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353La chose a démarré au quart de tour. L’expédition de Bill Clinton en Corée du Nord, qui a rempli d’exaltation les âmes bien faites et attentives au catéchisme (voir ce pur morceau de béatitude dans Le Figaro du 6 août 2009), agace singulièrement son épouse. La Secrétaire d’Etat en fonction, et ès qualité, est actuellement au cœur d’une longue et laborieuse tournée africaine, un peu comme si on l’avait perdue de vue. Le dialogue qu’elle a eu avec un brave étudiant de Kinshasa, hier et tel que nous le rapporte le Guardian ce 11 août 2009, est complètement édifiant à ce propos.
«Usually polished in public, the US secretary of state's calm demeanour momentarily cracked yesterday when a Congolese student asked her about Bill Clinton's view on a foreign policy issue. “My husband is not secretary of state,” Clinton snapped. “I am.”
»The encounter, in the Congolese capital, Kinshasa, came during an 11-day whistle-stop tour of Africa. The male student had asked her what “Mr Clinton” thought about a controversial $9bn deal between Congo and China, in which the African country has traded rights to develop its rich copper reserves for help in building roads, railways and schools.
»“You want me to tell you what my husband thinks?” Clinton asked sharply. “If you want my opinion, I will tell you my opinion. I am not going to be channelling my husband.”»
Auparavant, nous informe le Guardian, Hillary avait été interrogée par CNN sur la même question, et sa réponse montrait le même agacement. Le quotidien britannique semble insinuer que l’ombre de Bill accompagne la Secrétaire d’Etat au long de sa tournée, comme si son obligeant mari voulait la protéger de l’ardeur du soleil africain. Hillary n’apprécie pas vraiment, elle qui ne craint pas le soleil.
«…But throughout her visit, she has been peppered with questions about her husband's North Korean visit. She told CNN on Sunday that his trip was “not in any way a government mission”. When asked what he had told her about North Korea, she replied that she had a long-held policy of not disclosing the content of her private conversations with her husband.»
Il faut se rappeler que trois mois avant le début des primaires de janvier 2008, Hillary Clinton était déjà la première femme présidente des USA (inauguration prévue le 4 novembre 2008) et le grand débat en cours concernait le rôle de son mari. En fait, la présidence 2009 semblait devoir se jouer entre “Hillary toute seule” et “Hillary avec Bill” (l’option dite “Billary”), avec un déchaînement de passion peu ordinaire. (En passant, on notera qu’il n’était alors nulle part question, ni du “Mandchurian candidate”, ni de la “marionnette de Wall Street”, ce qui montre une singulière prescience et un art extraordinaire de l’improvisation à la lumière de ce qu’on nous décrit aujourd’hui du montage, qu’on supposerait venu de loin, qui nous a imposé BHO à la Maison-Blanche.)
La carrière d’Hillary Clinton, toujours considérée comme une brillante politicienne, est une étrange addition de déconvenues par rapport à ses ambitions les plus hautes. Déjà présidente fin 2007, battue en juin 2008, puis le poste de Secrétaire d’Etat où sa prestation est chaotique, d’ailleurs encore plus en raison des circonstances que de ses propres capacités.
• Il y a eu l’option “Hillary peau de chagrin”, avec les hypothèses sur son rôle réduit par l’addition de diverses personnalités dans des rôles empiétant sur la politique extérieure. L’affaire était sur la place publique dès son entrée en fonction.
• Face à cette offensive, Hillary a riposté par une activité bienvenue, qui a fait croire qu’elle utiliserait les services de son mari pour renforcer sa position. La chose ne se déroule pas vraiment dans les conditions prévues: Bill nous la joue solo et Hillary s’est perdue, furieuse, dans une université de Kinshasa.
• Entretemps, Hillary a connu un grave handicap. Elle s’est cassée le coude, ce qui a constitué pour elle un très dur obstacle, pendant deux mois, pour conduire son travail de Secrétaire d’Etat. Ses confrères divers (BHO, Biden, etc.) n’ont pas laissé passer ce que d’aucuns pourraient juger être “une occasion”, et qui fut réellement un accident malheureux et malencontreux.
«After keeping a low profile for a time after she fractured her elbow in a fall two months ago, the US secretary of state embarked on visits to India and Thailand in July, followed by her tour of seven African states, in a gruelling return to the frontline of globe-trotting diplomacy. […] Commentators in the US have raised questions over her role, given Barack Obama's mission to revamp America's reputation overseas. In an article last month, the founder of the online Daily Beast, Tina Brown, described her as “invisible”, pointing out that she was missing from Obama's recent trip to meet Vladimir Putin in Moscow, and that Vice-President Joe Biden has taken the lead on policy in Afghanistan.»
L’exceptionnelle politicienne qu’est Hillary Clinton supporte-t-elle le poids d’une sorte de “signe indien”? BHO a-t-il réussi une manœuvre brillante en lui offrant le poste de Secrétaire d’Etat et en réduisant aussitôt ce poste à la portion congrue? Elle-même semble d’ailleurs assez impuissante à reprendre la situation en mains, lorsqu'une occasion s'en présente. Son intervention, pour rattraper l’interview de Joe Biden retour de Géorgie, a été faite d’une manière très formelle, en évitant la moindre critique contre le vice-président, alors que le champ lui en était vastement ouvert et l’occasion fort bonne, sinon justifiée. Sans doute avait-elle, à cette occasion justement, des instructions très précises de son président et néanmoins ex-adversaire des primaires de 2008.
Aujourd’hui, Hillary Clinton peut commencer à faire ses comptes. Son imposante désignation comme Secrétaire d’Etat de l’automne 2008 peut s’avérer être un enterrement de première classe de sa carrière et de ses ambitions politiques, avec l’aide sans doute attendrie et prévenante de Bill, sans compter BHO bien entendu. Elle est aujourd’hui emprisonnée dans un réseau serré de situations qui la contraignent. S’il lui reste un peu de ressort, c’est-à-dire encore un peu d’espoir de concurrencer Obama pour 2012, si la présidence actuelle tournait au vinaigre, une porte de sortie serait le choix d’une démission retentissante lors d’une occasion bien choisie. On verra
Mis en ligne le 11 août 2009 à 08H05
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