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272402 octobre 2015 – En un sens, on avancera que les Russes ont manœuvré de main de maître, qu’ils se sont installés au Moyen-Orient d’une façon d’où ils peuvent, selon leur choix, envisager une position hégémonique ou une position de régulateur de la situation, bref une position qui ferait que rien de sérieux ne se passerait dans cette région sans leur aval, sinon leur soutien, et que toute tentative qui irait contre les règles qu’ils veulent faire respecter aurait toutes les chances de se heurter à de très sérieuses difficultés. D’autre part, la coalition en cours d’organisation est en train de prendre très vite son rythme de croisière avec l’arrivée de troupes iraniennes en Syrie, aux côtés des forces syriennes et du Hezbollah, et peut-être même avec l’adjonction de forces irakiennes. (La coalition Iran-Irak-Russie-Syrie + Hezbollah est ainsi très rapidement mise en action, avec tous les acteurs montrant une réelle volonté opérationnelle d’intervenir dans la bataille d’une façon très organisée, – en complet contraste avec la “coalition“ réunissant on ne sait combien de dizaines de pays rameutés par les USA pour donner au moins le statut du nombre à défaut d’efficacité et d’engagement.)
Nous ne disons pas que cela résout pour l’instant aucun des problèmes de cette région ni ne contient le désordre en aucune façon mais cela fixe une nouvelle situation qui dégage une vérité de situation du moment présent. Pour autant, en contradiction avec ces données nouvelles extrêmement favorables aux Russes, nous croyons que les Russes n’ont aucune chance d’arriver à leurs fins, – nous ne disons pas “gagner”, de même que nous ne parlons pas de “perdre” s’ils n’arrivaient effectivement pas à leurs fins. L’enjeu ne se définit par en termes de “victoire” ou de “défaite” (des Russes en l’occurrence), mais en termes de poursuite ou non de la pente catastrophique que connaît la région, comme de la situation générale du monde.
L’illustration de ce propos que nous allons tenter de justifier plus loin, on peut la trouver par exemple dans une déclaration du président de la commission des affaires étrangères du Conseil de la Fédération de Russie (Chambre haute du Parlement), Konstantin Kossatchev, faite à propos du comportement des pays du bloc BAO par rapport aux opérations entreprises par les Russes en Syrie. (Le 1er octobre 2015 sur Sputnik–français.)
« Face aux djihadistes, l'Occident préférerait perdre la Syrie et même d'autres pays de la région plutôt que de soutenir la politique de Moscou, estime un parlementaire russe. L'attention du monde entier est aujourd'hui portée sur la Syrie et à la Russie, seul pays capable de désamorcer la crise syrienne, a estimé jeudi Konstantin Kossatchev... [...] “Du moment que l'armée syrienne est la seule structure armée qui mène au sol le combat contre l'Etat islamique, l'unique variante efficace d'utilisation de l'aviation dans cette guerre passe par la concertation d'actions entre ‘terre’ et ‘ciel’, soit par la coordination avec l'armée syrienne”... [...]
» [L]a Russie est le seul pays prêt à une telle coordination et [qui la] réalise déjà. “C'est l'unique chance pour réussir l'opération, [...] cependant que l'Occident a déjà lancé une véritable guerre de l'information contre la Russie.” Selon le sénateur, tout porte à croire que l'Occident ne peut supporter l'idée même de succès qui soit associé à la Russie. “[Ils préfèrent] perdre la Syrie et même d'autres pays de la région face aux islamistes plutôt que de soutenir la Russie, du moins ne pas l'empêcher d'accomplir une tâche commune et très importante pour l'ensemble de l'humanité...” »
Ces observations ne sont nullement théoriques, comme on a pu s’en apercevoir dès la premières heures après l’annonce des premières attaques russes en Syrie. Il est apparu que, dès que les frappes russes commençaient, un déluge de communication a aussitôt été déclenché, avec une extraordinaire violence et, selon nous, sans le moindre besoin de préparation ni de coordination, nous dirions comme allant de soi et conduit par une psychologie à mesure, déjà prête pour une telle offensive, toujours prête pour une telle offensive comme si elle était conformée et formatée dans ce sens depuis déjà de nombreuses années...
