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7341er mars 2006 — Diverses initiatives et polémiques contribuent actuellement à renforcer la perception d’un retour du protectionnisme (ou l’arrivée d’un “néo-protectionnisme”). Il est identifié de manière différente, par exemple comme du “patriotisme économique” (en France) ou assimilé indirectement à la “guerre contre la terreur” (aux Etats-Unis). Cette différence d’identification est particulièrement intéressante et, sans aucun doute, le facteur le plus significatif de cette situation du retour du protectionnisme.
De récents incidents et décisions conduisent à cette identification d’un mouvement protectionniste ou néo-protectionniste. Le groupe PINR présente la situation générale de cette façon, d’abord à propos de la décision française de fusion GdF-Suez: « Since the E.U. has failed to produce a strong common industrial and economic policy, France does not perceive it as an appropriate tool to multiply its power and interests, and to protect its own strategic economic sectors.
» PINR predicted last June that “the referendum on the E.U. Constitutional Treaty opened a window of opportunity for all pro-sovereignty movements to gain attention and spread their own influence.” This has indeed happened, perhaps even more quickly than expected, in a scenario of global geoeconomic competition marked once again by economic nationalism. France is also fighting to prevent its siderurgical giant Arcelor being taken over by India's Mittal Steel, but Paris is not alone in this struggle. Washington has de facto prevented China's CNOOC from taking over Unocal in 2005, just as Spain is trying to stop its own energy major, Endesa, being acquired by Germany's E.On. »
Il existe pour l’instant deux cas principaux, dont on peut dire qu’ils reflètent une situation générale très significative : en Europe et aux Etats-Unis. Ces situations générales et significatives sont très différentes et conduisent à introduire des nuances significatives pour décrire ce “néo-protectionnisme”.
Pour ce qui concerne l’Europe, on peut avancer plusieurs remarques :
• La très récente décision française de fusion de GdF et de Suez est considérée comme une mesure protectionniste. D’une façon générale, on considère que la France est prête à agir de façon décidée pour protéger certaines industries (l’énergie, les hautes technologies, etc.), et on l’observe d’ailleurs avec cette opération. La vision est résolument dans le sens d’une figuration plus nationale dans tous les composants de ce qui est en général désigné comme la “guerre économique”, — ce qui doit être entendu dans son sens le plus large : économie comme facteur politique, stratégique, voire culturel. Il s’agit clairement d’obtenir pour la France ce que la France réclame depuis plusieurs années comme régulation du mouvement de globalisation. Puisque cette régulation n’a pas été mise en place, la France la met en place pour son compte.
• On a vu que d’autres pays suivent la même voie que la France : l’Espagne est mentionnée. On ajouterait le Royaume-Uni et l’Allemagne, notamment pour les grands domaines de hautes technologies (armement) et quoique de façon plus erratique que la France.
• Au contraire, en Europe, des pays qui ont joué le jeu du libéralisme se trouvent pris au piège. C’est le cas de l’Italie: « Italy's establishment was shocked to discover that its economic liberalism and free-market orientation is somewhat “asymmetric” in Europe. Rome had previously agreed to the expansion of French corporations' influence in the Italian economy, particularly in the banking, transport and energy sectors. Berlusconi's government had acted to remove obstacles in the way of French majors such as the Paribas banking group (which will absorb Italy's Unipol). Moreover, Rome’s protest against the merger is based on the claim that no resistance was put up by Italy against Air France's attempt to buy Az Fly (a company owned by Alitalia), nor against EdF's increasing influence in Italy's Edison (an energy services company). » (selon PINR).
• Bien entendu, dans cette matière de la grande stratégie économique, surtout depuis le référendum, les intérêts nationaux prédomineront en Europe. Si l’Italie de Berlusconi a cru pouvoir s’engager dans la voie libérale, d’ailleurs selon la logique d’un gouvernement complètement construit sur l’idée d’un État se dispensant lui-même de la charge de défendre le bien public (à l’américaine), elle n’en sera pas récompensée pour autant. Les Italiens paieront l’inconséquence, d’ailleurs souvent intéressée, de leur actuel Premier ministre. Les moralistes de fortune déploreront la chose ; on les comprend mais cela ne changera rien.
