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18 janvier 2003 — Merci à l’excellent site Cursor.org pour avoir relevé l’extraordinaire accumulation d’emplois, depuis le lancement du plan économique de l’administration, du terme bold accolé à GW Bush, que ce soit dans les présentations officielles, dans les commentaires d’une presse effectivement complètement homogénéisée dans ses réactions, etc. Cursor.org propose le lien Google Search à la recherche de “Bush bold” et trouve des résultats très caractéristiques : « Searched news for Bush bold. (BETA) Results 1 — 10 of about 1,380. » ; ci-dessous quelques reprises des premiers résultats de la recherche Google...
« 1 —Bush's Bold, and Risky, Economic Plan, New York Times — 07 Jan 2003 ... It wasn't just that the country didn't see President Bush as having a bold economic agenda to lift us out of the recession,'' Mr. Weber said. ...
» 2 — Bush's bold stimulus plan fraught with risks, Business Times, Singapore — 08 Jan 2003 ... It wasn't just that the country didn't see President Bush as having a bold economic agenda to lift us out of the recession,' Weber said. ...
» 3 — Bush economic plan could hurt state economies, Chillicothe Gazette, OH - 14 hours ago ... argue over day and night. And it's at the heart of Congress' review of President Bush's bold plan to stimulate America's economy...
» 4 — Bush Shows Impatience With Iraq but Optimism on Korea, Yahoo News - 8 hours ago ... I'm absolutely convinced this issue will be solved in a peaceful way,'' Mr. Bush ... I had instructed our secretary of state to approach North Korea about a bold ... Bush 'Sick and Tired of Games and Deceptions' by Saddam - WAFF
» 5 — Bush's Terrible Twos, The Nation - 5 hours ago ... The Washington Post editorialists uncharacteristically mocked Bush: ''But if $700 billion [in tax cuts] is bolder than $300 billion, why ... Wouldn't that be bold? ... Bidding up the Senate and Bush - The Hill
Et ainsi de suite (1380 entrées)...
Il s’agit d’un exemple caractéristique de l’emploi systématique d’un mot considéré comme “concept”, développé par la machinerie RP (Relations Publiques) de la Maison-Blanche. Depuis la crise de la Corée du Nord et la réaction très mesurée, défensive, à la limite de l’impuissance de l’administration GW, la machinerie RP de la Maison-Blanche est au travail pour trouver une riposte. Cette riposte est d’autant plus nécessaire que, parallèlement, la crise irakienne donne souvent une impression d’immobilisme qui pourrait se transformer rapidement en une impression d’enlisement et de paralysie ; et que, parallèlement encore, mais ceci comme conséquence notamment des deux événements signalés, la côte de popularité de G.W. Bush est en déclin continue et, pour la première fois depuis le 11 septembre 2001, est passée sous les 60% (58%).
La riposte ne peut effectivement être que virtualiste parce qu’il n’y aucune mesure décisive à espérer et que le travail de RP, qui conduit toute la “politique” de GW, n’évolue que dans ce cadre. L’une des mesures principales de cette riposte virtualiste est d’ordre sémantique : l’emploi de certains mots-clé comme concepts, avec assez de puissance et une diffusion telle qu’ils puissent effectivement influencer la représentation imagée (par images) du jugement et modifier la perception générale de l’activité de l’administration. Il s’agit d’offrir un jugement formé (“formaté” ne serait-il pas plus adapté à l’époque ?) par avance, grâce à des mots-concepts évidemment structurants.
Le lancement du plan économique de GW a été l’occasion de déployer cette tactique : le plan a été aussitôt qualifié de bold dans sa présentation ; le qualificatif a été immédiatement étendu aux autres domaines, particulièrement la crise de la Corée du Nord, — et la réaction de capitulation rapide de la Maison Blanche est devenue une réaction bold. En ce sens, on peut effectivement comprendre qu’une déroute est, par rapport à la simple défaite, une réaction bold ; ceci n’est pas simple ironie (tentative d’ironiser), c’est aussi une réalité. Ce qui compte dans cette représentation, c’est le mouvement, qui donne l’impression du progrès et donc une perception favorable ; dans l’exemple absurde choisie, une déroute est encore plus un mouvement qu’une retraite. De même pour la crise irakienne, où l’agitation de ces 12-14 derniers mois est comparée à ces soldats d’Aïda, marchant sans avancer (sur place, sur la scène) en disant : « Marchons, marchons » ; la tactique est bien de parler, de bouger, de s’agiter, et même s’il s’agit de sur-place l’impression de mouvement est là. C’est l’essentiel.
Nous ne croyons certes pas que ces explications président au choix de l’emploi de mots tels que bold ou de tactique telles que le « Marchons, marchons ». Nous croyons que ces choix relèvent plutôt de l’intuition, de l’impression appuyées sur l’expérience, — ce qui montrerait que même dans l’univers virtualiste de la communication, l’exercice de la tromperie reste en bonne partie confié à quelque chose de naturel (de vrai ?) dans le comportement humain.