... Ce déluge de communication pour aussitôt nous préciser : 1) que les Russes n’attaquent par Daesh mais les rebelles modérés armés par les USA et qui combattent Assad... Quels rebelles “modéré” au fait ? Récemment le général commandant CENTCOM nous faisait remarquer un peu piteusement qu’il y avait 4 à 5 rebelles “modérés” qui se battaient effectivement, et plus récemment encore on apprenait qu’une unité constituée de modérés, la première sans doute du genre, la “division 30”, avait été engagée au combat (contre Assad) d’une manière extrêmement originale, – en passant aussitôt aux extrémistes djihadistes avec armes et bagages, cette information du Daily Telegraph aussitôt confirmée par le Pentagone. (D’une certaine façon cela rejoint l’inversion courante des narrative-Système, cela tend à confirmer les affirmations antirusses puisque peut-être bien qu’une des attaques a touché des éléments de la “division 30”, désormais unité active des forces djihadistes...)
Daniel McAdams, du Ron Paul Institute for Peace, le 1er octobre 2015 :
« Rather than welcoming Russian efforts against ISIS and al-Qaeda, the US claims that unless Russia also focuses on removing the Assad government from power its efforts are “doomed to failure.” The US claims to be concerned that the Russians are attacking the “moderate” Syrian rebels trained by the United States – but even US generals have admitted that group consists of a grand total of four or five individuals. So it's hard to understand the sudden concern. Each new batch of “moderates” the US churns out seems to defect to al-Qaeda or ISIS within minutes of deployment in Syria. »
... Ce déluge de communication pour également nous affirmer 2) que les frappes russes avaient déjà fait un certain nombre de victimes civiles qui les rendaient inacceptables du point de vue humanitariste, comme c’est toujours le cas dans cette sorte de circonstances, – les exemples dans ce sens abondent, comme on le sait. Poutine, commentant cette annonce, a observé qu’elle avait été faite avant même que les frappes russes aient eu lieu. Mais qui peut avoir confiance en un seul mot de Poutine et même dans sa montre qui répond à la même perversité de la tromperie venue du KGB, alors que les informations sur les pertes civiles viennent de “sources” non identifiées sinon de nulle part finalement, et donc d’une crédibilité sans limite (comment voulez-vous prendre “nulle part” en défaut ?).
On eut même le témoignage d’un docteur, habitant Homs et qui entend garder l’anonymat contre toute tentative d’assassinat de Poutine lui-même, nous annoncer que depuis 5 ans qu’il se trouvait où il se trouvait, et à propos d’une attaque russe,
« nous avons été confrontés à toutes les armes et les attaques possibles pendant les 5 dernières années, mais ce qui est arrivé aujourd’hui constitue absolument l’attaque la plus violente, la plus féroce et la plus vicieuse à laquelle ait été confrontée la région du Nord de Homs »...
Ainsi, dès la première attaque, record du monde du bombardement abominable établi par les Russes, qui remplit d’horreur les tueurs de Daesh et les bombardiers de l’USAF eux-mêmes (interview d’un B-52 à ce propos). Conclusion, le cirque de la désinformation-narrative a repris à très grande vitesse, sans le moindre souci de la moindre vraisemblance, dans l’outrance la plus grotesque jusqu’à devenir caricature de soi-même, exactement comme une puissante machine remise en marche avec quelques turbos de plus au cul pour qu’elle puisse foncer en aveugle. Plus aucun intérêt n’est accordé à la moindre vraisemblance de ces accusations, dont on sent bien que les producteurs agissent dans un état d’automatisme complet qui les dispense de la moindre question d’eux-mêmes à eux-mêmes.
