Humeurs et fantasmes de guerre

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Humeurs et fantasmes de guerre

13 octobre 2017 – Il existe, du côté des USA est-il besoin de le dire, une narrative de guerre impliquant la possibilité, parfois jusqu’à la probabilité dans certains commentaires, d’un affrontement nucléaire total. Cette narrative, qui a été développée plusieurs fois, à laquelle on croit et à laquelle on ne croit pas, successivement et parfois même simultanément, date de mars 2014 d’une façon affirmée sinon affichée ; dès lors que Russes et OTAN (soit les USA) se trouvaient quasiment et potentiellement au contact, par l’intermédiaire de la crise ukrainienne, la possibilité d’une guerre nucléaire prenait un aspect très concret. Cette possibilité, toujours sous forme de narrative, existe avec la Corée du Nord et avec l’arrivée de Trump à la Maison-Blanche, et aussi avec l’Iran et la suite dans les idées de Trump ce qui est une exception, exitant dans le cas de son hodtilité à l'Iran pour une raison inconnue) Elle est de retour parmi nous, pour la nième fois, – et pourquoi la prendrait-on au sérieux cette fois, qui n’a aucune raison d’être différente des fois précédentes ? – Et pourquoi ne la prendrait-on pas au sérieux cette fois, à la différence des fois précédentes ? Il n’y a pas de réponse sérieuse (justement) disponible à ces deux questions, de même qu’il existe une situation de fait de pulvérisation de la réalité (depuis la crise ukrainienne), qui explique cette impossibilité et même la justifie, la sollicite.

Nous suivons pourtant cette évolution, en fonction de l’évaluation que nous en faisons, parce qu’elle nous importe de toutes les façons du point de vue de la psychologie, et par ce qu’elle révèle de la situation psychologique générale (dans ce cas des USA principalement, dont on sait quelle importance la crise essentiellement psychologique de cette puissance a pour nous en général). Un texte de WSWS.org du 13 octobre 2017 nous donne une analyse circonstanciée de la dernière alerte, qui se développe actuellement...

(WSWS.org croit beaucoup, nous dirions presque avec acharnement, à la possibilité d’un conflit généralisé, semblant juger que c’est là le destin inéluctable des USA et d’une façon générale du système capitaliste. En conséquence et compte tenu de la minutie du travail de ce site, on a à chaque alerte un excellent compte-rendu de la chose.)

« Au milieu des préparatifs américains en vue d’un conflit avec la Corée du Nord, le vol de nuit d’hier effectué par deux bombardiers B-1B sur la péninsule coréenne a été conçu pour provoquer une réponse nord-coréenne qui pourrait servir de motif pour une guerre totale. Les bombardiers supersoniques ont été rejoints par des avions de combat japonais et sud-coréens pour le premier exercice d’entraînement de nuit à pratiquer des exercices avec des missiles air-sol dans les eaux de la côte est de la Corée du Sud, puis au large de la côte ouest. Cette répétition pour une guerre avec la Corée du Nord a suivi une autre nouveauté : les deux bombardiers B-1B se sont rendus le plus loin vers le nord le long de la côte nord-coréenne depuis le début du siècle.

En même temps, le Pentagone est en train de rassembler une armada navale au large de la péninsule coréenne. Le sous-marin d’attaque nucléaire USS Tuscon est arrivé au large de la Corée du Sud samedi. Le porte-avions USS Ronald Reagan et son groupe de croiseurs et de contre-torpilleurs devraient arriver plus tard ce mois-ci pour des exercices conjoints avec la marine sud-coréenne. Deux frégates australiennes sont également en route vers les eaux coréennes.

La campagne implacable des menaces belliqueuses et des provocations militaires de l’administration Trump montrent clairement que le danger d’une guerre catastrophique qui pourrait entraîner des puissances majeures telles que la Chine et la Russie et dégénérer en un échange nucléaire est réel et imminent. Alors qu’il fait face à une crise politique grandissante à Washington même, le président des États-Unis pourrait voir une guerre avec la Corée du Nord comme un moyen de renforcer son administration et d’écraser l’opposition politique nationale... »

Ce qui est un peu plus intéressant dans cette alerte-là que dans les précédentes, – bien que chacune d’entre elles ait ses spécificités, – c’est le développement de deux axes de spéculation également inquiétants, mais aussi également construits autour de sujets dont le trait principal est d’être jugés comme des narrative dont on peut complètement contester la validité alors que leur possibilité a tout de même toujours existé. Aussi dira-t-on que ces deux axes ont d’abord l’avantage objectif de communication de nous signaler l’existence d’un état de grande fragilité de la psychologie collective existant actuellement et plus que jamais à Washington D.C., plus que jamais méritant son surnom de “D.C.-la-folle”. Il faudra voir au-delà, ce que ce fait signifie.

