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1209L’un des slogans les plus efficaces du mouvement Occupy Wall Street (OWS), l’un des plus expressifs lorsqu’on en sait le contenu, est bien “We Are The 99 percent”. (Référence aux décomptes habituels qui donnent une énorme part de la fortune privée US à 1% de la population, les 99% restants se partageant les miettes.) Un site We Are the 99% (lien à WeAreThe99percent.com) a été ouvert, directement lié aux deux autres sites du mouvement (OccupyWallSt.org et Occupytogether.org), en même temps que le mouvement OWS était lancé. C’est le site War In Context, de Paul Woodward, qui a attiré notre attention sur We Are The 99%, le 5 octobre 2011
Le site explique notamment, dans sa présentation : « Who are we? Well, who are you? If you’re reading this, there’s a 99 percent chance that you’re one of us.
»You’re someone who doesn’t know whether there’s going to be enough money to make this month’s rent. You’re someone who gets sick and toughs it out because you’ll never afford the hospital bills. You’re someone who’s trying to move a mountain of debt that never seems to get any smaller no matter how hard you try. You do all the things you’re supposed to do. You buy store brands. You get a second job. You take classes to improve your skills. But it’s not enough. It’s never enough. The anxiety, the frustration, the powerlessness is still there, hovering like a storm crow. Every month you make it is a victory, but a Pyrrhic one — once you’re over the hump, all you can do is think about the next one and how much harder it’s all going to be.
»They say it’s because you’re lazy. They say it’s because you make poor choices. They say it’s because you’re spoiled. If you’d only apply yourself a little more, worked a little harder, planned a little better, things would go well for you. Why do you need more help? Haven’t they helped you enough? They say you have no one to blame but yourself. They say it’s all your fault.
»They are the 1 percent. They are the banks, the mortgage industry, the insurance industry. They are the important ones. They need help and get bailed out and are praised as job creators. We need help and get nothing and are called entitled. We live in a society made for them, not for us. It’s their world, not ours. If we’re lucky, they’ll let us work in it so long as we don’t question the extent of their charity.
»We are the 99 percent. We are everyone else. And we will no longer be silent. It’s time the 1 percent got to know us a little better. On Sept. 17, 2011, the 99 percent will converge on Wall Street to let the 1 percent know just how frustrated they are with living in a world made for someone else. Let us know why you’ll be there. Let us know how you are the 99 percent.»
Le site présente notamment, sur sa page d’accueil, une longue chaîne de photos, les unes sous les autres, représentant chacune une personne avec une pancarte où la personne a détaillé sa situation, – comme on en trouve dans les manifestations US du temps présent. Cette lecture est particulièrement émouvante, sinon bouleversante. Elle nous met en face de la réalité américaine à cause du système de l’américanisme. Elle nous fait mesurer combien l’Amérique est en train de devenir vraiment un pays du Tiers-Monde, avec sa paupérisation, sa clochardisation, etc. ; mais, sans aucun doute, un pays du Tiers-Monde avec une situation aggravée jusqu’à l’irrémédiable, avec la différence que la pauvreté y est encore plus insupportable, indigne, à la fois vécue comme un calvaire et comme une faute capitale. Le pauvre essentiellement non-US vit sa pauvreté comme une malédiction, une fatalité ou une malchance, enfin quelque chose où l’élément extérieur à lui est important, où sa responsabilité n’est pas engagée d’une façon oppressante ; le pauvre US vit sa pauvreté comme une punition et une condamnation de lui-même, complètement mise au passif de sa responsabilité individuelle, absolument oppressante, quelque chose qui le détruit psychologiquement et spirituellement autant que matériellement et physiquement. D'autre part, la rapidité avec laquelle on chute dans la pauvreté, à cause de la fragilité inhérente des structures du pays constamment minées par le capitalisme, aggrave la souffrance et la destruction spirituelle.
Détaillant un instant ce site, qui donne soudain toute son essence jusqu’alors informe au mouvement Occupy Wall Street, c’est-à-dire sa légitimité, nous revient une remarque d'Immanuel Wallerstein, qui nous avait arrêté le temps de quelques mots, et qui en mérite plus. Nous avions noté ceci (en gras, le jugement que nous mettons en évidence) : «Quant aux options qu’il [Wallerstein] semble proposer, entre ce qui serait une sorte de néo-socialisme réussi et quelque chose de “pire que le capitalisme” (il nous paraît difficile de trouver quelque chose de “pire” qu’un système, – l’actuel, – qui détruit le monde)…» C’est effectivement cette idée qu’il nous paraît utile de développer et d’affirmer beaucoup plus fortement, cela venu à notre esprit en voyant ces “99%” et en réalisant la dévastation économique, sociale, psychologique et humaine qu’engendre le capitalisme dans le pays où il est appliqué de la façon la plus “pure”, “la plus capitaliste” si l’on veut.
Le fait est que la logique du capitalisme, parfait instrument et parfait reflet dans les domaines économique et financier mais aussi dans beaucoup d’autres domaines comme la culture et la psychologie, du Système et du “déchaînement de la matière”, développe une dynamique de surpuissance avec des logiques monopolistiques, corruptrices, déstructurantes, prédatrices de toutes les conditions identitaires et des équilibres naturels, recherchant l’entropie économique, sociale et psychologique, l’isolement de l’individu des structures de civilisation (individualisme), la destruction des équilibres naturels, de l'environnement qui n'est pas conçu pour l'exploitation et le profit, etc. De toutes les façons qu’on observe le phénomène, il rejoint la machinerie et la fatalité du Système, c’est-à-dire le binôme surpuissance-autodestruction, passant par la destruction des valeurs pérennes et structurantes (légitimité, hiérarchie fondée sur la tradition et le mérite, etc.). Le capitalisme n’est pas un accident de l’Histoire, ou une monstruosité de l’Histoire ; c’est un processus logique de pervertissement absolu de l’Histoire, qui est directement lié et “naturellement” produit par le phénomène du “déchaînement de la matière” et son organisation dans le Système, donc un processus directement antagoniste et prédateur de l’Histoire et de la civilisation. C’est l’activité économique fondamentale de l’anti-Histoire et de la logique de mort du “déchaînement de la matière”. Quelles que soient les phases heureuses qu’on peut lui trouver comme s’activent à en débusquer les historiens-économistes, elles ne sont que transitoires et souvent dues à d’autres facteurs, tandis que la phrase actuelle représente manifestement, par la répartition des pouvoirs et la “rentabilité” du système, la destruction de l’équilibre de l’univers au profit totalitaire de “la production de profit”, l’achèvement du capitalisme.
Le capitalisme ne peut être jugé en termes économiques, statistiques, etc., mais en termes spirituels de civilisation. Alors, nous ne voyons rien qui puisse être pire. Même la “loi de la jungle”, qui est souvent présentée comme alternative du pire, ou comme une description du capitalisme extrême (le seul qui soit représentatif du phénomène) par ses adversaires, nous paraît répondre à des besoins d’équilibre naturels évidemment beaucoup plus positifs que les caractère du capitalisme. Le capitalisme représente l’extériorisation prédatrice de la “barbarie intérieure” définie par Jean-François Matteï dans son livre éponyme, et il est en plus, par son mariage absolument inviolable avec les systèmes du technologisme et de la communication, une des facettes les plus scintillantes du “déchaînement de la matière”.
Mis en ligne le 6 octobre 2011 à 17H35
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