GW comme Pinochet?

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Dans un petit village du Pays de Galles nommé Hay, a lieu un festival régulier, organisé notamment par le Guardian. C’est un festival culturel à forte orientation politique, où l’on s’autorise diverses activités subversives qu’on pourrait identifier comme proche, dans l’esprit, notamment des altermondialistes, des écologistes, etc. Cette année, au Hay Festival 2008, un des invites vedette fut Jimmy Carter, pour la rubrique “Fantasy American President” (l’invité, à qui il est donné comme règle principale de se figurer comme président US à la place de Bush, est invité à énoncer son programme).

Jonathan Freedland, qui fait rapport de cette affaire dans le Guardian du 25 mai, explique comment on peut regretter que le futur président des USA ne soit pas Jimmy Carter, 83 ans:

«Tonight Hay offered a new collective prayer: if only we could have a man like Jimmy Carter back in the Oval Office. Now 83 years old, the former president – so often mocked by his countrymen and a victim of what he called an “involuntary retirement” when he was booted out in 1980 – held his audience spellbound as he set out a radically alternative vision of America's place in the world. »

(Il y eut dix minutes d’exposé d’un programme, que certains habitués du conformisme jugerait radical, du futur “président” Jimmy Carter : «When I'm the president of the United States, my country will never again torture a prisoner. When I'm the president of the United States, we will never again attack another country unless our security is directly threatened. When I'm the president of the United States, human rights will be the foundation of our foreign policy.»)

Nous nous arrêtons à un point annexe mais qui nous semble important, selon l’observation et à l’invitation de Freedland lui-même. Il concerne une question qui fut posée à Carter par l’intervieweur, le Conseiller de la Reine, Philippe Sands, professeur de Droit et critique juridique constant de certains aspects de la politique US, notamment la pratique de la torture.

«The most intriguing exchange came when interviewer Philippe Sands QC pressed the former president on whether George W Bush, who recently admitted authorising interrogation procedures widely seen as amounting to torture, could face prosecution for war crimes. Carter replied that he hoped Bush would live a peaceful “productive life – in our country.” Sands told me afterwards that he understood that as “clear confirmation” that while Bush would face no challenge in his own country, “what happened outside the country was another matter entirely.”

»Jimmy Carter was at pains not to spell it out too directly – proof that while he may be a former president, he is still very much a politician.»

Il s’agit d’une indication très intéressante. Carter est politiquement très actif, comme l’on sait. Il entretient des relations suivies avec diverses milieux et structures d’opposition à la politique américaniste, notamment des structures à finalité juridique. Il semble manifeste, avec cette intervention, que Carter est informé de projets juridiques sérieux à l’encontre de Bush, essentiellement après qu’il aura quitté la présidence. Pour résumer l’idée, il pourrait s’agir d’actions de la sorte de celle qui fut lancée contre le général Pinochet.

C’est un point qui va au-delà du symbolique ou de la seule revendication du point de vue du droit, un point qui a une dimension politique. Un ancien président des USA n’est pas un ancien président chilien, d’autant qu’aucune contestation du point de vue politique formel ne serait intervenue aux USA contre lui dans l’hypothèse évoquée. Si une action juridique était lancée contre l’actuel président au terme de son mandat, et relayée par une structure de justice ou l’autre, nationale ou internationale, il s’agirait très vite d’un cas politique impliquant officiellement les USA. Il s’agirait d’un cas délicat pour Washington, dans la mesure où un “dossier Bush” conduirait à une obligation d’examen critique de sa politique, qui reste la politique officielle des USA. Une attaque juridique contre Bush pour “crimes de guerre ” risquerait fort de devenir très vite une attaque contre la politique extérieure US.


Mis en ligne le 26 mai 2008 à 08H57