• Le premier axe de spéculation concerne ce qui serait la position de Trump, son comportement, son attitude, etc., par rapport à son entourage immédiat et dans le cadre particulièrement effrayant de la possibilité que ce président envisage d’user de l’arme nucléaire dans une crise ou l’autre. (Dans ce cas, l’on pense essentiellement à la Corée du Nord et à l’Iran.). Il s’agit d’un rapport très alarmiste, de Gabriel Sherman dans Vanity Fair, présenté et repris dans ses citations les plus intéressantes par ZeroHedge.com du 11 octobre 2017.

L’atmosphère à la Maison-Blanche est décrite comme épouvantable, le comportement de Trump comme complètement erratique, avec les deux généraux des Marines, Kelly (directeur de cabinet du président) et Mattis (secrétaire à la défense) et le général de l’US Army McMaster (directeur du NSC) se demandant comment ils pourraient réagir pour empêcher un engagement nucléaire si Trump décidait effectivement d’user de cette arme, par exemple mais exemple précis contre la Corée du Nord.

Un deuxième aspect de l’article de Sherman est ce qui serait l’avis de Stephen Bannon, un temps si proche de Trump, estimant aujourd’hui que le comportement de Trump, son instabilité mentale, son désordre psychologique sont tels qu’il y des chances très sérieuses qu’on aboutisse à une application du 25ème amendement (décision du cabinet et du vice-président de considérer le président comme incapable d’exercer ses fonctions, présentée devant le Sénat ainsi invité à voter la destitution). « Le 25ème amendement, qu’est-ce que c’est ? », aurait demandé Trump à Bannon, lequel donnerait, selon Sherman, 30% de chances à Trump de terminer son mandat...

« Gabriel Sherman, the former New York Magazine journalist whose reporting helped topple former Fox News chief Roger Ailes, has published a wide-ranging piece in Vanity Fair where he says private grumblings of senior administration officials are spilling out into the open as Trump's behavior has grown more erractic, and that many of the administration's key players are close to a breaking point.

» Sherman begins his piece by claiming that Tennessee Sen. Bob Corker’s infamous interview with the New York Times, where he reportedly fretted that Trump would start “World War III” and compared the White House to “adult daycare” represents an inflection point in the Trump presidency. The interview, Sherman claims, “brought into the open what several people close to the president have recently told me in private: that Trump is “unstable,” “losing a step,” and “unraveling.”

» Kelly is reportedly miserable, but is refusing to quit out of a sense of duty to try and keep Trump from making a disastrous decision like ordering a preemptive nuclear strike on North Korea. According to Sherman's sources, Kelly and Secretary of Defense James Mattis have discussed what they would do if Trump ordered a nuclear strike...

»  “According to two sources familiar with the conversation, Trump vented to his longtime security chief, Keith Schiller, “I hate everyone in the White House! There are a few exceptions, but I hate them!” (A White House official denies this.) Two senior Republican officials said Chief of Staff John Kelly is miserable in his job and is remaining out of a sense of duty to keep Trump from making some sort of disastrous decision. Today, speculation about Kelly’s future increased after Politico reported that Kelly’s deputy Kirstjen Nielsen is likely to be named Homeland Security Secretary—the theory among some Republicans is that Kelly wanted to give her a soft landing before his departure.

» ”One former official even speculated that Kelly and Secretary of Defense James Mattis have discussed what they would do in the event Trump ordered a nuclear first strike. “Would they tackle him?” the person said. Even Trump’s most loyal backers are sowing public doubts. This morning, The Washington Post quoted longtime Trump friend Tom Barrack saying he has been “shocked” and “stunned” by Trump’s behavior.”