Par contre, il y a une partie non négligeable de commentateurs et d’acteurs de haut niveau dans les pays du bloc BAO, y compris des autorités officielles, qui jugent qu’il faut coopérer avec les Russes, que leur intervention a de fortes chances d’être efficaces. (De même, on signale à Bruxelles que de très fortes pressions venues d’un certain nombre de pays s’exercent pour amorcer un mouvement de réduction, sinon de suppression des sanctions-UE prises contre la Russie à propos de l’Ukraine.) Mais que valent leur avis raisonnables comparés à la vague d’accusations qu’on décrit et qui, à l’occasion d’ailleurs, est accréditée par un porte-parole ou l’autre (surtout celui de la Maison-Blanche où Obama n’a qu’une crainte, celle de passer pour une “poule mouillée” [a whimp] qui a cédé aux Russes, – voilà à peu près à quoi se résume sa politique de communication, ou disons mieux la communication qui lui sert de politique)... Cette vague d’accusations qui, à l’occasion, est accréditée par ceux-là même qui, un ou deux jours auparavant, plaidaient pour la coopération avec les Russes ?
Ce qui compte dans ce cas, c’est le “bruit de fond” créé par une multitude d’articles, de déclarations, d’autant plus efficaces qu’elles sont infondées et que leurs auteurs sont de parfaits inconnus, scribouillards de la presse-Système et experts sortis de nulle part en quête d’une bonne carrière, d’autant plus efficaces qu’ils sont totalement incultes dans les domaines traités et n’hésitent pas à affirmer avec force des invraisemblances dont ils sont totalement incapables d’apprécier la fausseté, à présenter des photos de victimes civiles datant d’une semaine avant les frappes russes (cas d’une photo montrant un enfant tué par les Russes, un des premiers documents sur les “atrocités russes”, rapidement retrouvée comme ayant été publiée le 25 septembre, cinq jours avant les premières frappes russes). La règle d’or est que plus l’on est inculte, plus on affirme avec force, autorité et certitude, comme on avance (comme disait Audiard relayé par Onfray et mis au goût du jour : “Les cons incultes ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît”). Ce “bruit de fond” est de ce type qui, effectivement, engage ceux qui plaident pour une coopération avec les Russes à revenir par instant sur leurs déclarations pour dénoncer la sauvagerie des Russes, avant de revenir à leur première attitude de la nécessité raisonnable de coopérer. C’est dire si, malgré tous ces avis, malgré un incontestable mouvement chez les officiels et élites-Système de rapprochement avec la Russie, de tentative d’arrangement en Ukraine, de soutien à l’initiative militaire russe en Syrie, et tout cela notamment dans divers pays importants (France, Allemagne, USA, etc.), c’est dire si nous estimons que ce fameux “bruit de fond” a de très fortes chances de garder sa prééminence et d’orienter, et de réorienter constamment la politique vers l’hostilité antirusse...
Pour la période actuelle disons de l’après-Guerre froide et surtout depuis 9/11, depuis des mois maintenant, depuis des années même, depuis 2011-2012, peut-être même depuis 2008 (la guerre contre la Géorgie), se poursuit le débat sur l’attitude de l’Ouest, devenu bloc BAO dans notre jargon, vis-à-vis de la Russie. En général, on peut résumer ce débat avec la question provocante du “Pourquoi l’Occident haït-elle la Russie” ? Il y a des variantes, certaines extrêmes et qui ne sont pas infondées, comme l’idée même que l’Ouest (le bloc BAO) cherche purement et simplement la destruction de la Russie. Nous avons souvent abordé ce thème, surtout depuis la crise ukrainienne, – parmi les nombreux textes on cite celui du 10 juillet 2014 au titre évocateur (« Russia delenda est ») et celui du 3 mars 2014 placé en second malgré la chronologie parce qu’il nous permet de rappeler la citation de Leonid Chebarchine, ancien chef des services de renseignement extérieur de la Russie : « L’Ouest ne veut qu’une seule chose de la Russie : que la Russie cesse d’exister. »
L’histoire a été explorée pour expliquer cette russophobie (voir Guy Mettan, Russie-Occident, une guerre de mille ans dont nous parlons dans un texte du 20 mai 2015, avec une interview de Mettan). Nous émettions déjà certaines réserves sur la présentation de la russophobie dans l’histoire comme un phénomène exceptionnel, et notre avis, après réflexion, ne peut être que renforcée. Il existe entre les vieilles nations d’Europe, mais aussi avec les nouveaux-venus comme les USA, des courants de phobies d’une puissance extraordinaire, qui valent bien la russophobie dans l’Histoire ; les relations entre la France et l’Angleterre ou entre la France et l’Allemagne, montrent des phobies durables sur des siècles, marquées par des conflits plus sanglants que ceux que l’on eut avec la Russie, et qui valent bien en intensité la russophobie historique.
