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2779• Confidences furieuses d’un général israélien à la retraite qui suit pour le gouvernement l’organisation de l’armée depuis plusieurs années. • Le général Itzhak Brik considère que l’IDF est, à Gaza, dans un état de “chaos total” à cause de la privatisation de tous les services de soutien et de logistique qui fonctionnent d’une façon catastrophique. • Le principal ennemi d’Israël, ce n’est pas le terrorisme mais l’américanisation qu’elle suit depuis des décennies. • La “guerre de Gaza” menace d’être une seconde “guerre d’Ukraine”, à rôles inversés.
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En un sens, les opérations militaires israéliennes à Gaza ressemblent aux opérations militaires otaniennes (avec la “viande“ ukrainienne en plus) en Ukraine : une duplication totale de l’américanisation des forces armées et de la guerre et un échec complet des deux. Du côté de l’Ukraine, on s’en est aperçu depuis quelques temps ; du côté de Gaza, cela commence à être évident, – d’où le grand intérêt de ce texte-interview du général de division à la retraite Itzhak Brik, qui reste très actif dans le conseil et la supervision de l’armée israélienne. (Pour en avoir une idée, on précise qu’il a rencontré six fois Netanyahou depuis le début des opérations.)
L’intérêt des remarques de Brik, c’est qu’elles vont dans le dur. Elles concernent l’organisation, la coordination, la logistique, la capacité mécanique de renforcement, la capacité de réparation sur le champ de bataille, tous ces multiples domaines qui font qu’une guerre motorisée et industrielle modernes est faisable, et éventuellement gagnable, ou bien tourne à l’enlisement catastrophique.
Mieux encore, c’est-à-dire pire : il nous informe sur l’appel au secteur privé réalisé par ‘Tsahal’, méthodiquement depuis deux-quatre décennies, pour prendre en mans toutes ces tâches. Là encore, c’est un degré de plus dans le bourbier de l’américanisation, les USA (Rumsfeld et Wolfowitz notamment) ayant décidé la “privatisation” maxi de la guerre dès les quelques mois avant l’attaque du 11-septembre, et poussant une accélération décisive après cette attaque. Encore Brik ne s’étend-il pas trop sur la privatisation des combattants, dont les exemples sont légions dans tous les pays de l’Occident-compulsif.
Nous avons déjà largement exploré ce processus d’américanisation de ‘Tsahal’-devenue-IDF et des armements US remplaçant les équipements français à partir des années 1960, notamment avec des reprises et des mises à jour de textes anciens, les 14 décembre 2022 et 23 octobre 2023. Nous aimerions revenir également sur un homme-clef de ce processus, le seul qui s’y opposa, qui fut le ministre de la défense Moshe Arens... On retrouve des traces de sa triste histoire au travers de celles des ‘Patriot’, simulacres de la défense aérienne, et de l’avion de combat israélien ‘Lavi’.
« L’occasion initiale du texte que nous donnons (republication du 14 décembre 2022) en référence, c’est la deuxième guerre du Golfe (Irak), du printemps 2003, au cours de laquelle on parla également du Patriot, notamment de ses victoires contre des avions amis (‘friendly fire’). A cette occasion, on pouvait se remémorer avec quelle vigueur les USA défendaient le Patriot depuis la première Guerre du Golfe, ou, plutôt, entretenaient la narrative autour de lui. Le président Bush d’alors (Bush-père) avait particulièrement été conquis par les exploits du Patriot et les avait célébrés au cours d’une visite électorale, dans une usine du Massachusetts. On parlait alors d’une efficacité de 80% et plus de ces missiles contre les Scud et autres nuisances de Saddam, durant la guerre de janvier-février 1991. Ce point de l’efficacité du Patriot fut l’occasion d’un accrochage de Bush-père avec Moshe Arens, le ministre israélien de la défense, qui doutait grandement de l’efficacité des Patriot que les USA avaient déployés en Israël, notamment à Tel-Aviv et alentour.
Extrait d’un des articles cités dans le texte référencé, de WSWS.org, sous le titre «TV documentary: US lied about Gulf War missile “hits”» ; et ce passage, particulièrement, où il est question d’Arens…
« “Interrogé par The Fifth Estate, Arens déclara avoir dit à Bush que, dans le meilleur des cas, les Patriot avaient intercepté 20 % des Scuds, un chiffre qui s'est rapidement avéré généreux. Bush cherchait désespérément à prévenir la menace israélienne, qui aurait pu enflammer le Moyen-Orient. Il avait fait appel à des responsables du Pentagone, dont le secrétaire à la défense Richard Cheney, qui avait insisté sur le fait que l'armée américaine disposait de preuves fiables de son taux de réussite de “100 %”.
