Hésitations et contradictions US dans la crise des anti-missiles en Europe qui se mélange à la crise iranienne

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Mercredi à Bruxelles, à l'OTAN, le secrétaire d’Etat adjoint US pour les affaires européennes Fried avait laissé entendre que les USA pourraient revoir leur plan de déploiement d’anti-missiles US (ABM) en Europe si l’Iran abandonnait ses projets de nucléaire militaire (ses projets d’enrichissement d’uranium). Hier, démenti: on avait mal compris Fried, semble-t-il… Mais démenti complet? Il est possible, mais pas du tout clarifié, que le démenti aille même au-delà, jusqu’à une offre que Gates et Rice (ou Gates sans Rice?) aurait faite à Poutine. Curieuse cacophonie.

Mercredi, Fried disait, selon une dépèche AFP du 18 octobre qui nous résume toute l’affaire: «The shield is “intended against the major problem we see developing, which is Iran, and if that problem went away or attenuated we would obviously draw conclusions,” Fried said.

»“This is a threat-based system, and we would be affected if Iran gave up its (uranium) enrichment and worked with the international community, and had a different approach to things,” Fried said.»

La même dépêche poursuit en développant le démenti du département d’Etat. «But Tom Casey, a State Department spokesman, said Thursday, “I think there has a been a great deal of confusion and a great deal of misconstruing of remarks that may or may not have been made out in Brussels.

»“The US position is clear — there is a threat that exists from rogue states in terms of missiles, that includes missiles armed with convention munitions as well as potentially missiles armed with nuclear and other WMD (weapons of mass destruction) agents,” he said.

»“I saw some interpretations that seem to say if Iran suspends its enrichment activities, there would be a suspension or a halt or a decision not to proceed with the US missile defense systems. That's simply not true,” he said.»

D’une façon plus générale, la dépêche rapporte sur le mode informel que le département d’Etat affirme qu’il n’y aura aucune réexamen (“review”) du programme des ABM en Europe tant que “toute la menace” iraniennes auront disparues. Ce “réexamen” qui n’aura pas lieu, — pour l’instant, — porte autant, semble-t-il, sur un gel temporaire que sur une réduction ou abandon du programme.

«The United States said Thursday it would not review plans for a missile defense system in Europe if Iran gave up its sensitive uranium enrichment program.

»Any review of the controversial plan would occur only if there was a change in the overall threat posed by Iran, including from its missiles, the State Department said.»

Si ce démenti porte sur un gel éventuel du déploiement des ABM, comme il semblerait que ce soit le cas si l’on s’en réfère à la formulation, alors il pourrait concerner également d’autres informations. Il s’agit, par exemple, de celle du Financial Times du 17 octobre: «The US has told Russia it would be willing to delay switching on a missile defence system in Europe until both sides agree there was a threat from Iran, according to US officials. Robert Gates, US defence secretary, and Condoleezza Rice, secretary of state, made the offer to Russian President Vladimir Putin last week…» C’est ce dont parlait Poutine à Téhéran.

Il semble assez difficile d’y voir clair dans la position US. Cette sorte de circonstances est en général l’indication de certaines tensions et contradictions à l’intérieur du camp qui les manifeste (le camp US en l’occurrence). Il semble qu’il y ait eu à Moscou (Gates-Rice, puis Poutine à Téhéran) l’évocation de la possibilité de concessions US, relayée par Bruxelles (Fried); puis, durcissement général et affirmation que rien n’est envisagé tant que l’Iran n’a pas tout abandonné de ce qui fait que ce pays est étiqueté “menace”. Un durcissement dans ce cas, c’est bien le signe d’une mésentente à Washington, entre agences et services. Puisqu’on n’est pas d’accord entre nous, on verrouille.

En attendant, un phénomène fondamental est en train de se poursuivre et de s’accélérer à la faveur de ces tensions et de ces confusions. (Nous en signalions la possibilité le 19 septembre.) Les deux crises, — la crise iranienne et la crise des ABM en Europe, — apparaissent de plus en plus liées l’une à l’autre, de plus en plus connectées et mélangées. Elles ajoutent leurs complications, leurs interférences. Pour les Européens, le phénomène complique fortement une approche déjà difficile. Il transforme une crise extérieure dont ils pouvaient se tenir à distance (la crise iranienne initiale) en une crise nouvelle qui implique à la fois cette crise à distance et la crise de la sécurité européenne ouverte par le projet US. Le résultat, jusqu’ici, pour la “diplomatie” occidentale/US, n’est pas banal.


Mis en ligne le 19 octobre 2007 à 16H13