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30 décembre 2004 — Les grandes manœuvres de la QDR 2005 ont commencé. Et il apparaît évident que l’orientation prise est que ce sera bien une QDR révolutionnaire, répondant à la situation de crise sans précédent où se trouvent le Pentagone, les finances publiques et l’armée US en Irak. On sait que le Pentagone est placé devant des nécessités de réductions budgétaires importantes. Après une appréciation générale, on passe aux premières escarmouches. Première cible: le F/A-22 Raptor. Le New York Times d’hier est mis à contribution pour lancer le débat.
« The Pentagon has told the White House and Congress that it plans sharp cuts in the Air Force's program for the F/A-22, the most expensive fighter jet in history, in an effort that budget analysts said was intended to offset mounting deficits and the growing costs of the war in Iraq.
» The Pentagon's decision, which four administration and Congressional officials described on Tuesday and which Congress must still approve, comes as the Bush administration is pressing all agencies to scale back spending requests for the fiscal year 2006 budget, which will be submitted to lawmakers early next year.
» The White House is under pressure after the November elections to show progress in trimming federal deficits while ensuring that troops in Iraq and Afghanistan have adequate armored protective equipment. The cost of operations in Iraq alone are hovering around $4.4 billion a month.
» At the moment, the fighter, known as the Raptor, costs about $258 million a plane. That is based on an overall cost of $71.8 billion, and the Air Force's plans to buy 277 Raptors.
» Senior Pentagon and Air Force officials were still discussing details of the cutbacks. One leading industry analyst, Loren Thompson, said the program could be ended after producing about 160 aircraft, possibly saving more than $15 billion over time but significantly raising the cost per plane. The Pentagon has already spent nearly $40 billion to develop the aircraft, which is just now coming into full production, Air Force officials said.
» “The proposed cut reflects the convergence of severe budgetary pressures imposed by the Iraq war with some longstanding preferences among senior policymakers for less emphasis on conventional weapons programs,” said Mr. Thompson, a military analyst at the Lexington Institute, a nonprofit group that advocates limited government. »
Mais, certes, il semble s’agir de bien plus que de “lancer le débat”. Il apparaît que le Pentagone, ou, dans tous les cas OSD (Office of Secretary of Defense, la direction civile du Pentagone), veuille montrer qu’il estime le débat d’ores et déjà tranché: le F/A-22 subira les réductions envisagées.
Dès le départ, bien des données sont contestables. L’expérience passée montre que les réductions de série pour faire des économies aboutissent aux résultats inverses. Les 277 F/A-22 à $258 millions l’unité aboutiraient, selon les comptes de Loren Thompson pour 160 unités, à un coût unitaire de $343 millions. A notre sens, c’est une appréciation très optimiste et nous serions plutôt en route vers un “nouveau B-2” à l’échelle d’un avion de combat, dans un contexte où le programme F/A-22 serait totalement hors de contrôle.
(L’exemple fameux entre tous: le B-2. Parti d’un programme de 132 avions annoncé à $23 milliards en 1984 [$180 millions l’exemplaire], il aboutit à 21 avions à $44 milliards, — et, selon des sources militaires aériennes européennes avec une très grande expérience du développement et de la production des hautes technologies, qui ont effectué des simulations de coût, c’est plutôt vers $80-$120 milliards qu’il faut aller chercher le coût réel du programme des 21 B-2. L’habituel artifice comptable consistant à parler de “then-year dollar” pour arguer que les dollars d’aujourd’hui ont moins de valeur que ceux de 1984 ne convient qu’à la théorie économique. Au niveau du budget, ce qui compte est la réalité du coût par rapport au pouvoir d’achat: les $23 milliards des 132 B-2 programmés en 1984 prenaient 9% du budget total du DoD de l’année; les $44 milliards (hypothèse très basse) des 21 B-2 commençant à entrer en service en 1998 prenaient 17,6% du budget de 1998. Compte tenu de la différence en nombre d’avions, on voit que le coût du programme a été multiplié par dix.)
Tous ces points vont être débattus, et bien d’autres encore où se mêleront politique, intérêts particuliers, etc. Le Congrès va jouer un rôle essentiel dans ce débat.
« The Pentagon's proposed cuts to the Raptor program require Congressional approval, and by the divided reaction from friends and foes of the aircraft on Tuesday, the brewing fight appeared to foreshadow many contentious debates on Capitol Hill over domestic spending cuts. More than 1,000 subcontractors in 43 states helped build the F/A-22 and the political constituency to defend it.
» “Every year, we've gone through this fight over the F-22, but we can't cut below where we are now,” Senator Saxby Chambliss, a Georgia Republican on the Armed Services Committee, said in a telephone interview. “We'll fight to keep it where it is.”
» But a senior Republican aide, speaking on the condition of anonymity because his boss was not available during the holiday recess, responded: “While the program does have its supporters, many in the Senate feel that given the current threat situation and the tight budget environment, this is a responsible program in which to cut back. We expect a lively debate on these cuts.” »
La réaction officielle du porte-parole du Pentagone, Eric Ruff, a été prudente en l’absence de tout acte officiel (il ne s’agit que d’un article de journal). Néanmoins, cette réaction prudente a le mérite d’élargir le cadre général du débat et de lui donner ses vraies dimensions : « Mr. Ruff said the Pentagon's proposals ensured that the F/A-22 and another aviation priority, the F-35 Joint Strike Fighter, “would remain healthy.” He also noted that the Pentagon was about to embark on its quadrennial review of programs to ensure that the military had the right mix of weapons and equipment. »
Effectivement, le débat sur une éventuelle réduction du F/A-22 va s’élargir. La question devra être considérée en fonction de l’autre programme, le JSF, et dans le cadre de la QDR 2005. L’USAF n’a pas encore déclenché sa contre-offensive. (Les “Air Force officials” cités dans l’article [« Senior Pentagon and Air Force officials were still discussing details of the cutbacks »] désignent la direction civile de l’Air Force, qui peut difficilement défendre la position de l’Air Force parce qu’elle est notablement affaiblie. Le secrétaire à l’Air Force et son adjoint, James Roche et Marvin Sambur, sont démissionnaires à la suite du scandale des KC-767. L’USAF n’a pas encore fait peser son poids dans ce débat de la réduction des F/A-22.)
D’un point de vue militaire, le maintien du F/A-22 au chiffre de production actuel, et même au-delà (277 exemplaires, ou 381), a tout son sens, alors que budgétairement la réduction est paradoxalement très coûteuse. L’attaque contre le F/A-22 va radicaliser l’argument de l’USAF, au profit du F/A-22 et aux dépens du JSF. La bataille de la QDR 2005 a commencé et le JSF en sera un des principaux protagonistes, sous le regard intéressé et éventuellement inquiet des Européens.