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10766 octobre 2002 — Un ancien combattant de la guerre du Golfe (première édition, celle de « dad »), devenu objecteur de conscience, Dan Fahey, publie sur le site indépendant américain Alternet un article intéressant. « Bush's Visionary Seers » (que nous reproduisons ci-dessous pour compléter notre réflexion) compare la nouvelle stratégie américaine au film Minority Report, de Spielberg, avec Tom Cruise.
Fahey explique que, comme Wag the Dog inspira ou fut inspiré en 1998 par les manipulations clintoniennes (attaque contre l'Irak en décembre 1998 alors que la Chambre votait sur l'impeachment), Minority Report a les mêmes rapports avec la nouvelle stratégie de GW. Il y a “progrès”, puisque nous passons de l'accident à la substance : Wag the Dog était une circonstance (une attaque pour détourner l'attention), Minority Report c'est de la substance (il s'agit d'une nouvelle stratégie, menant, orientant toute nouvelle politique).
« In “Minority Report”, explique Fahey, police forces arrest people for crimes they have not yet committed. A small group of visionary seers inform the police of an impending crime, and the police launch a preemptive strike against the alleged criminal. There's just one problem: sometimes the visionary seers are wrong. » Le rapprochement avec la nouvelle stratégie “préemptive” de GW est évident : là aussi, il est question de frapper à partir du jugement qu'on fait soi-même que la cible se prépare elle-même à frapper, qu'elle nourrit le dessein de se préparer à frapper, etc.
(Il faut bien s'attacher aux termes : le stratégie de Bush est bien la “préemption” et non la “prévention” ; la préemption implique un droit tandis que la prévention implique une action plus naturelle, sauf dans le langage du Saint-Siège qui n'est pas approprié ici [« droit qu'avait le Saint-Siège de conférer un bénéfice »]. Le mot préemption vient du vocabulaire du commerce de l'art et il est accompagné, pour être complet, du mot “droit” : le “droit de préemption” indique que vous disposer d'une priorité légale d'achat avant tout autre ; la stratégie “préemptive” implique donc que l'Amérique fait le droit dans sa stratégie de frappe à volonté et selon son seul jugement, par conséquent qu'en ces matières stratégiques l'Amérique, désormais, est le droit. Au contraire, la prévention indique une action naturelle : « Ensemble de mesures préventives contre certains risques ».)
Ces appréciations, cette analogie qui est loin d'être fausse et qui est même très intéressante, valent qu'on s'y arrêtent et justifient quelques remarques.
• On relève d'abord, dans cette correspondance politique-Hollywood, une idée présente dans les déclarations de Richard Butler comme on l'a vu dans notre F&C du 5 octobre. Butler juge les conceptions américains sur les armes de destruction massive “bonnes” et “mauvaises” directement issues des conceptions des scénaristes d'Hollywood. Même approche, même psychologie. Ici également, on retrouve cette correspondance psychologique.
• ... Sur ce même thème, autant le texte de Fahey que les déclarations de Butler nous indiquent que, pour les dirigeants américains, aujourd'hui plus que jamais, Hollywood et ses scénaristes disent le vrai pour ce qui concerne la politique de sécurité nationale.
• Cette correspondance entre la réalité américaine et Hollywood, et cette correspondance appréciée comme complètement justifiée, nous laisse à penser que la nouvelle stratégie vient à son heure, — l'heure post-9/11, — qu'elle correspond à une nouvelle logique du système et qu'elle est là pour durer. Cela conduit à avancer l'hypothèse que l'administration GW, bien plus qu'être un accident comme l'espèrent nombre d'Européens, est au contraire en complète correspondance avec le nouveau temps historique de l'Amérique, complètement séparé désormais du temps historique européen (car on ne peut juger plus étranger à l'état d'esprit européen actuel la stratégie de frappe préemptive)..
• Mais cette même logique, cette même correspondance qu'on juge complètement appropriée au système américaniste là où il en est, nous en dit beaucoup du point où justement se trouve ce système. C'est le constat que ce système n'est plus capable de dominer, de maîtriser moins encore, les instruments virtualistes qu'il s'est créé. Le film Minority Report représente une fable hollywoodienne sur ce qui est perçu par les scénaristes de Hollywood comme un travers du système mené à son terme ; et c'est ce schéma qu'on retrouve dans la réalité. Cela mesure la décadence accélérée du système. Si l'on veut résumer cette perception : auparavant, lorsque le système pouvait encore être jugé en bon état, la réalité virtuelle que Washington suscitait chez Hollywood se retrouvait dans un film comme Mr. Smith Goes To Senate, de Frank Capra, film débordant d'énergie et d'optimisme ; désormais, c'est Minority Report. Cela mesure le chemin parcouru, qui est plutôt une dégringolade, même en se cantonnant aux stricts intérêts du système.