» “Mais à la fin de la guerre de 40 jours, 39 missiles Scud irakiens avaient frappé le territoire israélien, tuant deux personnes et en blessant des centaines d'autres, malgré les tirs constants des batteries Patriot opérées par les États-Unis près de Tel-Aviv. Les soldats américains furent également été victimes de la dissimulation des Patriot. Dans l'incident le plus grave, 28 soldats furent tués lorsqu'un missile Scud a frappé une caserne en Arabie Saoudite.”
» Arens contre le rabbin Zakheim
» Quelques années ans plus tard, dans un autre documentaire sur la Guerre du Golfe, Arens fut à nouveau interrogé sur les performances du Patriot. Cette fois, ce n’est pas 20% de succès du missile qu’il cita, mais bel et bien 0%. Le Patriot n’avait pas intercepté un seul Scud en Israël, – ou bien, selon les plus optimistes parmi les sources du ministères de la défense, un Scud sur 36. Arens confirma l’entretien avec le président Bush ; et il précisa que le président s’était mis dans une fureur considérable lorsque Arens lui avait expliqué la nullité technologique du système, et que le président lui avait intimé l’ordre de se taire. (Cela contredit l’interprétation de WSWS.org, selon laquelle Bush-père mentait sciemment en acclamant le succès des Patriot. Cela est, à notre sens, manifestement faux : les hommes-Système croit le Système et au Système ; entre les fiches techniques du Pentagone et de Raytheon, et un vulgaire ministre de la défense israélien, il n’y a certainement pas la moindre hésitation à entretenir, et le second est considéré avec le plus grand mépris.)
» Arens semblait amer, lors de l’interview que nous citons… Cet homme, Moshe Arens, fut l’un des derniers hommes politiques honorables d’Israël dans le domaine fondamental de la politique du point de vue de son pays et, dans tous les cas, le dernier à défendre la souveraineté de son pays, – non contre les masses terroristes et arabo-iraniennes, bien sûr, mais contre les USA, le Pentagone et le Système. Car c’est bien là qu’est le véritable affrontement. (On ne s’étonnera pas de voir, en son temps, Arens prenant furieusement position contre l’achat du JSF par Israël, en rappelant l’aventure brisée du Lavi et de la souveraineté israélienne.)
En 1984-86, Arens s’était battu de toutes ses forces pour sauver le projet d’avion de combat israélien Lavi, qu’il considérait comme un projet garant de l’indépendance et de la souveraineté nationales israéliennes. Il n’avait aucune chance. Il perdit et le Lavi fut abandonné, sous la pression formidable du Pentagone, qui ne voulait pas d’un concurrent du F-16 à l’exportation. L’homme qui réalisa la liquidation du Lavi en mettant Israël à genoux pour le compte du Pentagone est un rabbin américain (ou américaniste), Dov S. Zakheim, par ailleurs neocon et affairiste, et qui était à l’époque un des cadres des services de l’exportation au Pentagone. Dans son livre ‘Flight of the Lavi – Inside a US-Israeli Crisis’ (Brassey’s, 1996, Londres), Zakheim raconte ce que fut cette mission explicite de liquidation du Lavi, sa bataille à Tel-Aviv pour y parvenir. Zakheim et Arens nous montrent qu’il est sommaire de réduire toutes ces affaires à des antagonismes entre Israéliens et non-Israéliens et entre Juifs et non-Juifs.
Le combat fondamental d’Israël, qui règle le sort d’Israël, c’est son “américanisation”, qui se fit sur le terme, entre 1967 et 1986 (liquidation du Lavi). [...] ‘Tsahal’ était devenue plus conformément IDF (Israel Defense Forces). Il s’agit du Système en pleine surpuissance déstructurante… »
On voit la façon concertée et systématique dont s’est faite l’américanisation de ‘Tsahal’-devenue-IDF, qui est sans le moindre doute la source de tous les déboires que rencontrent les Israéliens depuis 1973.
L’article autour des déclarations du général Brik confirme cette tendance, et l’amplifie encore dans le cadre de la guerre moderne où tous les processus techniques et organisationnels jouent un rôle fondamental, – alors qu’ils ont été confiés à des entreprises privées dont le but essentiel est le profit, loin devant l’efficacité et le rendement au service des forces armées. On en est conduit à observer que, dans les conditions de “chaos total” décrites par Brik, l’armée israélienne risque de se trouver prise dans un embourbement sanglant sans pouvoir remplir sa mission, et soumise à des harcèlements constants qui vont épuiser le pays et créer une sorte de seconde “guerre d’Ukraine” avec les rôles distribués d’une façon originale... Mais, comme l’on voit, tant que Netanyahou tient, la censure triomphe.
L’article, dans ‘SputnikNews’, est de Ilya Tsoukanov, le 25 février 2024.
