HR 1905, la loi folle de la guerre contre l’Iran et du désordre du Système

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Les rumeurs d’attaque contre l’Iran continuent à être exploitées comme un moyen de communication pour maintenir une tension qui semblerait avoir divers avantages politiques, selon les “communicants” de l’administration Obama principalement, et selon les habituelles méthodes du gouvernement israélien et de leurs courroies de transmissions US. Comme d’habitude dans cette sorte de circonstances, des indications contradictoires ou de tendance différentes sont données. Haaretz a publié plusieurs articles pour décrire une situation où des officiels US sont très alarmés parce qu’ils ont l’impression que les dirigeants israéliens concernés (Netanyahou et Barack seulement) ne leur donnent plus toutes les informations sur leur intentions vis-à-vis de l’Iran (voir Haaretz le 6 novembre 2011 : «In a recent conversation with U.S. Secretary of Defense Panetta, Netanyahu and Barak reportedly gave only vague responses on Israel's intentions regarding Iran's nuclear facilities and possibility of independent action.»). DEBKAFiles indique le 6 novembre 2011 que Netanyahou et Barack, qui jouaient solo jusqu’ici et étaient soupçonnés de vouloir lancer une attaque sous leur seule autorité, ne seraient plus isolés et auraient convaincus le reste du gouvernement.

A côté de ces spéculations qui relèvent du domaine de l’hypothétique hautement incertain avec les interférences d'influence et de “guerre psychologique”, un événement concret se développe à Washington, d’une importance non négligeable par ses caractères extrêmes et sans précédent. Le principal atout d’Israël aux USA, particulièrement du parti Likoud, particulièrement de la paire Netanyahou-Barack, c’est le Congrès via le Lobby sioniste AIPAC. Jamais, dans aucune circonstance, un centre aussi important du pouvoir d’une telle puissance a, sur un sujet aussi essentiel, été aussi complètement aux mains d’intérêts étrangers évoluant à visage découvert. Le dernier acte en date de cette étrange coalition, actuellement en cours, est la loi HR 1905, ou Iran Threat Reduction Act de 2011, qui est examinée cette semaine par la Commission des affaires étrangères de la Chambre. Cette commission est présidée par Ileana Ros-Lehtinen, une exilée cubaine qui est directement un agent d’organisation des néo-conservateurs et joue un rôle essentiel sur tous les fronts neocons, pro-Likoud bien sûr, mais aussi, autre exemple, systématiquement anti-russe, dans l’affaire de Géorgie comme dans divers autres cas (l'opposition à la vente du porte-hélicoptères français Mistral à la Russie).

La loi HR 1905 (Iran Sanctions Act, 2011) est une loi qui confirme, d’un point de vue législatif, diplomatique et commercial, une situation à la fois schizophrénique et paranoïaque. Deux textes viennent de la dénoncer dans deux domaines, en situant exactement ses enjeux et les risques qui y sont attachés.

• Dans Aljazerra.net, le 5 novembre 2011, le commentateur M.J. Rosenberg met en évidence la situation diplomatique extraordinaire qu’imposerait cette loi au gouvernement US, en lui interdisant tout contact avec quelque officiel iranien que ce soit, dans une mesure jamais vue, ni dans le cas de l’Allemagne hitlérienne, ni dans celui de l’Union Soviétique.

«But most observers do not believe an Israeli attack is imminent. (If it were, would Israel telegraph it in advance?) The point of the Israeli threats is to get the United States and the world community to increase pressure on Iran with the justification that unless it does, Israel will attack.

»Naturally, the United States Congress, which gets its marching orders on Middle East policy from the lobby - which, in turn, gets its marching orders from Binyamin Netanyahu - is rushing to do what it is told. If only Congress addressed joblessness at home with the same alacrity. The House Foreign Affairs Committee hurriedly convened this week to consider a new “crippling sanctions” bill that seems less designed to deter an Iranian nuclear weapon than to lay the groundwork for war. […]

»So what does this mean? It means that neither the president, the secretary of state, nor any US diplomat or emissary may engage in negotiations or diplomacy of any kind unless the president convinces the “appropriate congressional committees” (most significantly, the House Foreign Affairs Committee, which is an AIPAC fiefdom) that not permitting the contacts would pose an “extraordinary threat to the vital national security interests of the United States”.

»To call this unprecedented is an understatement. At no time in our history has the White House or State Department been restricted from dealing with representatives of a foreign state, even in wartime. If President Roosevelt wanted to meet with Hitler, he could have, and, of course, he did repeatedly meet with Stalin. During the Cold War, US diplomats maintained continuous contact with the Soviets, a regime that murdered tens of millions, and later with the Chinese regime, which murdered even more. And they did so without needing permission from Congress. (President Nixon was only able to normalise relations with China by means of secret negotiations, which, had they been exposed, would have been torpedoed by the Republican right.)