» But perhaps the most alarming claim in Sherman’s report is that Steve Bannon believes Trump only has a 30% chance of finishing out his first term. And furthermore, the biggest threat to Trump’s presidency isn’t impeachment, but a provision of the twenty-fifth amendment that would allow his cabinet members to exercise emergency measures to remove him from office.

» “Even before Corker’s remarks, some West Wing advisers were worried that Trump’s behavior could cause the Cabinet to take extraordinary Constitutional measures to remove him from office. Several months ago, according to two sources with knowledge of the conversation, former chief strategist Steve Bannon told Trump that the risk to his presidency wasn’t impeachment, but the 25th Amendment—the provision by which a majority of the Cabinet can vote to remove the president. When Bannon mentioned the 25th Amendment, Trump said, “What’s that?” According to a source, Bannon has told people he thinks Trump has only a 30 percent chance of making it the full term.” »

Reprenant l’ensemble de ces informations, y compris le recours au 25ème amendement, WSWS.org complète sa description d’une possible attaque de la Corée du Nord par la présentation de ce qu’il nomme “a palace coup” (littéralement “révolution de palais”, mais plus éventuellement “coup d’État interne”) qui serait fait justement dans l’intention de bloquer une attaque nucléaire contre la Corée du Nord. Ce n’est pas pour autant que WSWS.org y verrait la fin de la crise à “D.C.-la-folle”, mais au contraire un supplément de désordre bien entendu...

« Whatever the motives underlying behind-the-scenes discussions of the feasibility of a palace coup, such a conspiracy—regardless of its success or failure—would drive the final nail into the coffin of American democracy. Trump would undoubtedly bitterly resist an effort to remove him from office. In the course of a ferocious conflict, both pro- and anti-Trump factions would appeal to the military and intelligence agencies for support. Regardless of which faction won, the military and intelligence agencies would emerge as the final arbiters of the political destiny of the United States. Moreover, were Trump to be removed from office, the arch-reactionary vice president, Mike Pence, would become president. »

Bien entendu, ces “révélations”, supputations, suggestions et hypothèses allant de la guerre nucléaire à la neutralisation d’un Président par une “révolution de palais”/“coup d’État interne” ont été accueillies, d’une part avec un intérêt certain mais sans alarme excessive comme si le défilement de telles nouvelles faisait le courant de la communication à Washington, ou à “D.C.-la-folle” disons ; d’autre part avec scepticisme, sinon hostilité, notamment de la part de certaines personnalités mises en cause. La communication, surtout la communication à propos de Trump, est à cet égard une matière extrêmement difficile à maîtriser, presqu’autant que le comportement du président lui-même.

Ainsi en est-il du directeur de cabinet, le Général Kelly, fortement mis en cause et décrit comme étant au bord de la démission parce qu’il ne parvient pas à “contrôler le président”. Kelly a réagi par une conférence de presse tonitruante (la première du genre pour lui dans cette fonction), pour opposer un démenti formel à toutes ces rumeurs, et notamment les affirmations très nombreuses et très circonstanciées dans l’article de Sherman : « Bien que je l’apprenne constamment par de nouvelles lectures d’articles, je n’ai pas l’intention de démissionner aujourd’hui. Je ne pense pas que je serai démis de mes fonctions aujourd’hui. Et je ne suis pas si complètement frustré par mon travail que je sois conduit aujourd’hui à penser à démissionner... »

• Un deuxième axe est développé notamment par Mike Krieger, sur son site LibertyKrieger le 10 octobre 2017, repris par ZeroHedge.com à nouveau. Cette fois, l’hypothèse porte sur une attaque contre l’Iran, qui est souvent un des autres grands “projets” prêtés à Trump. Krieger juge qu’une guerre contre l’Iran est la plus grande probabilité d’une présidence Trump qu’il voit toute entière définie par le bellicisme le plus stupide, contrairement à toutes les promesses du candidat-Trump. Krieger ne s’en désole d’ailleurs pas outre-mesure, parce qu’il juge qu’une telle décision serait une catastrophe qui aurait toutes les chances de faire tomber le régime (aux USA), rejoignant en cela une opinion exprimée depuis quelques années, notamment par le néo-sécessionniste du Vermont Naylor, en avril 2010 There are three or four possible scenarios that will bring down the empire,” Naylor said. “One possibility is a war with Iran.” »).

