Hillary, Hague & Fabius, le nouveau groupe Pussy Riot

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Hillary, Hague & Fabius, le nouveau groupe Pussy Riot

Il faut le noter avec une certaine préoccupation : les éminences diplomatiques de nos puissances tutélaires du bloc BAO commencent à laisser planer quelques inquiétudes sur leurs comportements. C’est assez remarquable parce que l’habitude des choses nous a accoutumés à la mesure, la politesse, le self-control, l’habileté au compromis, éventuellement l’élégance de ces maîtres de la diplomatie. Ils ont dans leur lignée des noms honorables et fameux, les Vergennes, Talleyrand, Tocqueville, Jobert, les Wellington, Palmerston, Anthony Eden, les Thomas Jefferson, Marshall, Acheson, – que du beau linge, et qui savait diablement se tenir… Qu’est-ce qui leur prend ?

Hillary, on sait déjà depuis un certain temps que la mécanique tourne folle. On a devisé là-dessus plus d’une fois en s’interrogeant sur tout ce qu’elle pouvait avoir d’une “hallucinée”, littéralement (voir, par exemple le 7 juillet 2012). D’autres, plus sérieusement, se sont demandés si elle était une grande Secrétaire d’État. Un article du New York Times Magazine du 1er juillet 2012 répondait mille fois oui en la baptisant “The Rock Star Diplomat”… C’est peut-être là qu’est le problème, de faire de la diplomatie-rock’n’roll. Stephen M. Walt, reprenant l’article en question, le 10 juillet 2012 (sur Foreign Policy), disait qu’effectivement elle s’agite partout, on ne cesse de la voir, elle parle, elle s’envole, elle embrasse un dissident l’autre, elle change de coiffure, elle reçoit des tomates, comme jamais aucun(e) diplomate US avant elle. Hillary est extrême, absolument. Bien… Le problème étant que, remarque Walt, eh bien qu’elle n’a rien accompli du tout. (Elle est extrême et vide à la fois, ce qui solde bien les comptes.)

«The problem, however, is that she's hardly racked up any major achievements. The Chen Guangcheng affair was a nice bit of on-the-fly crisis management, but the fate of a single Chinese dissident is not exactly the stuff of high politics and in the end won't have much impact on Sino-American relations either way. She played little role in extricating us from Iraq, and it is hard to see her fingerprints on the U.S. approach to Afghanistan. She has done her best to smooth the troubled relationship with Pakistan, but anti-Americanism remains endemic in that country and it hardly looks like a success story at this point…»

Est-ce bien utile… Nous voulons dire, pour être bon diplomate aujourd’hui, est-ce bien utile de réussir quelque chose, de régler un problème, boucler un accord de paix, etc. ? N’importe-t-il pas, d’abord, d’être diablement allumé et de péter élégamment les plombs, de cette façon que la diplomatie-rock’n’roll (variante humanitaire-BHL) a transformé Laurent Fabius ? Ironique, mesuré, assez subtil, avec le chic rue de la Pompe-XVIème arrondissement marqué sur son col-cravate, Fabius est devenu, en arrivant au Quai, un chasseur de tête halluciné. Et puis, pour justifier l’humeur, il s’en va en visite chez les malheureux réfugiés syriens en Turquie et il bascule complètement ; la sensibilité, non l’affectivité de nos diplomates est extrême, jusqu’à paraître en midinette apocalyptique et assez mal élevée – parfait pour reformer le groupe Pussy Riot pendant l'absence des titulaires…

Donc, dernier compte-rendu d’une visite en Turquie, chez des réfugiés syriens (sur FranceTVInfo, le 17 août 2012) : «Laurent Fabius ne mâche pas ses mots à l'égard de Bachar Al-Assad. Le chef de la diplomatie française, qui a visité jeudi 16 août un camp de réfugiés syriens à la frontière turque, a déclaré vendredi que “le régime syrien doit être abattu et rapidement"”, dénonçant “les exactions” de Damas contre les populations civiles. Et le ministre des Affaires étrangères va plus loin : “Après avoir entendu les témoignages bouleversants des personnes ici, [...] quand on entend ça et je suis conscient de la force de ce que je suis en train de dire : M. Bachar Al-Assad ne mériterait pas d'être sur la Terre”, a-t-il dit aux journalistes… […] Vendredi, [Fabius] a accusé le président syrien d'accomplir une “opération de destruction d'un peuple”…»

