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10 octobre 2003 — GW a lancé une grande campagne d’“explication”. A l’américaine et à la soviétique, dirait-on. Le thème : la guerre contre l’Irak était justifiée, Saddam était un fou qui menaçait l’Amérique, ne croyez pas (il s’adresse aux Américains) tout ce que vous disent les journaux.
Justin Raimundo, revenu de ses faiblesses pour le président présente cette “offensive de RP” (relations publiques) sous le qualificatif assez juste de “pathétique”. Il décrit, également justement, cette offensive dans des termes qui nous montrent qu’il s’agit d’une bataille entre la réalité et le virtualisme, désormais doctrine officielle du gouvernement américain. (Aux morts de la journée d’hier qu’il cite dans son texte pour souligner la réalité de la situation en Irak, Raimundo pourrait ajouter celles de deux autres GI tués après l’attentat dans une embuscade à Bagdad, ce qui fait du 9 octobre une des journées les plus sanglantes et les plus dramatiques de l’“après-guerre”.)
« The U.S. government is launching a public relations blitz designed to show the American people that they shouldn't believe the evidence right in front of their eyes, because our success (or lack of it) in Iraq is all in how you look at it. The President has complained that the ''good news'' about Iraq has been blocked by the ''filter'' of a hostile news media, as MSNBC reports: ''Bush said he was concerned that 'perceptions' didn't reflect the reality of 'progress' in Iraq.''
» Meanwhile, in Iraq, another suicide bombing blasted a Baghdad police station, killing 8 Iraqis; a Spanish military attaché was assassinated by three Iraqis, one of whom was dressed as a Shi'ite cleric, and we suffered our 92nd American casualty since ''victory'' was declared.
» Who do you believe, asks Bush: me, or your own lyin' eyes?
» According to the President's epistemology, it's all a matter of ''perception.'' There is no objective reality: just spin. That is a politician's mindset, one that the chief executive of the most powerful nation on earth might prove particularly prone to. Us ordinary people, however, are governed by different rules. »
On trouve d’autres exemples de cette situation de conflit entre virtualisme, ou la spin machine comme on l’appelle, et la réalité. Par exemple, le récit que fait David Corn, de The Nation, du piège où l’attira Fox News pour une interview sur le scandale spygate (Corn fut le premier journaliste à révéler l’affaire et il a écrit un livre sur un sujet approchant, — The Lies of George W. Bush ; c’est sur ces deux thèmes qu’il était interrogé). Corn fut battu, comme le dit la première phrase de son article : « I fought the Republican spin machine, and the Republican spin machine won. »
C’est une situation étrange qui s’installe aux USA, très différente de celle qui précéda la guerre. Cette fois, l’essentiel de la presse (sauf les organes marqués comme Fox News), l’édition (qui se spécialise dans l’anti-GW), le Congrès de plus en plus et, semble-t-il, si l’on en croit les sondages et d’autres signes, une partie grandissante du public, se situent en complète opposition au gouvernement et à ses présentations virtualistes du monde.
C’est une situation étrange parce que rien ne dit que cet étrange hiatus entre la réalité du monde, et la façon dont le public la perçoit, et l’interprétation (la “perception”) de l’administration GW puisse se combler, — et tout nous dit au contraire qu’il va s’accentuer.
Il semble en effet acquis que la spin machine ne reculera pas sur sa description de la situation. Ceci semble désormais la “tactique” (tactique ?) de l’administration et de sa spin machine : tout rejeter en bloc en invoquant le péché de calomnie dans le chef des non-virtualistes, en attendant que les choses aillent mieux, car personne dans ces milieux ne semble douter que les choses iront mieux. (D’ailleurs, il n’est pas loin d’être assuré que certains, dans cette administration, croient effectivement que les choses ne vont pas si mal. Les rapports internes de Paul Bremer sont optimistes sur le court terme, parce que l’optimisme est la règle interne actuelle dans l’administration. Les réactions des sociétés US qui ont accepté d’être impliquées dans la “reconstruction”, — important, cela, — sont encourageantes, ces sociétés voulant verrouiller leur présence. Il y a eu trois jours sans interruption d’électricité, ce qui est salué comme un signe d’amélioration de la situation par le Times de Londres, signe mis d’ailleurs sur le même plan que le constat que les températures de cet automne sont devenues très agréables (Dieu est avec la “reconstruction”).
Si la tendance perceptible ces derniers jours aux USA, notamment avec la révolte des électeurs en Californie, se renforce, — et il n’y a pas de raisons pour l’instant qu’il en soit autrement, — la situation va évoluer vers une rupture de perception et une potentialité d’affrontements radicaux sur divers sujets. Cela pourrait se marquer nettement dans la période électorale qui s’ouvre, notamment pendant les élections primaires. On ne sait pas si la situation américaine est révolutionnaire, — ce n’est vraiment pas dans les habitudes de ce pays,— mais la situation de la perception de grands groupes civiques l’est totalement, d’une façon qui n’a pas de précédent. C’est un domaine complètement inédit.
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