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556831 décembre 2022 (18H00) – En effet, on ne résiste pas à la chanson de Juliette Gréco en lisant les aventures de la Kaiserin, recommencées presque mot pout mot à deux reprises après le coup initial, rejointe par un coup de maître de l’ex-président-poire, François Hollande, parti se réfugier dans les colonnes du quotidien ukrainien indépendant ‘Kyiv Independent’ pour apporter le soutien de sa mémoire de grand stratège. Hollande souscrit à la narrative de Merkel, qu’il renforce même d’une position plus dure, plus satisfaite de lui-même, ce qui achève de réunir le couple historique des accords Minsk
« Marions-les, marions-les
» Je crois qu'ils se ressemblent
» Marions-les, marions-les
» Ils seront très heureux ensemble ! »
Ainsi rassurés sur leur avenir, on laisse la plume à ‘RT-France’ pour un rapport sur les confidences de l’ex-président Hollande à partir de ses déclarations au journal ukrainien. (Mais pourquoi diable aller confier cela à un journal ukrainien alors qu’on est Français, et qui plus est, ce qui est notable et considérable, ancien président de la République ? Et sur une matière aussi délicate ? Peu importe nos états d’âme, et lisons je vous prie...)
« “Alors que Vladimir Poutine avançait dans le Donbass en utilisant les séparatistes pro-russes [...] nous l’avons conduit à accepter le format Normandie et à venir à Minsk pour les négociations” : huit ans après les accords de Minsk, François Hollande a répondu au Kyiv Independent pour défendre son bilan.
» L’ancien président français s’est aligné sur Angela Merkel qui, le 7 décembre dans un entretien à Die Zeit, affirmait que les accords de Minsk avaient été “une tentative de donner du temps à l’Ukraine” pour se renforcer militairement en vue d’une confrontation future avec Moscou.
» Officiellement, ces accords signés le 5 septembre 2014 avaient été conclus avec l’objectif affiché de rétablir la paix entre Kiev et les Républiques du Donbass. Leur conflit a fait près de 15 000 morts (civils et militaires) entre 2014 et 2022.
» À la question de savoir si les négociations de Minsk était destinées à retarder les avancées russes en Ukraine, François Hollande a répondu par l’affirmative : “Oui, Angela Merkel a raison sur ce point. Les accords de Minsk arrêtèrent l’offensive russe pour un temps. Ce qui était important était de savoir comment l’Occident utiliserait ce répit pour prévenir toute tentative russe ultérieure”.
» Un répit que l’Occident et Kiev semblent avoir mis à profit : “Depuis 2014, l’Ukraine a renforcé ses capacités militaires. En effet, l’armée ukrainienne est complètement différente de celle de 2014. Elle est mieux entrainée et mieux équipée. C’est le mérite des accords de Minsk d’avoir donné à l’armée ukrainienne cette opportunité”.
» Selon lui, ces derniers auraient aussi empêché “la zone contrôlée par les séparatistes de s’étendre”. À l’hiver 2015, ceux-ci étaient aux portes de Marioupol et venaient de remporter deux batailles décisives, reprenant l’aéroport de Donetsk et la ville de Debaltsevo.
» Regrettant les divisions au sein de l’UE et l’ambiguïté allemande “refusant de remettre en question le pipeline Nord Stream 2”, François Hollande rapporte aujourd’hui qu’il était partisan de sanctions maximales, rappelant qu’il avait lui-même annulé la vente de navires Mistral à la Russie en 2014.
» Étrangement, François Hollande, qui estime qu’une solution pérenne est nécessaire pour la paix en Ukraine, achève son propos en affirmant que “les accords de Minsk peuvent être ressuscités pour établir un cadre légal déjà accepté par toutes les parties”... »
(C’est vrai qu’il est assez “étrange” d’entendre Hollande musarder sur un “re-set” des Minsk qui ont servi à berner la Russie pour mieux l’écraser et la désintégrer en plusieurs morceaux comme elle l’est actuellement, – tout le monde peut le voir, – de façon à appliquer enfin ces accords que tout le monde a accepté, y compris la Russie justement ? Quoi, pour préparer une nouvelle guerre et écraser à nouveau la Russie que l’on est en train d’écraser ? “Garçon, un autre Minsk avec un peu de vodka, s’il vous plaît...”)
Bref, le texte de RT-France se termine par le rappel des quelques réflexions désabusées de Poutine sur la “confiance perdue” (ce qu’il restait de confiance) de la Russie dans l’Occident, sous-entendant que le président de la Fédération de Russie croyait, pendant ces négociation, que l’on négociait les accords de Minsk pour établir les fondements d’une paix durable entre l’Ukraine et la Russie.
