GW insiste, – la déroute doit être complète

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GW insiste, – la déroute doit être complète


17 janvier 2008 – On pourrait croire que le président GW Bush entend boire le calice jusqu’à la lie; non, soyons plus précis et juste: …entend faire boire le calice jusqu’à la lie à la puissance américaniste, exactement comme nos grand’mères faisaient incurgiter de grande force l’huile de foie de morue quotidienne à leurs rejetons réticents. Son voyage au Moyen-Orient, qui s’est fait dans des conditions de discrétion (aux USA) dues au statut notablement dégradé de cette présidence discréditée et marginalisée, restera comme une sorte de point d’orgue, avec une estampille de “catastrophe finale” pour l’aventure américaniste au Moyen-Orient.

Le voyage est parsemé de commentaires de diverses sources, pour souligner son inefficacité, voire son caractère contre-productif, – et pour alimenter notre lanterne.

• Le 13 janvier, Hannah Allam, de McClatchy Newspapers, publiait un commentaire après le discours-vedette du président à Abou Dhabi, avec l’habituelle diatribe anti-iranienne ajoutée à la non moins sempiternelle exhortation à la démocratisation. Elle détaillait l’accueil glacial, voire consterné des divers milieux politiques et des analystes des pays du Golfe.

«Even political analysts here who share Bush's democratic vision said that his speech painted over the daily reality for most inhabitants of the Middle East, an oil-rich region where power is largely inherited and human rights violations abound. (…) “Iran is a neighbor, we have to deal with that,” said Ambassador Ibrahim Mohieldin, director of the Arab League's Americas department. “The U.S. is thousands of miles away from Iran – it's OUR national security that will be affected” if leaders agree to keep Tehran isolated at Washington's request.

»Bush heaped praise on his hosts, the rulers of the United Arab Emirates, for luring foreign investment and “building a prosperous society out of the desert.” Left out, noted analyst Manar Shorbagy, an associate professor who teaches a course on U.S. politics at the American University in Cairo, was the ill-fitting fact that Iran is the country's No. 1 trade partner.

»Also unmentioned was the UAE's role as an important conduit for Iranian imports in spite of U.S.-backed economic sanctions. Moreover, a large and thriving Iranian expatriate community is central to commerce and society in Abu Dhabi and its more glamorous sister city, the commercial hub of Dubai.

»Bush, in elaborating on his theme of Middle Eastern democracy, also said he was encouraged by recent elections in Iraq, Lebanon, the Palestinian territories and other perennially troubled Arab lands. What he failed to mention, critics said: Iraqis elected an overwhelmingly Shiite Islamist government with close ties to Iran, the Lebanese still have no president because of a deepening political crisis and Palestinians voted the militant group Hamas into office. And Bush never once mentioned Syria, a close Iranian ally who plays a crucial role in regional politics.

»“You have all types of contradictions,” Shorbagy said. “Talking about freedom when you're occupying two countries in the region: Afghanistan and Iraq. Talking about justice while you're against the (Palestinian) right of return. Talking about democracy while you're against elected groups you don't like...Was he listening to himself?”»

• Le 16 janvier, l’excellent commentateur de Atimes.com, M K Bhadrakumar, ancien ambassadeur de l’Inde en Ouzbekistan et en Turquie, publiait une analyse générale du voyage de Bush et de l’activisme diplomatique parallèle de l’Iran. Le tableau est bien sûr celui d’un effet catastrophique pour la politique des USA, avec partout des manœuvres à ciel découvert contre cette politique, y compris de la part du directeur général de l’AIEA ElBaradei en escapade à Téhéran. On y trouve notamment le passage suivant consacré aux réactions en Arabie Saoudite, au deuxième jour de la visite de Bush dans ce pays.

«Reactions coming from Saudi Arabia, which has been projected by Washington in recent months as the linchpin of the Bush administration's efforts to put together an anti-Iran coalition, have been even more revealing. Saudi Foreign Minister Saud al-Faisal said on Wednesday Riyadh's national interests came first when dealing with Tehran. “We have relations with Iran and we talk with them, and if we felt any danger we have links ... that allow us to talk about. So we welcome any issue the president [Bush] raises and we will discuss them from our point of view,” he said. Such bluntness is unprecedented in US-Saudi relations.