L'hypothèse opérationnelle préférée de Krieger à cet égard est le remplacement d’une partie importante de l’équipe de sécurité nationale du président, notamment le secrétaire d’État Tillerson et, probablement, les deux ou trois militaires du cabinet (Kelly, McMaster, Mattis) qui jouent indiscutablement un rôle modérateur. Trump trouverait les inspirateurs et exécutants idéaux d’une politique d’agression contre l’Iran dans l’ambassadrice à l’ONU Haley, indiscutablement taillée pour ce rôle par une stupidité qui n’est plus à démontrer, et le sénateur Tom Cotton, nouvelle star des super-faucons qui semble parvenir à faire prendre McCain comme un modéré du type-munichois...

« The key event I believe will set the groundwork for a coming disastrous confrontation with Iran, is Trump’s highly anticipated announcement that the Iran nuclear agreement is against U.S. interests. This wouldn’t immediately end the deal or lead to new U.S. sanctions, but it would represent the first step in heading in that direction. A direction I believe will ultimately lead to US aggression against Iran in a similar fashion as Iraq, except this miscalculation will have even more disastrous consequences for the American empire. »

« [...F]rom a recent New York Times article: “Congress will have to decide whether to reimpose sanctions... [...] That is the approach favored by Senator Tom Cotton, Republican of Arkansas, who has emerged as a leading hard-liner on Iran and is working closely with the White House to devise its strategy. On Thursday, Mr. Cotton met with Mr. Trump to discuss Iran and other issues.

» “Congress and the president, working together, should lay out how the deal must change and, if it doesn’t, the consequences Iran will face,” Mr. Cotton said in a speech on Tuesday at the Council on Foreign Relations. Reimposing sanctions, he said, would be a “backward-looking step.”[...]

» I’m glad Nikki Haley came up, as she’s a certified grade-A maniac and bloodthirsty neocon. While she’s dangerous enough at the U.N., there’s talk that she could ultimately replace Tillerson as Secretary of State. Any combination of Cotton and Haley moving into increased prominence within the Trump circle of influence effectively guarantees more disastrous war in the Middle East. »

“Révolution de palais” et “chute de l’Empire”

On peut dire que tous les classements, toutes les orientations, toutes les pseudo-stratégies, tous les complots sont à la dérive à “D.C.-la-folle”. Les inversions dans tous les sens sont flagrantes et interdisent désormais d’identifier l’un ou l’autre événements selon les pseudo-étiquettes des participants, des inspirateurs et des instigateurs, et des conspirateurs bien entendu. Au-dessus de ce “bordel” de type-macronien trône l’Imperator, le maître incontesté du domaine, le président Trump lui-même.

Les thèses et descriptions minutieuses de l’action irrésistible du Deep-State, sur la marionnettisation de Trump, sur sa manipulation, etc., n’ont plus aucun sens, car effectivement l’action de Trump n’a, elle, plus aucun sens. Les cas sont désormais nombreux, et à notre avis, extrêmement substantivés, où des DeepStaters (notamment les généraux) s’avèrent être complètement dépassés ; au lieu de contrôler Trump pour qu’il poursuive la politique d’expansionnisme passif dont on avait cru qu’il chercherait à l’abandonner (ses promesses de campagne), ils sont désormais arcboutés pour que le président ne se mette pas à jouer avec le bouton nucléaire ou quelque autre projet insensé d’attaque de l’Iran. (McMaster lui-même s’est exprimé dans ce sens, à propos du “bouton nucléaire”, dans un dîner en ville dont le contenu a fuité).

Comme on l’a noté, l’information, et plus généralement la communication est à mesure, renforçant largement la fluidité insaisissable de la situation. Personne, absolument personne n’est capable de donner une définition acceptable de la politique étrangère des Etats-Unis, jusques et y compris à répondre par la négative à la question cruciale : y a-t-il encore une politique étrangère des USA ? Il faut lui préférer la recherche d’une perspective contenant sans aucun doute des ingrédients complètement catastrophiques pour la stabilité ultime, voire l’existence du pouvoir à Washington D.C.