Ajoutant ce témoignage de Hollande à celui de Merkel, on admettra que les deux dirigeants pensaient la même chose, c’est-à-dire qu’ils effectuaient une manœuvre de tromperie “honnête et justifiée”. On admettra qu’ils n’ont aucun sentiment de culpabilité, étant persuadés qu’ils ont œuvré pour la paix, – puisque nous avons la guerre aujourd’hui, et que pour enfin en venir à établir la paix il faut qu’il y ait d’abord la guerre. Hollande est même plus dur que les Allemands, auxquels ils reprochent d’avoir poursuivi la projet NordStream II récemment saboté tout au fond de la Baltique propice aux sardines (ce qui ouvre, je n’en doute pas une seconde moi qui nage comme un banc de sardines, des perspectives nouvelles pour l’analyse de cette opération).
On admettra qu’ils ne mentent pas vilainement puisqu’ils proclament qu’ils ont menti pour la bonne cause. On s’étonnera simplement qu’ils aient attendu si longtemps depuis le 24 février pour nous informer de ce qui se passait réellement (la guerre comme produit d’une paix trahie pour mieux en venir à la paix).
La remarque la plus importante à laquelle on se limitera pour ne pas repartir dans des considérations complexes sur des gens qui ne vivent pas dans le même monde, sur les “bâtisseurs de simulacres” d’une part et d’autre part, très-très loin là-bas, ceux qui préfère les VdS (vérité-de-situation), – la remarque qui importe, c’est celle-ci, en plusieurs points :
• On observera que tous deux ont agi in extremis pour stopper l’offensive décisive de Poutine qui menaçait de submerger toute l’Ukraine.
• Ils ont donc réalisé un Munich qui a complètement réussi (puisque les Russes ont aujourd’hui perdu la guerre, – enfin, “vont la perdre”, voyez-vous c’est comme si c’était fait, arrangez-vous avec le simulacre pour les détails).
• Ce point-là, on en conviendra, est le plus important et justifie toutes les infamies et les vilenies puisque c’est l’acte glorieux qui est posé fait pour arrêter les chars russes grondant sur les voies forestières d’Ukraine..
« Entendez-vous dans les campagnes
» Mugir ces féroces soldats ?
» Ils viennent jusque dans vos bras
» Égorger vos fils, vos compagnes ! »
Ainsi s’arrête-t-on à ce simple fait : l’offensive (des Russes) était en cours, elle avait lieu, elle était là, elle allait réussir et on ne pouvait l’arrêter que par les subterfuges des accords de Minsk qu’ils (les Russes) acceptèrent, – assez curieusement, hein, vous ne trouvez pas, alors qu’ils étaient en train de l’emporter sur le terrain, en train de balayer toutes ces divisions de superbes braillards ukrainiens ! (Il faudra un peu mieux plancher sur ce détail, les Hollande-Merkel, un peu plus de crédibilité, il faut que le simulacre résonnent comme un tambour, c’est-à-dire selon une logique opérationnelle.)
Là-dessus et ayant ainsi déblayer le terrain, on va donc rappeler jusque quelques faits :
• D’abord, pour la galerie et la description picturale qui eût certainement inspiré un Salvador Dali, une sorte de “Kiev et les 36 invasions russes”, comme on dit « Blanche-Neige et les 7 nains » ; parut le 15 novembre 2014 sur ce site, sous le titre « Héroïque Ukraine ! 36 invasions russes en 9 mois ». Laissé au calme par la censure, jamais vraiment démentie et d’ailleurs en constante révision à mesure des nouvelles invasions signalées par les correspondants locaux, ce texte est plus qu’édifiant pour comprendre la nécessité de deux, de dix, de cent accords de Minsk !... On ne résiste pas à en citer quelques lignes sans divertissement :
« Le site ‘Red Pill Times” a eu, le 13 novembre 2014, la riche et laborieuse idée de recenser le nombre de fois où, à en croire les autorités additionnées Kiev-OTAN-département d’État-bloc BAO-Presse-Système, – et qui oserait ne pas croire à cette masse référentielle ? – la Russie lança une invasion de l’Ukraine. (L'expression de “Stealth Invasion” [voir le 2 septembre 2014] doit être rappelée à cette occasion pour confirmer le sérieux du propos.) Le résultat est à la fois surréaliste et effrayant : 36 occurrences ont été déterminées. (36 en 9 mois, ce qui fait exactement 4 invasions par mois, ou une invasion par semaines, ou 0,1042 invasion par jour.) Cela laisse à penser sur l’incroyable héroïsme ukrainien, particulièrement de la direction-Kiev, laissé solitaire à son propre sort (car personne dans le bloc BAO, respectueux du droit international malgré son déchirement affectif, ne se crut autorisé à se porter à son secours comme chacun sait, et c’est bien elle [la direction kiéviste] qui a réalisé seule et sans aide sa magnifique révolution). »
• En plus sérieux maintenant, venant d’une source éminemment respectable puisqu’il s’agit du chef de la Direction du Renseignement Militaire (DRM), soit le service de renseignement de l’armée française. Ces extraits des deux interventions viennent d’une audition du général Gomart par la commission de la défense et des forces armées de l’Assemblée Nationale, le 25 mars 2015 (notre texte est du 11 avril 2015), soit après le deuxième accord de Minsk du 11 février 2015, – soit Gomart décrivant la situation existant lors des négociations des accords de Minsk pour tenter d’arrêter l’invasion russe ... D’accord ?
