Her Majesty” en première ligne

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«Her Majesty is beginning to be fed up» commente ironiquement un bookmaker londonien (pour nos amis anglophobes : “Sa Majesté commence à en avoir marre”). En quelques jours, la Couronne se trouve impliquée, ou annonce son implication, dans deux affaires délicates voire sensibles, consécutives à la politique de Tony Blair.

• Il y a le “scandale des pairies” (“dons” de titres nobiliaires à des donateurs sonnants et trébuchants du parti travailliste, en récompense de leurs loyaux services). Ainsi nous en informe The Observer, hier : «Buckingham Palace is today thrust into the centre of the 'cash for peerages' affair as The Observer discloses that the most senior courtier in Buckingham Palace expressed deep unease to Downing Street about the Metropolitan Police officer leading the investigation»

• Il y a la très embarrassante affaire du Prince Harry, en instance de départ pour l’Irak, pour son service régulier, avec les perspectives apocalyptiques d’une capture de cet officier, petit-fils de la reine, par un groupe ou l’autre de résistants/insurgés. Harry ne veut pas entendre d’être dispensé de ce service, bien dans la tradition royale britannique (les princes qui servent dans les forces armées pour parfaire leur éducation entendent en assumer tous les risques). Ce matin, The Independent décrit le cauchemar qui déchire à la fois l’armée, le ministère de la défense, le gouvernement Blair et Buckingham Palace :

«John Reid warned defence chiefs that the decision to send Prince Harry to Iraq could create a propaganda coup for the insurgents if he is captured or harmed […] Amid growing confusion over who should take the final decision regarding the Prince's tour of duty in Iraq, Mr Reid, formerly a Defence Secretary, gave the clearest warning so far that the Government would prefer defence chiefs to veto the proposed posting of Harry, who is third in line to the throne.

»Ministers respect the Prince's courage in wanting to go ahead with the tour with his men, but they fear that it could hand the insurgents a propaganda victory. Mr Reid stressed that the issue was of “strategic importance” in the propaganda war. He twice insisted that the decision lay in the hands of the defence chiefs, but the matter has become a political problem for Tony Blair and Gordon Brown, his successor, in the context of the propaganda battle against terrorism.

»“When it comes to a Prince this is not just a matter of humanity for operational concerns, it has a potentially big strategic importance,” said Mr Reid. “I'm not talking about the death, but the capture and so on. And therefore these are very difficult issues, but it is right in my view that these decisions are made by the chiefs of the armed forces.”

»Ministers risk being accused of passing the buck to the defence chiefs, to avoid the blame if anything does go wrong by allowing the decision to be taken without clearer direction from Number 10. Prince Harry is due to fly out with his unit from the Household Cavalry within days.»

Si les deux affaires sont différentes, avec la question du Prince marquée d’une forte charge émotionnelle, elles n’en sont pas moins politiquement liées. Dans les deux cas, elles relèvent des pratiques d’un gouvernement, et particulièrement de son Premier ministre, qui se sont distingués par leur absence de doute, voire de scrupule, par leur affairisme, par leur sacrifice à une politique virtualiste et à des liens de vassalités avec les USA. Le résultat est notamment, pour ce qui nous concerne ici, le “scandale des pairies”, particulièrement indigne dans le cadre de la couronne britannique, et d’autre part la folle et absurde guerre irakienne où le prince Harry devrait effectuer son service (son départ, on l’a vu, est une “affaire de jours”, et le Prince aurait l’intention de démissionner s’il était dispensé in extremis de cette affectation, — ce qui donnerait tout son éclat à l’affaire). Les princes royaux et autres membres de la famille royale ont l’habitude de servir dans les guerres du royaume — le cas le plus récent est celui du duc d’York, pilote d’hélicoptère durant la guerre des Malouines, en 1982. On ne peut s’empêcher de croire que beaucoup penseront qu’entre servir aux Malouines en 1982 et servir en Irak en 2007, il y a la différence entre un conflit qui peut être considéré comme justifié et héroïque, et un conflit absurde, illégal et servile.

On voit se dessiner une situation où la tension entre la Couronne et l’actuel gouvernement pourrait devenir un fait politique important à Londres. Comme la classe politique n’est certainement pas unie pour soutenir Blair dans ces deux affaires, qu’on pourrait même penser qu’une majorité est contre lui (idem de l’opinion publique), ce n’est certainement pas un conflit Couronne-pouvoir politique qui s’amorcerait mais l’affaiblissement du pouvoir blairiste/travailliste qui s’accélèrerait encore, et, par conséquent, la crise du pouvoir britannique. Tout cela pourrait avoir des conséquences politiques, notamment sur la poursuite de la guerre en Irak par les Britanniques. L’avertissement de Reid mesure l’importance de l’affaire.


Mis en ligne le 30 avril 2007 à 07H23