Il est vrai pourtant qu’il existe aujourd’hui une russophobie particulièrement intense, mais plus que cela, – automatisée, absolument indestructible, complètement étrangère à la raison, à la logique et à l’argument, presque comme la production d’un immense cerveau collectif uniquement orienté vers ce sentiment, sans délibération possible, hors de toute raison nécessaire, – une espèce d’affectivisme glacé, débarrassé paradoxalement de toute espèce de sentiment dont certains pourraient conduire à des nuances, et qui ne tient absolument aucun compte des comportements, des vices et des vertus de l’objet de cette phobie.
C’est cela que nous esquissions dans un texte qui du 14 mai 2015 qui suivait la rencontre de Sotchi entre John Kerry et Poutine :
« Plus encore, nous pensons que le cas est d’autant plus puissant que cette “russophobie” dont nous parlons est d’une substance très particulière, dépassant les explications historiques qu’on peut avancer, d’une substance particulièrement insaisissable parce qu’elle ne peut s’expliquer rationnellement, – même par des constats d’irrationalité qui seraient identifiés et examinés rationnellement. Il existe, pour pousser à décrire cette russophobie plutôt comme une sorte d’affectivisme extrême que comme un sentiment structuré par des faits et des jugements, une sorte de pression permanente organisant une paralysie inconsciente de l’esprit, instituant des bornes dans les constats, imposant à nos psychologies épuisées un filtre qui leur interdit certaines perceptions. La puissance de cette russophobie est une mesure de l’épuisement de notre civilisation : nous haïssons d’autant plus la Russie (et Poutine) que leur résistance (celle de la Russie et de Poutine) met en évidence la vanité des arguments civilisationnels qui devraient les convertir ou les balayer ; et cette vanité de nos arguments civilisationnels est l’exacte mesure de l’épuisement de notre civilisation qui ne peut se satisfaire de ce qu’elle est que si rien ne lui résiste explicitement ; parce que tout ce qui lui résiste explicitement est un miroir qui mesure son prodigieux effondrement (de notre civilisation). Cette posture est absolument imposée par un Système qui nous domine, qui ne peut désormais plus rien tolérer qui soit différent de lui, parce qu’aussitôt identifié comme résistance sans compromis. »
On voit bien vers où nous nous dirigions dans cet extrait, et nous continuons plus que jamais dans cette voie pour exprimer l’extraordinaire situation actuelle de ce sentiment antirusse, cette pseudo-“russophobie” qui tient emprisonnées toutes les psychologies de nos élites-Système, et qui est aujourd’hui l’objet d’un terrible affrontement avec la vérité de la situation ; cette extraordinaire situation où l’on voit et entend le même personnage, à deux ou trois jours d’intervalle, dire que la Russie est haïssable dans toutes ses actions et qu’on ne peut rien faire avec elle, puis, deux ou trois jours plus tard, qu’il faut envisager de coopérer avec la Russie parce que certaines de ses actions peuvent sans aucun doute apporter des améliorations incontestables, avant de retomber dans la pseudo-phobie deux ou trois jours plus tard. Bien sûr, il y a les hystériques, les malades, les “crétins” (mot à l’emploi noble puisqu’employé par Onfray pour qualifier Valls), à qui l’on ne peut rien demander et donc rien reprocher, – les imbéciles hystériques bloqués dans leur univers, desquels il n’y a rien à attendre. Nous parlons plutôt de ceux qui nuancent leurs discours vis-à-vis de la Russie, qui envisagent des compromis, voire des rapprochements, qui sont de plus en plus nombreux et qui, pourtant, ne se débarrassent pas complètement de retours sur cette pseudo-“russophobie” et semblent impuissants à faire évoluer l’entièreté de la politique vers un arrangement vers la Russie alors que toute la logique de la situation y pousse.