Sans la moindre surprise, il apparaît clairement que cette situation dépasse très largement les hommes eux-mêmes, y compris le principal des acteurs (Trump). Même le site WSWS.org, qui ne manque jamais de critiquer les oligarques du Système dans lesquels il place naturellement Trump, ne donne qu’une place de symptôme à Trump : « Trump n’est pas la cause [des différentes crises auxquels est confronté le Système sans trouver la moindre solution], mais d’une façon général le symptôme extrême de la désorientation et du désespoir des élites dirigeantes. » Chris Hedges, justement interviewé par le même WSWS.org, trouve à peu près les mêmes mots pour définir Trump : « Trump est un produit, un symptôme d’un système en faillite et d’une démocratie dysfonctionnelle, et nullement la maladie elle-même. »

C’est implicitement le même sentiment d’un Mike Krieger, qui considère le système de l’américanisme comme irréformable, et donc l’élimination de Trump comme un élément en aucune façon décisif dans l’hypothèse d’une tentative de sauver/de réformer le système de l’américanisme. En d’autres mots, la même idée est exprimée sous des formes différentes : la “neutralisation” du catastrophique Trump ne changerait pas grand’chose à la course catastrophique en cours, – sinon pour l'accélérer !

Par contre bien entendu, et au-delà de tous ces arguments fondés mais non limitatifs ni exclusifs, on peut observer qu’après neuf mois de gouvernement, Trump s’est solidement installé comme facteur déstabilisateur de la cause générale, accélérant d’une façon puissante la désorientation des élites par le désordre dont il est un producteur puissant. Notre conviction à ce point est que ce parcours de neuf mois confirme le rôle tout à fait involontaire et inconscient, mais extrêmement puissant du caractère objectivement antiSystème de cet acteur chaotique, imprévisible et incontrôlable. Comme l’observe WSWS.org en parlant d’une “révolution de palais” qui pourrait être lancée pour l’éliminer par le biais du 25ème amendement, « [s]ans le moindre doute, Trump résisterait en se battant férocement contre toute tentative de lui faire abandonner sa fonction ».

La circonstance qui en naîtrait, le « conflit féroce dans lequel les pro- et les anti-Trump feraient appel aux militaires et aux agences de renseignement pour avoir leur aide », serait à notre sens loin, très loin de régler le problème, y compris bien entendu d’aboutir sans autre développement et effets collatéraux à une situation très nette et stabilisée où « les militaires et les agences de renseignement émergeraient comme arbitres finaux de la destinée politique des États-Unis ». Bien au contraire...

Un tel affrontement à ciel ouvert aurait, selon nous, beaucoup plus de chance d’aggraver radicalement et cette fois décisivement la situation intérieure à Washington D.C. C’est là, nous semble-t-il, l’argument central de ceux (Krieger et d’autres avant lui, comme vu plus haut) qui tendent à affirmer que la perspective d’un conflit comme celui qui pourrait se dessiner sous la pression de Trump (par exemple contre l’Iran), même sans qu’éclate ce conflit, constituerait le facteur fondamental et final de “la chute de l’Empire”. Cette expression de “chute de l’Empire” est une parabole symbolique pour désigner cet événement de la désintégration brutale, y compris sous la forme d’un affrontement type-“révolution de palais”, d’une direction américaniste extraordinairement fragilisée et vulnérable. Mais il convient d'ajouter, pour bien fixer l'enjeu, qu'il s’agirait en vérité, avec cette “chute de l’Empire”, de la chute de tout le dispositif hégémonique non seulement des USA mais du bloc-BAO et du Système, avec effets telluriques considérables partout dans un monde globalisé.

Ce scénario est aujourd’hui très plausible et deviendrait vite probable dans certaines circonstances qu’on devine, compte tenu de la nervosité régnante dans la direction washingtonienne. Trump s’est révélé être si incontrôlable que ceux qui sont là pour le contrôler tendent à devenir eux-mêmes incontrôlables dans leurs actions marquées par la panique pour tenter de contenir Trump. Des projets de guerre majeure de Trump, contre la Corée du Nord ou contre l’Iran, à mesure qu’on en parle et qu’on annonce l’une ou l’autre sans aucune concrétisation, au lieu d’effrayer l’adversaire potentiel ne font qu’accélérer le sens de l’urgence, et au-delà la panique de ceux qui jugent absolument nécessaire d’éviter un tel conflit au plus haut niveau.

De plus en plus, aujourd’hui, le sort du Deep State, qui ne devait faire qu’une bouchée de Trump, est lié au destin absolument chaotique et finalement à tendance antiSystème de Trump.