Cette sortie turco-syrienne vaut à Fabius une vigoureuse réaction de Webster Griffin Tarpley, sur PressTV.com, le 18 août 2012. «“The US, the British, the French and indeed the Israelis are now apoplectic,” said Dr. Webster Griffin Tarpley in an interview with Press TV on Friday.

»“That’s what you see with Fabius. I would call attention to the language he decided when he says the Syrian regime should be smashed fast,” Tarpley added, referring to recent remarks by French Foreign Minister Laurent Fabius. On Friday, the French foreign minister said, “The Syrian regime should be smashed fast… Bashar al-Assad doesn’t deserve to be on this earth.” “This is a language we haven’t heard in Europe since the fascist era. This is the language of a fascist dictatorship and, well, Fabius is not quite that yet but you get the idea. It’s going in that direction,” Tarpley stated.»

Maintenant, le troisième larron, William Hague. Quelle mouche l’a piqué lorsqu’il donna son accord, comme s’il avait enfin trouvé la solution di-plo-ma-ti-que à l’affaire Assange, à cette lettre menaçant l’Équateur d’une attaque en bonne et due western-forme de son ambassade de Londres ? Sans doute la même qui s’est occupé de Fabius, et la soeur jumelle de celle qui ne quitte jamais Hillary lors de ses nombreux déplacements, à-la-Elvis, de Rock Star Diplomat. Moyennant quoi, il importe de jeter un coup d’œil sur le commentaire de Gerald Warner, du Scotman, le 19 août 2012, réservant au Secrétaire au Foreign Office le traitement qu’il a mérité de haute lutte.

«Has William Hague, Her Majesty’s Secretary of State for Foreign and Commonwealth Affairs, resumed his daily intake of 14 pints of Best Bitter that he supposedly renounced at 21? It is a pertinent question as an affirmative answer would supply the most logical explanation for his recent behaviour, culminating in the threat to violate the diplomatic immunity of the embassy of Ecuador in pursuit of WikiLeaks founder Julian Assange. […]

»[…T]he buffoonery of William Hague in threatening to invade the Ecuadorian embassy. Although he has now tried to back-pedal, the damning facts are exposed in the British government’s letter to the Ecuador government: “You should be aware that there is a legal basis in the UK – the Diplomatic and Consular Premises Act – which would allow us to take action to arrest Mr Assange in the current premises of the embassy. We very much hope not to get to this point, but if you cannot resolve the issue of Mr Assange’s presence on your premises, this route is open to us.”

»That letter is a disgraceful act of purported intimidation. It is a breach of the Vienna Convention on Diplomatic Relations of 1961. It ought to be a resigning matter for William Hague. Since the embassy of any country is per se a part of its territory, an invasion of Ecuador’s embassy would be an act of war. It is as serious as that. The fact that the British Parliament unilaterally passed the Diplomatic and Consular Premises Act in 1987 does not affect the universally recognised laws of diplomacy. That Act was passed in reaction to the abuses committed by the Libyan embassy in London in 1984. It was enacted without any amendment of the Vienna Convention, its effects on diplomatic inviolability are not part of its main provisions and it is impossible to see how it could legitimise an invasion of the ­embassy of Ecuador.

