On Wednesday, Calderon had talks with Barack Obama in which he made clear that Mexico sees the law as discriminatory, a view with which Obama agrees…»). L’absence de réaction de la Maison-Blanche est telle que ce même Calderon a pris la décision extraordinaire de passer outre les canaux diplomatiques habituels et de s’adresser directement au Congrès, sur les conseils des élus US et autres dirigeants US d’origine hispanique. Cette démarche semble impliquer qu’effectivement le Mexique s’impatiente devant la passivité de la Maison-Blanche.

Cette passivité, on le comprend bien, répond à la crainte de trop s’impliquer dans une affaire où, de quelque côté qu’on se place, on est assuré de mécontenter des parties importantes de l’électorat. (De même, l’intervention de Calderon au Congrès devrait rencontrer les mêmes obstacles, – tout le monde étant, là aussi, en pleine année électorale, alors que cette affaire est en réalité explosive dans le climat politique actuel.) L’impression générale devient alors que “Clochemerle” pourrait bien prendre des dimensions politiques imprévues et inattendues, hors du contrôle des dirigeants politiques de Washington, avec des tensions locales extrêmement exacerbées. Il s’agit d’un cas de division extrêmement marqué, aux conséquences imprévisibles. Il touche à la perception sacrée de l’unité et de la cohésion des USA. Pour toutes ces raisons, c’est une affaire importante qui ne cesse de se développer souterrainement et, pour cette raison exactement, personne n’en parle sinon pour tenter de la ridiculiser. Les conditions sont pour l’instant réunies pour que la chose puisse éventuellement éclater de manière soudaine en une crise nationale.


Mis en ligne le 21 mai 2010 à 09H19