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5511Deux mois à peine après l’identification du virus Sars-CoV-2, de très nombreuses équipes se sont lancées en Chine, en Europe et aux Usa pour trouver une solution vaccinale à l’épidémie. Actuellement, plus de cent vaccins potentiels sont en cours de développement et cinq d’entre eux sont au stade d’essai clinique en phase dite une. Or les facteurs qui gouvernent la physionomie de l’épidémie sont toujours en cours d’évaluation.
La question essentielle de l’acquisition d’une immunité par la maladie n’est pas tranchée. Si toutefois elle était conférée par une forme clinique apparente ou on, celle de sa durée importe également.
Un travail épidémiologique avait été mené sur les rhumes saisonniers, conduit depuis l’automne 2016 jusqu’à 2018 par une équipe de l’université Columbia de Manhattan. Le but en était d’établir une cartographie des virus respiratoires bénins, les symptômes et la durée de l’immunité acquise une fois l’épisode infectieux terminé. On a suivi des écoliers, des enseignants et des travailleurs aux urgences médicales. Il leur était demandé de noter les épisodes de d’éternuements et de maux de gorge. Les prélèvements par écouvillonnage dans l’oropharynx ont recherché 4 coronavirus saisonniers qui circulent largement dans la population. Les résultats montrent que l’on peut se faire réinfecter plusieurs fois, dans certains cas au cours de la même année, par le même virus. Douze volontaires parmi les 191 de l’étude ont eu une infestation avec manifestations cliniques 2 à 3 fois par le même coronavirus. Il en a été conclu que l’immunité conférée n’était pas durable, contrastant avec celle acquise pratiquement à vie par la rougeole et la varicelle. Cette étude portant sur des virus peu agressifs n’est pas anecdotique car elle renseigne sur des ‘stratégies’ virales empruntées pour continuer à circuler. Ils ne suscitent pas des réactions immunitaires neutralisantes. Il importe donc de le considérer et de tempérer les anticipations faites sur une hypothétique immunité de groupe.
Des cas isolés de réinfection authentique par le Sars-CoV-2 chez le même patient sont rapportés. Tel celui d’une jeune femme australienne autorisée à retourner chez elle après une hospitalisation pour COVID-19. Elle a été réadmise en réanimation après négativation de son test RT-PCR et plus de 72 heures passées sans symptômes.
En Corée du Sud, 111 patients ont été trouvés positifs au virus par TR-PCR après leur guérison clinique et biologique alors qu’ils étaient encore en quarantaine, conduisant à l’hypothèse d’une réactivation du virus plutôt qu’une réinfection.
Dans la province de Guangdong le suivi de 262 patients COVID-19 a montré que 14 jours après leur guérison, 15% étaient positifs au virus. Ce groupe se caractérise par un âge inférieur à 14 ans et une présentation clinique initiale modérée. Ici, l’hypothèse considérée était plutôt la possibilité d’un portage chronique. Dans les deux séries, il a été envisagé que les tests se positivaient pour des fragments d’ARN ne constituant pas des particules virales infectantes. Une dernière éventualité a été d’interpréter les cas troublants de ‘réactivation’ par la persistance du virus dans un compartiment de l’organisme jouissant d’un privilège immun comme le cerveau, l’œil ou les organes de reproduction, par analogie avec le virus de l’herpès qui reste quiescent dans le système nerveux et réapparait dans certaines situations.
En contre-point de ces particularités du Sars-CoV-2 qui font craindre que la maladie ne soit pas immunisante, le traitement avec succès de malades graves par du plasma de sujets guéris est encourageant. Les premières tentatives ont été faites en février sur des patients COVID-19 gravement atteints à Shanghai. En mars, 11 patients étasuniens ont bénéficié de ce type de thérapie assez lourde à mettre en œuvre et qui nécessite des dons de volontaires guéris. Cela prouve bien que la maladie peut générer des anticorps protecteurs.
Par ailleurs, il avait été montré que le SARS de 2002-2003 conférait une immunité humorale solide qui décline la troisième année.
Six années après l ‘épidémie, il est apparu que les cellules mémoire responsables de la fabrication des anticorps avaient disparu de la circulation périphérique chez les patients guéris de la maladie.
L’autre question s’adresse à la biologie du virus et sa saisonnalité. Est-il transmissible par haute température ambiante et par temps sec ? Les rayons UV solaires sont susceptibles de détruire le matériel génétique de virus que ne protège pas leur enveloppe de sorte que la longue rémanence virale sur des surfaces inertes est réduite sinon abolie. Une atmosphère très humide alourdit les particules d’aérosol chargées du virus qui se précipitent au sol selon la gravitation universelle au lieu de rester en suspension dans l’air et se faire inhaler.