M. Frédéric Lefebvre : « Quelles sont nos relations avec la base de l’OTAN de Norfolk ? »
Général Christophe Gomart : « Nous avons d’excellentes relations avec le commandant suprême allié Transformation (SACT) et les notes de renseignement de la DRM alimentent d’ailleurs la réflexion de l’OTAN. En septembre prochain, le général Denis Mercier va succéder au général Jean-Paul Paloméros à ce poste.
» La vraie difficulté avec l’OTAN, c’est que le renseignement américain y est prépondérant, tandis que le renseignement français y est plus ou moins pris en compte – d’où l’importance pour nous d’alimenter suffisamment les “commanders” de l’OTAN en renseignements d’origine française. L’OTAN avait annoncé que les Russes allaient envahir l’Ukraine alors que, selon les renseignements de la DRM, rien ne venait étayer cette hypothèse – nous avions en effet constaté que les Russes n’avaient pas déployé de commandement ni de moyens logistiques, notamment d’hôpitaux de campagne, permettant d’envisager une invasion militaire et les unités de deuxième échelon n’avaient effectué aucun mouvement. La suite a montré que nous avions raison car, si des soldats russes ont effectivement été vus en Ukraine, il s’agissait plus d’une manœuvre destinée à faire pression sur le président ukrainien Porochenko que d’une tentative d’invasion. »
M. Philippe Nauche, rapporteur pour avis : «Je vous remercie de nous avoir fait part de vos convictions au sujet du projet de loi relatif au renseignement et de votre service...»
Remarquez comment Gomart, qui joue serré face au simulacre immuable, nous glisse des détails sur notre sujet au milieu de réponses à des questions qui ne portent pas sur le sujet... Le second extrait nous semble bien caractériser le climat qui règne au sein de l’OTAN lorsqu’il s’agit de discuter de renseignement, chaque service apportant sa contribution, et comment se font les échanges, et qui règne sur quoi, et qui influence qui ou pas du tout, – bref, l’arrière-cuisine, là où on met le sel, le poivre et l’“acide” pour aider à penser en ligne droite :
Mme Édith Gueugneau : «La DRM fait partie intégrante du système de renseignement français coordonné par le Conseil national du renseignement (CNR), dont la mise en place en 2008 a permis un meilleur partage des savoir-faire et des informations dans le respect des périmètres de responsabilité de chacun. Quel bilan tirez-vous de la création du CNR ?... » [...]
Général Christophe Gomart : «La coopération avec les pays d’Europe occidentale est bonne. La DRM participe à deux forums, dont l’un réunissant régulièrement les pays de l’OTAN autour de divers sujets. Je me souviens que lors de l’un de ces forums, on a cherché à nous forcer la main au sujet de l’Ukraine. Cela montre bien l’importance de disposer de renseignements concrets et factuels : de ce point de vue, la France dispose des moyens lui permettant d’apprécier les situations et de faire valoir son point de vue. »
Voilà où nous en sommes, et tout le reste n’est que poussière qu’un peu de sable efface. Hollande revenant de Minsk-II en parlant sombrement de la guerre que l’on réussit à éviter de justesse (il y eut une scène de nuit, arrivée de l’avion présidentiel Hollande déguisé en Daladier héroïque), cet Hollande-là recevait-il les informations de la DRM ou bien suivait-il le fil classique qui va directement de (par exemple) Langley-CIA en passant par (par exemple) BHL-OTAN ? Savait-il comment se font les renseignements, qui les élabore, la façon dont les influences s’exercent ? Avait-il compris en regardant le gros Porochenko a qui il avait affaire, en matière de conviction, de sincérité, de capacité boutiquière de manœuvrer le chaland ?... Et d’ailleurs, qu’avait-il réellement à faire de toutes ces épuisantes mises en cause, le Hollande ?
Même question pour Merkel ; mais elle, venue de la RDA où régnait la Stasi avec laquelle elle eut nécessairement quelques relations puisqu’étant d’une famille bien placée dans le régime, devait un peu mieux flairer le fumet de la chose. Je la crois pourtant aussi bien intentionné que le bedonnant français, tant est superbement structuré le simulacre où ils sont tous enfermés, et que rien n’arrive à percer. Lorsqu’il dirigeait la DIA au Pentagone, le général Flynn, qui voulait faire passer telle ou telle information ou analyse vitale sur la situation en Syrie, parlait en 2013 d’une « narrative infranchissable » protégeant les convictions déjà faites de l’entourage d’Obama de toute influence de la réalité, de toute VdS non-conforme aux certitudes intérieures.
Mis en ligne le 31 décembre 2022 à 18H10