Ce que nous suggérions dans l’extrait cité plus haut est effectivement qu’il n’est pas question de “russophobie” mais bien d’une fantastique frustration qui affecte les psychologies-Système essentiellement dans le chef des élites-Système des pays du bloc BAO, devant l’évidence catastrophique de la production par le Système de politiques viciées, contre-productives, effectivement catastrophiques. Cette évidence contient évidemment une mise en cause de tous les composants, de toutes les capacités, de toutes les vertus, – bref, de tous les fondements du Système. Il se trouve que c’est la Russie avec sa politique, avec sa résistance et son affirmation nationale, avec également sa puissance fondée sur l’arsenal nucléaire stratégique qui la rend directement intouchable, qui est encore plus le symbole que la force qui s’oppose au Système (cette nuance parce que la Russie ne déploie pas toute sa force contre le Système parce qu’elle est, comme on l’a déjà souvent dit, en partie dans le Système, “un pied en-dehors, un pied en-dedans”). Étant le symbole de la résistance au Système, la Russie devient surtout le miroir où le Système peut effectivement contempler ce qui pourrait bien être son échec, sa surpuissance se transformant en autodestruction, et par conséquent elle (la Russie) devient absolument haïssable non pas parce qu’elle est la Russie mais parce qu’elle est une vérité de situation qui prouve que le Système est mortel, que le Système est en crise contre lui-même, que la surpuissance du système recèle effectivement son autodestruction.
Dans cette attitude jouent à fond les deux caractères que nous avons identifiés, de la psychologie américaniste d’abord puis de la psychologie-Système selon notre évolution, – inculpabilité et indéfectibilité, dont nous parlons dans divers textes et notamment dans celui du 7 mai 2011 : l’inculpabilité est le sentiment qu’on ne peut être coupable en rien de ce nous faisons, l’indéfectibilité le sentiment que nous ne pouvons être vaincu en aucune façon, et ceci expliquant cela certes. Dans le texte cité, nous affections ces deux traits psychologiques à l’américanisme, mais en en faisant monter la filiation au Système lui-même, si bien que ces deux traits affectent sans aucun doute toutes les psychologies touchées par le Système :
«... Par conséquent, il nous apparaît très probable que ces caractères monstrueux de la psychologie américaniste (inculpabilité et indéfectibilité) sont en réalité des caractères directement issus du Système, et imposés au ‘sapiens’ par le Système. Ils ont été instillés dans la psychologie américaniste avec d’autant plus de succès que cette psychologie ne disposait d’aucune défense sérieuse, notamment contre le “persiflage” qui permit l’ouverture de la psychologie à son invasion par les travers du dehors. Notre appréciation de plus en plus renforcée est que ces traits psychologiques ne sont pas la dégénérescence ou une évolution maligne de traits normaux, mais des traits psychologiques spécifiques formés à partir du Système, qu’il est impossible de modifier. Ni l’expérience ni, bien entendu, la réalité n’ont aucune espèce d’effet sur eux ; ils restent et resteront ce qu’ils sont, induisant de plus en plus dans l’erreur ceux qui en sont affectés, les dirigeants américanistes, à mesure que la puissance US s’effondrera et rendra à son tour, dans une sorte de cercle vicieux, ces mêmes traits d’autant plus insupportables et producteurs d’erreurs catastrophiques. Ils sont la garantie que l’effacement et l’effondrement américanistes ne peuvent en aucun cas se dérouler dans un certain ordre, un certain rangement, mais qu’ils seront au contraire un ébranlement majeur et catastrophique, et peut-être décisif pour l’ensemble du Système. »