»But all the rules of normal statecraft are dropped when it comes to Iran, which may or may not be working on developing a nuclear capacity. Of course, if it is, it is obviously even more critical that US government officials speak to their Iranian counterparts. But preventing diplomacy is precisely what Representative Ileana Ros-Lehtinen (R-FL) and Howard Berman (D-CA), leaders of the House Foreign Affairs Committee that set out this bill, seek. They and others who back the measure want another war and the best way to get it is to ban diplomacy (which exists, of course, to prevent war)…»

• Ron Paul a le même avis : cette loi, HR 1905, est un processus explicitement mis en place pour conduire à la guerre. Il ne s’agit même pas de la seule guerre possible avec l’Iran, mais avec d’autres pays. HR 1905 prévoit en effet un catalogue d’une violence inouïe d’actions contre les pays qui auraient des contacts diplomatiques et commerciaux avec l’Iran. C’est cet aspect que développe Ron Paul, dans un discours à la Chambre, reproduit sur Antiwar.comw le 4 novembre 2011

«I would like to express my concerns over the Iran Threat Reduction Act of 2011 and my opposition to it being brought to the Floor for a vote. Let us be clear on one critical matter: the sanctions against Iran mandated by this legislation are definite steps toward a US attack on Iran. They will also, if actually applied, severely disrupt global trade and undermine the US economy, thereby harming our national security. […]

»These new sanctions against Iran increasingly target other countries that seek to trade with Iran. The legislation will severely punish foreign companies or foreign subsidiaries of US companies if they do not submit to the US trade embargo on Iran. Some 15 years after the Iran Sanctions Act of 1996 failed to bring Iran to its knees, it is now to be US foreign policy to threaten foreign countries and companies.

»During this mark-up one of my colleagues argued that if Mercedes-Benz wants to sell trucks to Iran, they should not be allowed to do business in the United States. Does anyone believe this is a good idea? I wonder how the Americans working at the Mercedes-Benz factory in Tuscaloosa County, Alabama would feel about banning Mercedes from the United States. Or perhaps we might ask the 7,600 Americans who work in the BMW factory in Spartanburg, SC how they would feel. Should the American consumer be denied the right to purchase these products? Is the United States really prepared to take such aggressive and radical action against its NATO ally Germany?

»Likewise, the application of the sanctions in this legislation would have a dramatic impact on US commercial and diplomatic relations with Russia and China, who both do business with Iran. It would impose strong sanctions on these countries and would prohibit foreign business leaders – and their spouses and children – from entering the United States. Do we want to start a trade war – or worse – with Russia and China?»

Les descriptions de cette loi sont significatives ; significatif également, le fait que cette loi pourrait effectivement être votée et conduire à une situation diplomatique et commerciale totalement indescriptible, à la fois chaotique et suscitant effectivement une logique de guerre systématique, non seulement avec l’Iran, mais avec d’autres pays d’un poids encore plus important.

Conçue et développée dans le cadre de la démarche de l’influence, de la corruption, de l’intrigue systématique qu’implique l’action d’AIPAC et des divers relais d’Israël, et surtout du Likoud, cette loi marque une situation dont l'importance est que sa signification embrasse un domaine bien plus vaste, qui tient à la situation même du pouvoir. On peut même avancer le constat qu’elle est exemplaire d’une situation générale de la dégradation formidable qu’a atteint les organes et les processus de contrôle et de direction du Système. Cette loi est insensée, par les dispositions extraordinairement provocatrices et intrusives dont elle dispose. Elle est également insensée, dans son extrémisme, jusqu’à la position inverse (l’extrémisme conduisant à rejoindre l’autre extrême), même du point de vue du parti qu’elle favorise, parce qu’elle aboutit éventuellement à être totalement paralysante, à cause de ses excès, pour le gouvernement US lui-même ; elle enferme ce gouvernement dans une alternative entre la marche automatique vers la guerre et la paralysie volontaire totale pour éviter cette marche vers la guerre ; selon ce qu’on sait de la bureaucratie, autant que selon ce qu’on devrait savoir, – question de bonne information, – des capacités militaires US en chute libre, il est extrêmement probable que c’est le deuxième terme (la paralysie) qui serait choisi, ce qui priverait Israël du soutien d’un gouvernement US actif, replié sur un refus d’action et rien d’autre.

D’une façon encore plus générale, cette loi décrit l’état absolument apocalyptique du pouvoir aux USA, et, dans ce cas, au Congrès. Là non plus, on ne parlera ni d’influence, ni de corruption, qui ont toujours existé et qui continuent à fleurir plus que jamais, mais bien d’irresponsabilité… L’irresponsabilité fondamentale est d'ailleurs, autre exemple significatif, de laisser une Ros-Lehtinen à la tête d’une Commission si importante, elle qui est notoirement, non pas seulement corrompue et totalement acquise aux intérêts qu’on sait, mais aussi psychologiquement instable et totalement inconsciente des conséquence à terme de certains actes. Mais qui dirige encore quoi au Congrès, surtout à la Chambre ? Ce qui était le temple de l’organisation structurée du “parti unique”, avec ses deux ailes, sa discipline de fer, etc., est devenu une sorte de foire d’empoigne où plus aucune autorité ne prévaut, où les lois et les votes répondent à des impulsions complètement irrationnelles. Il s’agit bien sûr de la conséquence de la dégradation du Système, traduite concrètement par l’arrivée de parlementaires Tea Party chez les républicains, bientôt de l’influence du mouvement Occupy sur certains parlementaires ; ces deux événements ne sont pas signalés pour indiquer telle ou telle orientation mais pour marquer une des concrétisations de l’invasion irrésistible du désordre à l’intérieur du Congrès, et la perte complète d’autorité des appareils de direction du “parti unique”, – et, par conséquent, comment une telle loi (HR 1905) puisse être très sérieusement envisagée. On serait conduit à observer qu’il y a plus de discipline et de responsabilité dans les assemblées générales d’Occupy Wall Street que dans les divers processus, délibérations et décisions du Congrès.


Mis en ligne le 7 novembre 2011 à 05H57