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1848Un vent de réforme anti-pentagonesque est en train de prendre un rythme de tempête à Washington. Le point Omega de cette tempête autour du point Omega de la crise systémique américaniste, c’est le chasseur F-22 Raptor et les quelques dizaines d’exemplaires que l’USAF, ou une partie de l’USAF, voudrait encore produire. De tous les côtés, des appels à l’arrêt du programme aux 183 exemplaires actuels se multiplient.
Signalons quelques manifestations de la chose:
• L’amiral Mullen, président du JCS, “en a marre”. (Non, il s’agit d’une extrapolation par le titre d’une dépêche AFP du 10 décembre, sur Spacewar.com: «US Top Brass Fed Up With F-22 Problems.») Dit en des termes plus mesurés, Mullen “est découragé” par les gaspillages, l’inefficacité, les blocages bureaucratiques, les catastrophes de gestion du Pentagone. Dans ce contexte, vraiment, “il en a marre” du F-22…
«The top US military officer raised doubts Wednesday over the future of the costly F-22 fighter jet program, noting that the economic downturn could force the Pentagon to make budget cuts. The Lockheed Martin/Boeing F-22 Raptor, conceived during the Cold War, is considered by its critics – including Defense Secretary Robert Gates – to be ill-adapted for use in irregular conflicts like Iraq and Afghanistan.
»“It's important for all of us – in the Defense Department too – to squeeze our budgets, to draw in where we can," Chairman of the Joint Chiefs of Staff Admiral Michael Mullen told reporters at the Pentagon. “I'm obviously discouraged by the lack of cost control that we've got in so many of our programs,” Mullen said. “We are going to have to get a grip on that or we will not be able to buy them.”
»Concerning the F-22, “it's not a matter of, do we need it? We have it,” said Mullen. “It's a question of, how many do we need for the future?” “I am concerned that it is such an expensive system,” he said, adding that the Air Force is seeking another 60 above the 183 F-22s they currently have.»
• Le New York Times publie, ce même 10 décembre, un article sur le cas du F-22 n’apportant rien d’essentiellement nouveau mais situant surtout l’affaire dans un contexte général, avec son poids symbolique. Le cas du F-22, effectivement, est vraiment le cas symbolique essentiel de la bataille qui s’engage au cœur du point Omega de la crise, avec d’un côté le budget à réduire, de l’autre les emplois à sauvegarder, c'est-à-dire les deux priorités contradictoires de la nouvelle administration: «Two of President-elect Barack Obama’s stated goals — cutting wasteful spending and saving or creating millions of jobs — are on a collision course in a looming decision over whether to keep building the F-22 fighter jet.»
Que pense Robert Gates de tout cela? Dans un long article de Aviation Week &Space Technology du 8 décembre (accès payant) sont présentées certaines de ses considérations; Gates a été interviewé le 1er décembre (le jour où son maintien au Pentagone était annoncé) pour l'hebdomadaire. Il est manifeste que l’ancien-nouveau secrétaire à la défense considère la réforme interne du Pentagone comme sa première priorité.
Un passage est consacré au F-22, d’ailleurs assez confus quant à la position de Gates et aux solutions envisagées. L’on y apprend, en passant mais avec le plus grand intérêt, et comme une nouveauté particulièrement succulente, – que le F-22 des années 1990-2000 est technologiquement dépassé; par conséquent, qu’il vaut mieux l’arrêter, et, en attendant le JSF, acheter des F-16 et des F-18 des années 1970…
«…And the Air Force’s stealthy, twin-engine Lockheed Martin F-22 fighter production line could close because it’s too costly to field in high numbers. One tradeoff is whether to buy more legacy fighters or stealthy F-35s, also built by Lockheed Martin. “Gates is aware of the F-22/F-35 debate and he’s also aware that the Raptor is almost technologically obsolete,” says a former Clinton administration Pentagon appointee. “It’s showing its age because the development program took so long. The F-22’s processors are far less capable than those in the F-35.”
»With a funding shortage, the Air Force may have to back off of ambitious technology and purchases. And the Navy, Marine Corps and Air Force are likely to be forced into developing a more collaborative strategy for tactical aircraft. This could mean tradeoffs among Boeing Super Hornets and Lockheed Martin’s family of fighters. Industry sources note the Air National Guard has expressed interest in the F-16, despite a longtime policy to purchase only stealthy fighters. “Additional F-16s and Super Hornets? The Navy has gone that route—the question is, until you get the Joint Strike Fighter, do you go that route or do you try and build more F-22s,” Gates notes.»
Ce qu’il faut retenir, c’est que ce “haro sur le F-22” est en train de prendre une forme nouvelle, de se situer dans un courant réformiste qui prend une ampleur considérable et qui s'élargit à d'autres facteurs. Pour manifester cette appréciation sur un point précis, il n’est plus du tout assuré qu’un vilain sort du F-22 se traduirait par des avantages pour le F-35/JSF, car il faut désormais considérer toutes ces suggestions dans une dynamique aux implications beaucoup plus larges que le sort des deux avions concernés. Par contre, nous avons ici la confirmation que cela, – le cas conjoint du sort du F-22 et du sort du F-35 – est bien au centre de l’affrontement et de la tempête qui montent autour du destin du Pentagone. Ces deux programmes sont à la fois exemplaires et symboliques de ce destin. Nous ne sommes qu’au commencement de l’affrontement et de la tempête. Il devient de plus en plus difficile de penser que la question des affaires militaires va se poursuivre sous l’administration Obama sans autre forme de procès.
Mis en ligne le 11 décembre 2008 à 12H32