Cette situation psychologique que l’on décrivait en 2011 n’a fait que s’accentuer, et au profit du Système (les deux caractères décrits étant de plus en plus des caractères d’une psychologie-Système et non plus seulement ceux de la psychologie de l’américanisme). De même, ce qui est était dit de l’Amérique vaut de plus en plus pour le Système dans son entièreté bien entendu, avec toujours l’Amérique en son centre. Quant aux deux caractères de la psychologie, nous élargirions notre propos en disant que s’« ils restent et resteront ce qu’ils sont », ce ne peut être qu’à l’intérieur du Système ; comme la crise du Système est en ce moment en pleine évolution d’effondrement, ces caractères deviennent de plus en plus conflictuels dans les psychologies qui sont de plus en plus confrontées à des vérités de situation qui leur signalent l’existence d’une réalité hors du Système et contre le Système, – et l’attitude vis-à-vis de la Russie est le champ d’expérimentation évident et très puissant de cette sorte d’affrontement, puisqu’on y trouve tant de signes 1) que nous pourrions bien être coupables dans nombre d’occurrences que fait surgir ce conflit ; et 2) qu’il n’est pas du tout assuré, mais alors pas du tout, que nous l’emportions dans l’espèce d’affrontement “hybride” (le qualificatif est bienvenu) qui nous oppose à la Russie.
Lorsque nous disons (voir plus haut) que, dans le cas examiné actuellement (la crise syrienne et autour d’elle), “nous estimons que ce fameux ‘bruit de fond’ a de très fortes chances de garder sa prééminence et d’orienter, et de réorienter constamment la politique vers l’hostilité antirusse” (ce “bruit de fond” étant le produit de l’inculpabilité et l’indéfectibilité), nous parlons évidemment de cette seule situation présente, de la séquence en cours. Une rupture n’est pourtant pas exclue (le “très fortes chances” l’implique) puisque, de toutes les façons, cette rupture viendra à un moment ou l’autre, lorsque l’autodestruction l’emportera définitivement sur la surpuissance dans le chef du Système. Ce que nous voulons dire, c’et que, dans l’état actuel des forces et des “systèmes” en présence, aucune entente n’est possible, ni aucun arrangement avec la Russie ; par contre, ce qui est tout de même possible, c’est que la démonstration que la Russie est en train de faire en Syrie accélère dramatiquement l’effondrement du Système en accentuant sa poussée d’autodestruction, ou disons la rapidité de transformation de sa surpuissance en autodestruction par la destruction en cours des structures que le Système a édifiées, sans comprendre le paradoxe mortel, pour poursuivre son travail de déstructuration (sans comprendre que cette poussée déstructurante se retournerait contre lui, c’est-à-dire contre ses propres structures). On a assez d’exemples en cours de processus de déstructuration-dissolution de structures du Système (CENTCOM, la politique de sécurité nationale des USA, la cohésion de l’UE, éventuellement comme on l’a vu hier les traités TPP-TTIP-TiSA)...
Tout cela, certes, pour situer l’enjeu de la crise en cours, qui va bien au-delà de la question de l’hégémonie au Moyen-Orient ou de la question de la multipolarité contre l’unipolarité. C’est d’ailleurs le cas aujourd’hui : aucune activité crisique (c’est-à-dire une nouvelle crise, ou une crise déjà formée mais en phase d’apaisement et qui s’éveille en une nouvelle éruption) n’échappe à cette fonction cruciale d’être porteuse d’une potentialité de rupture décisive dans la crise d’effondrement du Système.
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