Aux Etats-Unis, Il s’agit d’un tout autre tableau. L’expression “néo-protectionnisme” a un tout autre sens et une signification bien différente. (Il faut considérer cela en ayant à l’esprit cette restriction fondamentale que les USA possèdent, “par nature” pourrait-on écrire, une structure passivement mais efficacement protectionniste grâce à ses divers “sas” de pénétration du pays, entre le gouvernement fédéral et les États. Même dans des temps hyper-libéraux, cette structure veille au grain.)
• Alors qu’en Europe, on voit les gouvernements revenir au premier plan et agir en agents néo-protectionnistes, aux USA le gouvernement de GW Bush est en général totalement hyper-libéral, d’une façon idéologique intransigeante (avec le facteurs des liens personnels/de corruption, etc., qui accompagnent ce phénomène). La définition même du gouvernement GW est anti-régalienne : elle refuse absolument la notion de bien public (en Europe, Berlusconi suit cet exemple, avec les résultats qu’on voit).
• Les réactions nettement néo-isolationnistes sont désordonnées et erratiques. Elles se font par pression, par influence, etc., venus de divers groupes, et sont en général parfaitement relayées vers le Congrès. Celui-ci démarre au quart de tour devant la moindre sollicitation. Il le fait en général de façon très brutale et souvent arbitraire, avec des mesures draconiennes, dont certaines font bon marché de la souveraineté d’États étrangers.
• L’hyper-libéralisme du gouvernement bascule en son exact contraire (avec le soutien enthousiasme du Congrès) sur quelques grands domaines, notamment les technologies d’armement avec un Pentagone dont le protectionnisme se mesure à une paralysie quasi-totale de la bureaucratie. Effectivement, la bureaucratie joue un rôle de frein considérable qui se transcrit, dans ses effets, en un protectionnisme de facto infranchissable.
• Les divers protectionnismes, qu’ils soient d’influence ou bureaucratiques, se rapprochent, dans l’esprit de la cause sollicitée, du “patriotisme économique” dans la mesure où ils s’appuient sur l’argument péremptoire de la “sécurité nationale”. Aujourd’hui, cette sécurité nationale s’ordonne autour du phénomène du terrorisme, qui est l’argument central de l’arsenal de protection et de discrimination en cours d’érection aux Etats-Unis.
• L’agitation extrêmement forte aux USA dans l’affaire de la gestion des ports sur le point d’être reprise par une société de Dubaï a été dénoncée comme du protectionnisme à peine déguisée, l’argument de la lutte contre le terrorisme étant écarté comme un faux semblant. Ce procès est infondé, à moins qu’il ne soit porté contre la notion générale de terrorisme aux USA. La définition militaire, globale et apocalyptique faite du terrorisme par l’administration GW Bush est grotesque ; mais à partir du moment où elle est acceptée, il est évident que l’argument de sécurité nationale pour les ports est non seulement acceptable, il devient impératif. Dans ce cas, l’administration GW qui a favorisé (ou laissé faire, selon le terme approprié) le rachat est prise à sa propre contradiction : entre son hyper-libéralisme économique qui autorise tout et sa définition du terrorisme qui conduit évidemment à contrôler à peu près tout.
Dans tous les cas, le résultat pour l’Amérique est un “néo-protectionnisme” de désordre, qui se mélange avec diverses autres caractéristiques spécifiques aux USA (régulation et législation du droit des sociétés selon les incidents et l’air du temps, très fortes amendes pour de possibles infractions, imbroglios bureaucratiques, très forte discrimination vis-à-vis des non-US, encore plus avec la guerre contre la terreur, etc.). Le résultat est que les USA sont devenus un cauchemar pour le monde des affaires. Les USA, sans cesse acclamés pour être le parangon du business sont désormais perçus de l’extérieur, par les milieux d’affaires, comme un pays extraordinairement rétrograde pour le rythme du business à l’heure de la globalisation.