»If civilised intercourse between nations is to be preserved, diplomatic immunity is non-negotiable. At the height of the Cold War, the fugitive Cardinal Mindszenty lived in the American embassy in Budapest for 15 years and even the Soviet Union did not dare to violate diplomatic immunity…»

Finalement la question serait bien là, serait-on tenté de dire dans un accès de noblesse inattendue, qui concerne ce fait que la «civilised intercourse between nations is to be preserved» ; cela, parlant effectivement du sacro-saint principe de l’inviolabilité du territoire diplomatique d’une ambassade, parce que cette ambassade est la marque tangible de la volonté commune, celle du pays qui délègue son ambassadeur et celle de celui qui le reçoit et lui garantit son immunité, de parler, d’échanger, de s’entendre, de s’organiser, en fonction des réalités du monde, des voisinages de la géographies du monde, des accommodements des différentes vision du monde. C’est l’essence même de la diplomatie, dira-t-on justement, et par conséquent de la civilisation comme on nous la décrit ; mais cette diplomatie-là n’existe plus, et d’ailleurs la diplomatie elle-même non plus.

Le bloc BAO s’est imposé lui-même et en un bloc fermé à toute autre chose, comme seule source, comme seule substance, comme seule représentation de la civilisation. Plus aucune exigence à propos de ce qui doit être n’existe que celle d’apprécier selon une rigoureuse mesure morale si les évènements, les faits, les actes, les personnes sont en conformité avec ce que nous dit le bloc BAO de lui-même, avec la substance même du bloc. La diplomatie n’a donc plus de raison d’être. On ne plaide plus, on n’argumente plus, on ne négocie plus sinon pour dire “c’est à prendre ou à laisser” ; le palier de la civilisation sans retour est atteint. Chacun a la charge de s’y conformer et qui ne s’y conforme pas est nécessairement l’objet des mesures qui s’imposent, et la prise-western d’une ambassade fait aussi bien l’affaire. Si les évènements résistent, bien entendu, comme Fabius le constate, c’est la colère sans retenue, l’hystérie d’une psychologie furieuse que la matière du monde résiste au décret du bloc BAO. Bien entendu, cette fureur n’est pas autre chose que la marque d’une psychologie par-dessus tout terrorisée par la pression constante du Système, découvrant que les consignes du Système ne sont pas suivies. (Comment ? Assad existe encore ? Il se défend ? Il contre-attaque ? Il continue à massacrer son peuple, par pur dérèglement moral ? Il est certain qu’il ne mérite pas d’exister sur cette terre… D’ailleurs, non, il n’existe déjà plus.)

…Nous caricaturons à peine, tout juste, même pas, nous semble-t-il. La diplomatie n’existe plus et la naïveté serait de croire qu’elle existe encore, avec des Machiavel bien habillés et assoiffés de conquêtes furieuses, et qu’elle machine des plans et des entreprises extraordinaires. Les ministères des affaires étrangères, jusqu’alors temples de la mesure, du discours accommodant, des Congrès de Vienne, de la recherche inlassable du compromis, sont devenus producteurs d’anathèmes, de fureur sans retenue, de menaces continuelles, dans une mesure bien plus impressionnante que leurs homologues de la défense ou de la sécurité intérieure. Le bloc BAO, miné de l’intérieur par les frasques terrifiantes du Système en mode d’autodestruction, est soumis à l’extérieur aux injonctions de ce même Système d’ignorer absolument tout ce qui n’est pas soumis à ce Système, et d’annoncer l’éradication systématique de tout ce qui dépasse (“Je ne veux voir qu’une tête”, etc.), – ce qui est l’autre face de son entreprise d’autodestruction, lorsqu’on mesure les dégâts sans nombre qu’il accumule sur son propre parcours, contre ses propres intérêts. Ce qui est particulièrement impressionnant dans l’expérience en cours, plus encore que le constat déjà fait de l’influence réelle, effective et active d’un Système non-humain sur les sapiens qui sont à son service, c’est de voir la rapidité avec laquelle les nouveaux-venus s’intègrent à la mécanique et réagissent comme s’ils y avaient toujours vécu. Le cas du Fabius midinette apocalyptique, passé du XVIème arrondissement au Quai d’Orsay et au Pussy Riot, est réellement remarquable, – et ça madame, ça est «conscient de la force de ce que je suis en train de dire», une fois...

 

Mis en ligne le 20 août 2012 à 05H19