Cette connaissance ne peut s’acquérir qu’empiriquement et ne peut être prédite à partir de ce que l’on sait du pathogène. Un papier datant du 9 mars relate l’influence de ces deux facteurs à partir de cas comparant 40 villes chinoises. Ce travail a permis de d’établir les R0 (nombre de personnes contaminables par un patient infecté) selon les conditions météorologiques des sites. L’augmentation d’un degré de la température ambiante abaisserait le R0 de 0,0225. Une hausse de 1% de l’humidité relative le réduirait de 0,0158.
Toutefois, la naissance et le développement de l’épidémie ont eu lieu en Asie du Sud Est dans des régions du monde où la température s’étageait entre 20 et 30 degrés. Il est alors préférable de ne pas se prononcer prématurément.
L’appréciation de l’immunité acquise par la population, au-delà des infections patentes diagnostiquées, est majeure pour déterminer l’allure que prendra l’épidémie.
Des tests sérologiques sont mis au point par des firmes privées et des laboratoires publics pour déterminer la présence d’anticorps spécifiques du Sars-CoV-2. La course effrénée vers un marché juteux mène à des effets aberrants et prouve la difficulté à réaliser un moyen de détection à fois sensible, spécifique, robuste et facile à mettre en œuvre pour être généralisé. En tous les cas, elle démontre qu’il faut un certain temps pour concevoir et réaliser ce type produit industriel. L’anecdote des kits chinois livrés aux Britanniques est là pour le rappeler.
Après que le public ait été inondé de littérature sur la recherche du virus et ses imperfections, le voici abreuvé d’annonces sur les techniques de mise en évidence d’une partie de la réponse immunitaire à un agent infectieux sous forme de protéines circulantes, les anticorps. En quelques semaines, plus de 180 centres universitaires, d’hôpitaux et de fabricants privés ont envoyé une notification à la FDA de leur intention de créer un test sérologique pour le COVID-19. Dans le contexte de l’urgence épidémique, la Food and Drug Administration a levé nombre de contraintes et de restrictions à la validation de ces tests. L’un des défauts fréquemment trouvé à ces tests est qu’ils discriminent mal le SARS-CoV-2 des coronavirus des rhumes saisonniers, donnant donc de faux positifs.
La prestigieuse revue Nature rapporte que la spécificité de certains kits commerciaux n’était que de 40% c’est-à-dire que 60% sont faussement positifs au Sars-Cov-2. La défaillance est d’autant plus grande quand il s’agit de tests à pratiquer avec un très petit échantillon sanguin prélevé au bout du doigt dans un environnement peu adapté. Il a fallu plusieurs années pour développer un test fiable pour l’HIV avec uns spécificité de 99% !
Ce préambule est nécessaire pour introduire la question vaccinale contre le Sars-CoV-2
Une saisonnalité trop courte décourage l’entreprise.
Les études cliniques d’un vaccin passent par une première phase où sont éprouvées une dizaine de sujets sains volontaires, la deuxième implique de tester une centaine et l’ultime des milliers. L’exposition de milliers de personnes en bonne santé à une vaccination puis à une maladie potentiellement grave mais que peuvent éviter quelques gestes barrière pendant une courte durée soulève une véritable question éthique. Le modèle animal préalable existe car la maladie a été reproduite chez le furet et des primates non humains dont certains macaques.
L’immunisation artificielle contre un virus ne saurait être meilleure que celle produite par la maladie elle-même au niveau de sa qualité et de sa durabilité. Si la période réfractaire ne dure que deux ans, l’utilité du vaccin est remise en cause.
On ne peut encore déterminer à ce jour si les anticorps induits par la maladie sont protecteurs ou majoritairement non neutralisants.
Les variations par mutation que connaît le virus peuvent entraver la réalisation d’un vaccin qui ne peut s’adresser qu’à des structures stables. La caractérisation de la diversité du génome du Sars-CoV-2 a été évaluée sur 7500 échantillons. Deux cents mutations récurrentes ont été repérées, montrant l’adaptation évolutive du virus chez l’homme.
Ce travail a montré que certaines parties du génome n’étaient pas affectées par les mutations qui sont un phénomène naturel et constant et c’est à elles qu’il faut s’adresser pour en faire des cibles de médicaments et de vaccins.
Un autre travail dirigé par la virologue qui a conseillé la mise en quarantaine de la province de Hubei penche pour l’existence de souches issues de mutations qui seraient plus agressives en culture cellulaire en se multipliant 270 fois plus rapidement que les souches plus ‘faibles’. D’après elle, la variabilité des souches infectantes peut expliquer les expressions cliniques diverses de la maladie et les taux de mortalité différents.
