Gulliver totalement impuissant, nouant des liens supplémentaires…

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Gulliver totalement impuissant, nouant des liens supplémentaires…


4 août 2005 — En même temps que les attaques contre les forces américaines en Irak sont de plus en plus efficaces et que l’on constate les effets grandissants de ces attaques sur la situation tactique, que font les Américains? Ils préparent leur riposte grâce à la high tech.

La description des mesures que les Américains sont en train de préparer est totalement surréaliste. Elle montre leur complète incapacité d’adaptation, et combien chaque événement fâcheux pour leurs armes est aussitôt suivi de conclusions fausses qui ne manqueront pas d’aggraver leur situation lorsqu’elles aboutiront à des mesures concrètes. Face aux attaques, les Américains ne cherchent que des mesures défensives derrière lesquelles ils tendent à s’abriter de plus en plus.

La description des systèmes en cours d’élaboration pour lutter contre les attaques ne relève que d’une chose : de la technologie la plus sophistiquée possible, toujours de plus en plus sophistiquée. L’hebdomadaire Aviation Week & Space Technology, dans sa livraison du 8 août, consacre un article à ces technologies qui vont changer le cours de la guerre, — une sorte de mythe des “armes secrètes” de Hitler en 1944-45, remis au goût du jour. Il y a, étrangement, comme on le voit par ailleurs, une proximité psychologique entre la façon d’envisager la guerre des Nazis et celle du Pentagone.


« The U.S. is introducing a new technology into the fight in Iraq that counteracts the effect of improvised explosive devices and bombs by making them ignite prematurely. It could slash the number of successful insurgent attacks, contends a top Marine Corps commander who is returning to combat there.

» The current goal is to find a way “to not jam, but to pre-detonate” IEDs or vehicle-borne bombs, says Lt. Gen. John F. Sattler, commander of the 1st Marine Expeditionary Force. He is slated to return to Iraq in January-February, in time for the national elections and their aftermath, and was formerly director of operations for U.S. Central Command.

» “For the moment that you're coming by [a bomb], if you jam the circuitry, you prevent the IED from going off, but it's still there,” said Sattler in an interview here with defense writers. “Five vehicles down the road might not have the jammer.” The goal is to project a “power source” such as a big spike of energy from a truck- or aircraft-borne emitter into an enemy bomb that can “fuse the circuitry of a blasting cap or pre-detonate it before the convoy gets there,” he says. “We have come a long way in the last 6-8 months, and there is progress being made to get ahead of the tactics the enemy is using.”

» Sattler would not confirm that high-power microwave (HPM) devices are being used to pre-detonate IEDs, but the Pentagon and aerospace industry officials acknowledge that such technology has been developed and tested in the U.S.

» “The intimidation of pre-detonation will shut [bombers] down many notches,” he predicts. “There is some pre-detonation on the battlefield now. I will also say there are some sharp people . . . increasing that capability.”

» Current technologies for finding IEDs have topped out in their ability to locate these devices at about 50%. Most U.S. casualties continue to be from IEDs or automobile-borne bombs, some of them used in suicide missions.

» Alliant Techsystems developed an HPM system that last fall exploded 75% of the mines planted in a range near Yuma, Ariz. Support for the technology from the Air Force Research Laboratory indicates that it may be destined for use from aircraft. It's the first HPM system ruggedized for transport. Raytheon also has developed and fielded an adjunct system that uses an uncooled infrared sensor powerful enough to detect buried mines but light enough to be carried by unmanned aircraft. It also was to have been deployed to Iraq this summer. »


L’intention américaine reste toujours, obstinément, de transformer un champ de bataille chaotique et incontrôlable en une situation ordonnée où l’on puisse utiliser à tous les coups des technologies qui requièrent d’abord, dans un temps très rapide, des renseignements très précis d’une situation tactique précisément identifiée, — alors qu’elle est désordre par essence et en mouvement à chaque seconde. L’aspect psychologique de ces étranges recherches est non seulement dérisoire, il est irréel : parler d’“intimidation” à cause de prétendus “succès” d’explosions prématurées à propos de personnes qui ont décidé de sacrifier leurs vies est absurde. Les défauts américains qui ont conduit à l’impuissance actuelle, en tournant à la caricature risquent de transformer un jour cette impuissance en désastre.

