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16 mai 2005 — « Stay tuned, especially during June and July », nous recommande Gordon Prather, dans sa rubrique du 14 mai sur Antiwar.com (il confirme sa recommandation dans sa chronique du 16 mai).
Autre recommandation du même type, sur le même site aujourd’hui, celle de Jude Wanniski sous la forme d’un “mémo” aux sénateurs républicains à qui on s’apprête à faire voter la confirmation de John Bolton comme ambassadeur des USA à l’ONU. Pourquoi cette urgence? Parce que Bolton doit être sur place en juin-juillet, pour la grande bataille onusienne qui devrait déboucher sur des raids américains contre l’Iran. Cette analyse rencontre nos propres analyses sur la nomination de Bolton, qui est très loin d’être une mise à l’écart ou une voie de garage pour lui. Nous écrivions le 8 mars:
« Dès ces premières lignes, une hypothèse doit être avancée : outre le rôle général qu’on attend de lui, — ultra-dur, voire violent, dans les débats de l’ONU, à la fois contre l’Organisation et contre les pressions extérieures, — il est possible, sinon probable, que les Etats-Unis préparent avec un homme comme Bolton l’éventuelle venue de la question iranienne à l’ONU. Si les négociations entre Européens et Iraniens n’aboutissent pas, cette affaire pourrait effectivement être portée à l’ONU par les Américains à la fin juin, et l’on peut compter sur Bolton pour en faire une machine de guerre sans précédent onusien dans le registre de la violence. »
Des pressions extraordinaires sont exercées sur les sénateurs républicains pour qu’ils confirment la nomination de Bolton, au nom des impératifs de sécurité nationale: si vous ne confirmez pas Bolton, leur est-il dit, vous compromettez la sécurité nationale des Etats-Unis dans la crise iranienne. Il se confirme de plus en plus nettement que Bolton, s’il est confirmé, aura bien pour mission, à l’ONU, de déterrer la hache de guerre contre l’Iran. Il le fera dans sa manière habituelle, sans vergogne ni le moindre scrupule, avec une brutalité extraordinaire, employant tous les moyens possibles, — pressions, espionnage, diverses méthodes de coercition, et jusqu’aux menaces physiques. Nous vivons des temps extraordinaires, où le souvenir de John Wayne apparaît comme un idéal de finesse, de mesure et de diplomatie, et ses films comme des modèles de situation “sous contrôle”.
Wanniski nous donne en passant une précieuse indication, avec ce rapport d’une intervention du général en retraite de l’USAF Thomas McInerney, qui est la courroie de transmission la plus directe de Rumsfeld, porteur de tous les bobards possibles et de toutes les menaces nécessaires, — ici, nous sommes plutôt au rayon “menaces”.
« On a recent, quite incredible Fox News special, Lt. Gen. Thomas McInerney said we are already moving aircraft carriers into positions from which we could strike. He was then asked: “If you had to put a percentage on it, the chances that the U.S. will eventually have to take military actions against Iran, what would you put it at?” to which McInerney replied casually: “Well, I would put 1 percent of using ground forces, boots on the ground in Iran, I would put up 50 percent on a blockade, and I would put up 50 to 60 percent on precision air strikes on their nuclear development sites.” He also observed casually that Iran wouldn't dare take on the United States. Perhaps the 60 million Iranians would greet our bombers with garlands and sweets. Do you see what I mean? Fox News, as you may know, is commonly known as ‘The War Channel,’ for similar work it did in promoting the war against Iraq. »
La “nouvelle” des porte-avions se rassemblant à proximité de l’Iran n’en est pas vraiment une. Dite par McInerney, sur les antennes de Fox News, elle nous en dit long sur la volonté de l’administration GW de dramatiser la situation pour préparer l’entrée dans le cœur de la crise avec l’Iran.
Comme à l’habitude, les Européens vont être confrontés à des pressions extrêmes dans un jeu où ils n’ont ni les mêmes intérêts, ni les mêmes libertés d’action. Pire, ces Européens sont dans des positions différentes et incertaines du point de vue intérieur, avec par exemple un Blair en difficultés et un Chirac pour l’instant placé devant l’incertitude du référendum. Mais ces incertitudes intérieures comptent différemment, — le Britannique est dans une position structurellement faible, le Français dans une position conjoncturellement et très temporairement incertaine. Les Britanniques ont signalé des positions différentes ou des nuances complémentaires, soit en affirmant leur complet refus de soutenir une attaque US contre l'Iran, soit en signalant, comme le traduit Prather un peu à l’emporte-pièce: « Poodle Blair promptly announced, “We certainly will support referral to the UN Security Council if Iran breaches its undertakings and obligations.” » (Là-dessus, Prather ajoute justement qu’il n’y a jamais eu, de la part des Iraniens, ni “undertakings” ni “obligations” dans les négociations en cours, donc qu’on ne peut parler de manquement ou de violation au sens légal s’ils reprenaient la production d’uranium enrichi. Le débat à l’ONU sera plein de ces interprétations.)
Il y aura encore beaucoup de manœuvres et d’évolutions tactiques dans cette affaire. Pour le terme de cette séquence de la crise, il y a deux remarques à proposer:
• Quoi qu’il se passe, il semble bien se confirmer que juin-juillet sera un moment central de la crise iranienne.
• Le but de Washington reste plus que jamais de mettre en place les conditions pour une attaque aérienne de l’Iran. Sur ce point précis, les Européens, Britanniques compris, seront bel et bien placés devant la nécessité de refuser leur soutien aux Américains, ouvrant une crise transatlantique majeure.