Pour l’heure, l’évidence clinique tendrait à prouver l’immuabilité de la transmission virale et de son agressivité. Les changements ne touchent pas les parties significatives qui affecteraient ces deux caractéristiques.
Le COVID-19 n’est pas la première pathologie respiratoire potentiellement grave provoquée par un coronavirus. Le SRAS apparu en 2002-2003 en Asie du Sud-Est était plus virulent induisant un taux de mortalité autour de 10%, (8000 cas recensés et 774 décès) bien supérieur à celui du Sars-CoV-2. Des travaux s’étaient attachés dès lors à essayer de produire des vaccins. Plusieurs types ont en effet été produits.
Deux ont été constitués de virus cultivés puis inactivés par plusieurs procédés chimiques et physiques, l’un des deux incorporant comme adjuvant l’hydroxyde d’aluminium. Une autre variété résulte de la synthèse développée chez un insecte de la protéine S qui permet l’attachement du virus aux cellules humaines. Une quatrième variété mime une particule virale à partir de la protéine S du SRAS, de l’enveloppe et de la membrane du virus de l’hépatite à corona de la souris. Tous ces vaccins ont induit des anticorps neutralisant chez la souris, l’aluminium exalte de façon significative la réponse en anticorps.
Des analyses ont été faites sur les poumons des animaux vaccinés deux jours après qu’ils aient été infectés par voie nasale. Elles ont porté sur la présence du virus et les lésions histopathologiques induites par l’infection. Comparés aux témoins, les vaccinés quel que soit la variété de vaccin ont beaucoup moins de virus in situ. En revanche, à des degrés divers on retrouve chez les souris vaccinées la présence anormale de cellules éosinophiles qui témoignent d’une réaction immunitaire péjorative. On peut noter que le vaccin qui provoque l’infiltrat le plus pauvre en éosinophiles est celui qui donne la réaction la moins intense en anticorps et qui laisse passe beaucoup de virus dans le poumon. Il s’agit du vaccin à base de la protéine de pointe synthétisée par un insecte à grâce à l’insertion de l’ADN codant pour cette fameuse protéine S, laquelle présente un haut degré d’homologie avec celle du Sars-CoV-2. Il importe de le souligner car de nombreuses équipes sont en train de travailler sur un vaccin contre le COVID-19 bâti sur ce modèle.
Ce travail est venu corroborer des résultats semblables au cours de travaux antérieurs. Une tentative de vaccination des furets par la protéine S de pointe du SRAS, réussie en terme de production d’anticorps, avait entraîné après leur infection par le virus une hépatite nécrosante d’allure immune car sans virus détectable au niveau du foie. Il avait été montré en 1981 que des anticorps acquis par des chats par transfert de plasma de chats immunisés au coronavirus de la péritonite féline avaient des effets facilitateurs de l’infection. Une fois exposés au virus, les chats ayant subi un transfert meurent plus rapidement dans un contexte de maladie immunologique plus qu’infectieuse.
La recherche d’un vaccin contre le SRAS en fut interrompue.
Il semble bien que nous soyons en présence d’une réaction hyperimmune analogue à celle vue chez les patients COVID-19 quand ils commencent à répondre de façon spécifique au virus vers le 10ème jour de la maladie, quand les titres en anticorps sont détectables.
Compte tenu des essais avortés chez l’animal pour le Sars-CoV en raison d’effets adverses, les autorités sanitaires doivent exiger plusieurs modèles animaux avec une garantie de résultats précliniques sérieux avant d’autoriser des essais chez l’homme.
En admettant l’hypothèse qu’un vaccin efficace ayant démontré son innocuité ait été trouvé sur la paillasse, la seule conception d’une plateforme technologique requiert des années. Les dispositifs architecturaux et les appareils pour développer des virus sur œuf embryonné sont bien différents de la production chez un insecte d’une protéine recombinante. La compétition internationale et les moyens financiers et humains colossaux à mettre en œuvre risque de favoriser non le meilleur candidat mais celui produit par le plus doté en ressources et le moins regardant en précautions à prendre pour assurer à la fois efficacité et innocuité.
Il est loin d’être improbable que nous ayons à vivre avec le virus sans possibilité de création d’un vaccin. Plus de trente ans après l’apparition de l’HIV, aucun vaccin n’est encore disponible à ce jour. Nous aurons à apprendre à vivre avec des masques, à nous saluer sans serrer les mains et à rester distants les uns des autres.
Nous aurons à accepter l'idée que nombre d’usages vestimentaires et comportementaux adoptés par l’humanité doivent répondre à des besoins de survie.
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