»Again, on the eve of Bush's arrival in Riyadh on Monday, the leading pro-government newspaper, al-Riyadh, which reflects the views of the Saudi authorities, said Saudi Arabia refused to be drawn into wars or tensions with Iran and the Iran nuclear issue should be solved through diplomatic means and dialogue. It advised Bush that he was “welcome as a man of peace, but not as a man of war” and that if he sought Arab solidarity, then “he must focus rationally on the most important issue which is the question of peace”.

»Al-Riyadh urged Bush “not to preoccupy himself with a danger which the US intelligence has qualified as non-existent in the short term”, a reference to the NIE report that said Iran had abandoned its nuclear weapons program years ago.

»Similarly, influential Saudi Oil Minister Ali al-Naimi said on Sunday, “Iran and Saudi Arabia can turn into a proper model for the rest of the Islamic world through mutual cooperation and with the help of other regional states.” He said recent developments such as the Saudi invitation to the Iranian president to participate in the hajj were “clear indications of a deepening of Riyadh's relations with Tehran”.»

• Les seules marques d’intérêt, aux USA même, pour le voyage de Bush, concernent des critiques violentes marquant une radicalisation du sentiment d’hostilité à la politique traditionnelle des USA. L’attaque d’Hillary Clinton est caractéristique. Le climat électoraliste est ici utile pour dépouiller le propos de toute la rhétorique apaisante habituelle. L’intervention venue de la candidate généralement désignée et réputée pour son expérience washingtonienne en matière de politique extérieure (Clinton fait partie de la commission des relations extérieures du Sénat) marque le durcissement des démocrates sur cette question de la politique moyenne orientale. L’occasion de l’attaque de Clinton, rapportée ici par l’AFP le 16 janvier, concerne l’attitude de Bush demandant à l’Arabie Saoudite de faire baisser le prix du pétrole pour soulager l’économie US qui est entrée en récession. (Tiens, notons au passage que le président des Etats-Unis semble s’apercevoir que la situation économique des Etats-Unis n’est pas si rozy qu’il est de bon ton de croire et d’affirmer.)

Hillary: «“President Bush is over in the Gulf now begging the Saudis and others to drop the price of oil,” Clinton said. “How pathetic.”

»“We should have an energy policy right now, putting people to work in green collar jobs as a way to stave off the recession, moving us towards energy independence.”»

Catastrophique jusqu’au bout des ongles et de son mandat

Cette tournée moyenne orientale de GW Bush semble achever en un cercle parfait la catastrophe de la politique étrangère de sa présidence. Le voyage du président US a été accompagné de diverses cocasseries et déclarations cocasses, pour que nul ne s’y trompe.

Le but sempiternel, poursuivi avec une maladresse obstinée qui semble la ligne de conduite officielle et intangible de la diplomatie US, est depuis trois ans de rassembler une “coalition” anti-Iran, appuyée par les anathèmes et les menaces de guerre sans discontinuer des discours stéréotypés. En février dernier encore (le 27 février 2006), nous détaillions un “plan” US, basé sur un hypothétique “War Party” à Rihyad, envisageant une alliance Arabie-Israël contre les chiites et l’Iran. Aujourd’hui, une telle perspective fait à peine sourire.

Au contraire, ce que le voyage de GW Bush a accéléré, c’est le processus de la création d’un système de sécurité régionale où l’Iran coopérerait avec la plupart des pays du Golfe aux niveaux de l’économie et de la sécurité. Notre sentiment est que si l’activisme US contre l’Iran ne s’était pas déployé comme il l’a été, un tel processus n’existerait pas ou en serait à ses balbutiements. Ce processus vers une sécurité régionale est d’abord fait, cela n’est pas dit mais cela nous paraît évident, pour priver les USA d’un argument central pour justifier leur politique interventionniste et déstructurante dans la région. L’évolution du processus est visible dans le fait que le voyage de Bush a été accompagné d’une myriade d’initiatives iraniennes vers ces pays, et de prises de contact effectives de la part des pays du Golfe avec l'Iran, – comme une réponse du berger à la bergère US. Le voyage à Téhéran du ministre des affaires étrangères du Koweït, – le pays pour la libération duquel les USA ont fait la guerre à Saddam en 1991, – effectué au moment où Bush parcourait la région, est un camouflet extraordinaire fait à la diplomatie US. Mais il vaut bien, à l’inverse, l’initiative US d’inviter à Bagdad le chef des Gardiens de la Révolution iraniens (IRGC), cette organisation iranienne classée comme terroriste par Washington l’année dernière. La nouvelle vient du Sunday Times et est commentée par M K Bhadrakumar:

«But the proverbial last nail on the coffin of American credibility in Arab opinion would have been the sensational report appearing in the Sunday Times on January 13, quoting Iraqi government sources, that the head of the IRGC, Major General Mohammed Ali Jafari, had slipped into the so-called Green Zone of Baghdad last month. Jafari apparently passed through checkpoints on his way to the fortified enclave that contains the American Embassy, even though he is on Washington's “most wanted” list.

»Arab regimes will be wondering what Washington is really up to by holding secret talks with a high-ranking Iranian official while Bush makes incessant demands that they must confront Iran. Besides, only a few months ago, the Bush administration declared the IRGC as a “foreign terrorist organization” and imposed sanctions on it. It is immaterial whether the Sunday Times report turns out to be substantiated or not. Either way, US standing in the region suffers.»

L’explication de ces erreurs comme de certains autres impairs de la diplomatie US durant le voyage renvoie aux deux explications habituelles lorsqu’il s’agit de comprendre le comportement systématiquement catastrophique de cette diplomatie US:

• La vision égocentrique des USA, complètement ignorants des réalités fondamentales, détails essentiels, subtilités nécessaires et cultures spécifiques des pays concernés.

• L’absence totale de coordination, voire d’information entre les différents centres de pouvoir US, ce qui conduit à des initiatives parallèles complètement contradictoires. La visite du chef de l’IRGC à Bagdad vient simplement d’une ignorance complète de la bureaucratie militaire de la corrélation à établir entre ce voyage et la présence de Bush dans les pays arabes qu’on voudrait mobiliser contre cette IRCG. (Même cas que la signature d’un contrat de vente de F-16 au Pakistan quatre jours après l’assassinat de Bhutto.)

On notera que ces deux caractéristiques ne sont nullement propres à l’administration GW Bush. Dans la situation des réalités washingtoniennes, de la psychologie américanistes, de l’éclatement du pouvoir US, n’importe quel président US suivant cette politique de confrontation avec l’Iran aurait obtenu le même résultat, le folklore GW en moins. (Jusqu’à nouvel ordre, aucun candidat US majeur, sauf peut-être mais fort timidement Obama, n’a mis en cause cette politique. Il faudrait un nouveau président de forte stature et d’une pensée audacieuse pour tenter de modifier ces conditions. On en attend toujours les signes annonciateurs.)

Quel résultat? Le “net assesment”, comme dit le jargon bureaucratique de sécurité nationale, du voyage de GW Bush est une progression notable d’une situation régionale exactement opposée aux intérêts US dans la zone. Bush aurait travaillé pour les Iraniens qu’il n’aurait pas fait différent. La piteuse prière adressée aux Saoudiens pour qu’ils travaillent à baisser le prix du pétrole est la queue de cerise sur le gâteau de l’événement.

La conclusion de ce “net assesment” semblerait donc que GW Bush, le 43ème président des Etats-Unis, entend honorer son mandat et le contrat qu’il s’est fixé jusqu’à son terme. Ce POTUS-là (initiales pour “President Of The United States”) entend prouver que l’on peut être actif jusqu’au bout dans cette fonction, et efficace après tout si l’on considère de la manière cynique qui importe le résultat de cette activité.

Oserions-nous écrire, malgré l’odeur de souffre qui charge affreusement ce mot pour nombre de nos lecteurs, que GW Bush nous a fascinés comme Sarkozy nous fascine, et qu’il semble qu’il nous fascinera jusqu’à son terme extrême dans sa fonction? Le zèle avec lequel il conduit, en croyant si bien faire pour la gloire de l’Amérique et de Dieu (dans cet ordre), son œuvre de destruction jusqu’au bout de l’extrémité de ses attributions éminemment démocratiques est digne d’éloge. Exceptionnel POTUS, indeed.