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Tel Aviv a lancé une invasion à grande échelle de la bande de Gaza le 27 octobre, trois semaines après que le Hamas a lancé ses raids surprises « Opération Al-Aqsa Flood » dans le sud d’Israël.
Les opérations de l’armée israélienne à Gaza sont dans un état de « chaos total » grâce à l’externalisation de ses services de logistique et de réparation à des entrepreneurs privés, a averti le général de division à la retraite de Tsahal Itzhak Brik.
« Il y a un désordre total dont les médias ne parlent pas », a déclaré Brik, un vétéran de la guerre du Yom Kippour en 1973 et de la guerre du Liban en 1982, connu pour ses critiques virulentes de l'organisation et de la culture modernes de Tsahal, au journal israélien en langue hébraïque. Maariv samedi.
« Derrière nos excellents soldats, c’est le chaos total. L’équipement, la logistique, la nourriture, tout ce qui doit être avancé ne fonctionne pas correctement, car l’armée a tout confié à des entreprises privées », a déploré l’officier supérieur à la retraite.
En donnant un exemple, Brik a mentionné que dans le système actuel, il n'y a aucune capacité en place dans l'armée qui pourrait réparer immédiatement les chars endommagés ou en panne et les renvoyer au front, avec des « dizaines » restant « bloquées jusqu'à ce qu'ils soient remorqués ».
« Bien sûr, les médias n'en parlent pas, mais ces choses-là ne fonctionnent pas », a déclaré l'ancien général, faisant référence aux lois israéliennes strictes de censure en temps de guerre, qui permettent à l'État de restreindre la couverture de sujets sensibles et peu flatteurs liés à l'armée israélienne. Conflit à Gaza.
Brik a déclaré qu’il avait rencontré Benjamin Netanyahu six fois au total depuis le début de la crise en octobre dernier pour discuter des problèmes de Tsahal. « Je lui ai dit que l’armée n’était pas prête à entrer immédiatement en guerre, car il y a des soldats qui ne se sont pas entraînés depuis cinq ans et il y a un manque de matériel. »
Selon l’ancien commandant, c’est son intervention personnelle qui a poussé l’armée israélienne à reporter de deux semaines son invasion de Gaza.
« Aujourd’hui, [Netanyahu] compte dans sa coalition des gens très radicaux qui le menacent et lui disent que s’il ne va pas dans leur direction, ils démantèleront le gouvernement, et le gouvernement est plus important pour lui que le pays. C’est notre principal problème », a déploré Brik.
Depuis qu'il a pris sa retraite de son poste de commissaire aux plaintes des soldats du ministère de la Défense il y a six ans, Brik est devenu un critique virulent du mauvais état de préparation de l'armée israélienne, suggérant en 2018 que « si une guerre éclate aujourd'hui, la guerre du Yom Kippour ressemblera à un voyage touristique ». En 2020, il a exprimé ses inquiétudes quant à la « perte de l’esprit combatif » de Tsahal, affirmant que les soldats étaient mal entraînés et manquaient de motivation et de volonté de se sacrifier. Début 2023, il avait prévenu que l’armée n’était pas prête à faire face à la menace d’attaques de missiles et de drones sur ses bases et qu’elle souffrait de graves problèmes logistiques en raison de la privatisation des services de l’armée. Le manque de transparence dans le recrutement des officiers supérieurs, une structure organisationnelle désordonnée de l'armée et le manque de responsabilité parmi les commandants constituent d'autres problèmes majeurs, a-t-il indiqué.
La guerre à Gaza est devenue le conflit le plus meurtrier impliquant Israël depuis la guerre du Liban de 1982, l'armée israélienne ayant confirmé la mort de quelque 578 soldats depuis le 7 octobre, dont 239 depuis le début de l'offensive israélienne dans l'enclave palestinienne assiégée. Israël a fait face à de lourdes pertes dans les chars et autres véhicules blindés au cours de son assaut, avec un rapport basé sur une analyse d'images satellite suggérant que quelque 88 véhicules blindés parmi les 383 envoyés dans le nord-ouest de Gaza avaient été portés disparus, pour un taux total de pertes possibles de près de 25 pour cent, à la mi-novembre 2023. Les Brigades al-Qassam du Hamas affirment avoir éliminé « des milliers » de soldats israéliens et détruit plus de 1 100 véhicules militaires, dont près de 1 000 chars Merkava, soit environ 45 pour cent des formidables forces blindées d’Israël.
Un nombre disproportionné de civils ont été tués dans le conflit, avec quelque 814 civils israéliens et plus de 29 600 résidents palestiniens de Gaza qui ont péri dans la crise à ce jour au milieu des frappes aériennes et des opérations terrestres punitives d'Israël, et plus de 7 000 autres sont portés disparus et présumés morts, et plus de 85 pour cent de la population de Gaza déplacée à l'intérieur du pays.