L’article s’intéresse tout de même au problème de l’identification, mais là aussi dans une dimension aveuglément psychologique, avec des effets prévisibles nuls ou contraires à ceux qu’on attend. Par contre, la présence massive des moyens les plus avancés est toujours là : « Another approach to mitigating the danger of IEDs involves correlating large amounts of intelligence and surveillance data to determine the time of day and locations where such weapons are often planted. Observers monitor those sectors from aircraft or hidden sniper posts with fast-reaction forces standing by. In one new, specialized project, researchers have begun targeting enemy planners, organizers, suppliers and bomb makers in their homes and workshops before attacks can be launched. The effort is based on fusing intelligence to the basic building blocks of ground moving-target indicator data gathered by Joint Stars, U-2 and other aircraft. The data can be played backward to see where the bombers and vehicles came from. »


Les Américains sont impuissants par rapport au facteur central de toute guerre de cette sorte, qui est l’aspect humain : ne jamais perdre le contact avec la rébellion, chercher constamment à la comprendre, à la manœuvrer, à la diviser, à l’orienter, essentiellement “de l’intérieur” ou par des actions d’influence sur les marges. L’identification doit se faire de l’intérieur, à partir d’une compréhension des hommes, de leurs motifs, de leur action. Les Américains font le contraire : ils s’isolent systématiquement de la rébellion, de la résistance, de l’insurrection, de l’Irak, etc. C’est une réaction typique de l’américanisme, cet isolationnisme psychologique, aujourd’hui traduit par les formules bushistes: ne rien toucher qui puisse appartenir au “mal” (evil) ; cela, d’autant plus impératif qu’on n’y comprend rien.

Dans l’éditorial du numéro 86 de juillet 2005 de notre Lettre d’Analyse Context (déjà publié dans cette rubrique), sur les attentats de Londres, nous observions à propos de la comparaison significative, et monstrueusement fausse, entre le terrorisme et la Deuxième Guerre mondiale (le Blitz contre Londres), — en nous référant à la guerre d’Algérie:


« On ne peut comparer les puissances respectives, les destructions respectives, les enjeux respectifs. La guerre conventionnelle (la Deuxième Guerre mondiale) suppose une rupture totale avec un ennemi parfaitement identifié. On va même jusqu’à suivre la stratégie de la capitulation sans conditions, qui traduit cette rupture au plan militaire. La guerre contre le terrorisme suppose de ne jamais perdre le contact avec l’ennemi, à aucun prix.

» La guerre d’Algérie est l’archétype de la guerre contre le terrorisme (terrorisme urbain, guérilla, etc). Elle fut militairement gagnée par la France (en 1960) et c’est la seule volonté politique de De Gaulle, pour des motifs de politique générale tout à fait acceptables, qui aboutit à l’indépendance de l’Algérie. Pendant cette guerre, jamais la France ne perdit le contact avec l’ennemi. Elle l’infiltra constamment, opposant des fractions rivales entre elles. La principale force combattante française était faite des 150.000 “harkis” (rebelles du FLN ralliés à la France). Les infiltrations des services secrets français culminèrent avec l’ ‘affaire Si Salah’ (1960) et l’opération d’intoxication nommée ‘bleuite’: la volonté de ralliement à la France d’un des cinq grands chefs de régions militaires du FLN (le Front National de la Révolution, principal parti rebelle) avec toutes ses troupes, suivie de la plus formidable purge interne (‘la bleuite’) que connut le FLN, orchestrée par les services français. »