A few years back the movie ''Wag the Dog'' captured the attention of Americans and followers of American politics. The premise was that an American president started a war to divert attention away from domestic problems. When in 1998 President Clinton ordered U.S. planes to bomb Iraq while Congress intensified its inquiry of his love life, the ''wag the dog'' concept seemed to become a reality.
This summer, in the midst of the Bush administration's ''War on Terrorism,'' Hollywood released another movie mimicking reality. In ''Minority Report,'' police forces arrest people for crimes they have not yet committed. A small group of visionary seers inform the police of an impending crime, and the police launch a preemptive strike against the alleged criminal. There's just one problem: sometimes the visionary seers are wrong.
The Bush administration recently announced a new military strategy remarkably similar to the theme of ''Minority Report.'' The Bush Doctrine, outlined in the new ''National Security Strategy for the United States,'' states that the administration ''will not hesitate to act alone, if necessary, to exercise our right of self-defense by acting pre-emptively'' against national security threats. The driving force behind a decision to attack will be a prophesy of impending doom from a small group of visionary seers, ostensibly led by Donald Rumsfeld, Paul Wolfowitz and Dick Cheney. There's just one problem: Sometimes these visionary seers might be wrong.
Apparently, the visionary seers in the administration think they should be able to direct the awesome fury of the American military against states and organizations that might threaten American citizens or, perhaps more importantly, American ''interests.'' These seers claim to know a terrorist or a ruthless dictator when they see one, perhaps because they collectively have so much experience providing funding, weapons, and even anthrax and other biological agents to their type.
From the Contras to the Indonesian military to the Iraqi Atomic Energy Agency, Rumsfeld, Cheney and recent Republican and Democratic administrations alike have openly supported plenty of bad guys and terrorists. But we are now asked to overlook that fact and focus on a good guy turned bad: Saddam Hussein.
The Bush administration is rushing forward with plans to invade Iraq and impose a ''regime change'' on the premise that Saddam Hussein has suddenly become a major threat to America, or perhaps more importantly, American ''interests.'' Rumsfeld and Cheney keep claiming Iraq has weapons of mass destruction, but now that the door has been opened to United Nations inspections to verify these claims, they say we can't trust the inspections and might need to invade Iraq anyway.
Even if Iraq does have chemical or biological agents tucked away somewhere, the Bush Administration and its shadows in Israel and Britain have not presented compelling evidence that the mere existence of these weapons justifies a potentially costly and destabilizing conflict ending in a regime change. The seers in the Bush Administration ask the American public and the international community to trust their judgment, but they don't want to provide the facts to back up their assertions, and they unjustifiably ridicule those who express reservations or promote diplomatic solutions. Is this any way to run a democracy?
In order to justify a preemptive strike against a sovereign nation, our government should have solid and credible evidence that the threat is real and requires immediate action leaving no choice of means, and no moment for deliberation. To date, the Bush administration has not satisfied this well-respected principle of international law.
Based on publicly available information, there does not appear to be any solid and credible evidence that Iraq poses a real and immediate threat to the United States or was involved in any way with the brutal attacks of 9/11. In the absence of an immediate threat, we do fortunately have the luxury of deliberation and should carefully consider the implications of the Bush Doctrine and of invading Iraq. In addition, there is a choice of military and non-military means to address the danger of Saddam Hussein and other real or perceived enemies. So why is the administration pushing so hard for war right now?
If the Bush administration has solid evidence that Saddam Hussein is about to invade or attack the U.S., then it should produce the evidence and use it to build international support for a preemptive strike. The administration's seers boldly claim the evidence exists, but what if they are mistaken? What if they only see through lenses smeared with blood and oil and fogged by power and arrogance? Which repressive dictatorship would they have our young men and women invade next? Saudi Arabia? What is their exit strategy for the War on Terrorism?
The movie ''Minority Report'' made me think about a future world in which people could be arrested based on the tip of a stranger or the vision of a government seer. The Bush Doctrine has thrust the United States into this future, and the implications for global peace and security are both troubling and profound. As we debate the wisdom and necessity of launching a preemptive war against Iraq, let us also ponder the perception of the Bush administration's seers and the possibility that they are wrong.
Dan Fahey (AlterNet, 3 octobre 2002)
[Cette publication doit être lue en ayant à l'esprit la mention désormais classique, — “Disclaimer: In accordance with 17 U.S.C. 107, this material is distributed without profit or payment to those who have expressed a prior interest in receiving this information for non-profit research and educational purposes only.”]