Ci-dessous, nous donnons un large extrait d’un article de The Independent du 26 février, avec ce titre : « Setting sail away from America: The world finds it's too hard to do business with the US. » L’article démarre sur des accusations de protectionnisme à propos de l’affaire des ports, mais la suite de l’article (ci-dessous) montre qu’il s’agit là, d’abord, d’un phénomène américain, bien plus complexe que le simple protectionnisme et effectivement caractérisé par le désordre des contraintes et des régulations:
« An Anglo-American treaty agreed in the wake of the 11 September terrorist attacks means prosecutors are no longer required to prove there is a case to answer in order to secure an extradition. It has been used as many times to pursue white-collar suspects as it has terrorists — and only the UK has ratified it. The treaty has been used not only against the three bankers but also the 62-year-old former chief executive of taxi maker Morgan Crucible. Ian Norris faces extradition to answer charges over alleged price fixing.
» Douglas McNabb, the Texan lawyer who appeared as an expert witness for the defence at the NatWest hearing, says that law-abiding businessmen have much to lose if they are wrongly accused. “Maybe the US is wrong and you have to go through the whole process to prove it. My view is that in order to have a chance of winning an international extradition case, you have to have counsel from both countries, and you have to have a lot of money.”
» It is not just law enforcement agencies in the US that are reaching across the seas, but US financial regulators too. Foreign businesses with American shareholders have become subject to the provisions of the onerous Sarbanes-Oxley legislation pushed through after the collapse of Enron. This demands that executives take legal responsibility for the accuracy of their financial results, and insists on upgraded audit procedures that are estimated to cost a minimum $1m per year. Bigger companies with significant operations in the US just have to grin and bear it — BP said it was spending $100m a year on Sarbanes-Oxley compliance — but others have decided to ditch their US shareholders.
» In the UK, ITV has engineered a complex financial restructuring to that effect and O2 and Rank have delisted their shares from Wall Street. French media giant Vivendi Universal is doing the same and Mexican and Israeli companies are among dozens to have retrenched to their home stock markets. This is a trickle that is likely to turn into a deluge. Delisted companies currently remain subject to the reporting rules of Sarbanes-Oxley if they have over 300 US shareholders, so the saving might seem negligible. But US regulator the Securities and Exchange Commission is proposing to ease that rule. BT is among the UK companies to have signalled it would like to delist from the US if it can also escape the clutches of Sarbanes-Oxley.
» As significant are the companies that are not now coming to Wall Street at all. Clara Furse, chief executive of the London Stock Exchange, says it has benefited as international companies choose to list in London instead — both on the main market and on AIM, which is attracting growth companies that might once have been Nasdaq bound.
» In the insurance industry, the US is demanding that foreign-owned reinsurers deposit big sums in a trust fund to compensate US partners should they fail. This was slammed last week by Lloyd's of London chairman Lord Levene as discriminatory and totally unacceptable.
» Perceived discrimination in other areas might also damage America's economic future. The head of chip maker Intel, Craig Barrett, has complained repeatedly that the US is losing out on international talent because of the tightening of immigration laws after 9/11, which led to lots of hi-tech engineers losing their work permits. Intel, Microsoft and others are channelling investment into India that might otherwise have stayed in the US.
» The issue flared up again last week when a prominent Indian scientist was refused a visa for the US because of concern that his work had chemical weapons applications. The case of Goverdhan Mehta, who is president of the International Council for Science, a Paris-based group of national scientific academies, has caused a storm in India. Mr Reinsch says the Mehta case is another blow to the US's attempts to attract the world's best scientists. Meanwhile, Tony Blair has been moved to warn US politicians not to use the war on terror as “a back door route to protectionism”. And the NatWest Three ruling prompted Sir Digby Jones, director-general of the CBI, to call the US “an ignorant bully”. »