Indécision et lenteur d’exécution en temps de crise

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Bien sûr, il y a la litanie des mauvaises nouvelles et tout ce qui s’ensuit. D’autre part, la litanie des plans et super-plans, dans une humeur où, désormais, l’on commence seulement à être impressionné lorsqu’on lit un chiffre dépassant le $trillion (dans les conceptions anglo-saxonnes). Mais il existe d’autres domaines intéressants par rapport à la lutte contre la crise, moins spectaculaires sans doute, certainement beaucoup plus pesants que leur discrétion ferait croire.

Le Times de Londres nous en donne un aperçu dans un article de ce 19 février, signalant principalement l’amoncellement de nouvelles “mauvaises nouvelles” pour Obama (« Rising debt may overwhelm Barack Obama's effort to rescue the economy»). Il s’agit de ce passage qui concerne notamment l’action du département du trésor US, notamment avec la perspective d’une nouvelle action du gouvernement US portant sur un plan autour de $2.000 milliards (pour “sauver les banques”, bis repetitat); et, également, la question de la rapidité de l’exécution, notamment avec la possibilité que l’argent débloqué par le gouvernement US pour venir en aide à l’économie ait beaucoup de difficultés à trouver son chemin vers ses destinations diverses…

«At the heart of the internal battle inside the Treasury Department is what to do with the estimated $2 trillion of toxic and mostly mortgage-related debt that is threatening to topple the entire banking sector – the bedrock of US capitalism.

»When Mr Geithner announced his plan to stabilise the financial sector last week it was received badly because it was so short on detail. The heart of the strategy – his prescription to remove the bad debt off the banks' books – was to entice private investors to buy up the toxic assets. He gave no firm proposals, however, about how the loans would be valued and how the private sector would be co-opted. It has now emerged that Mr Geithner was deliberately vague at his press conference because he had a change of mind and suddenly began to pursue a different course. He decided that his original plan to use government funds to buy up the toxic assets was too expensive and exposed taxpayers to too much risk, and that using the private sector was the best option.

»At the same time Mr Geithner is working on the plan with a significant shortfall in staff. Only a month into his presidency Mr Obama has yet to nominate any mid-level Treasury officials. Other departments – some still even without a Cabinet secretary – are about to be inundated with billions of dollars from the stimulus Bill signed by Mr Obama on Tuesday but with not enough staff to determine how to spend it.»

Ces précisions, qui ne font pas partie des premières pages des journaux, sont importantes et extrêmement révélatrices. Elles nous décrivent l’arrière-plan des actions diverses lancées pour tenter d’arrêter ou, au moins, de freiner la crise.

• D’une part, l’attitude psychologique des dirigeants se confirme comme extrêmement incertaine, ce qui se comprend mais qui finit par devenir un facteur de très grande importance de la lutte contre la crise. On doit faire une part de plus en plus importante à ce facteur pour comprendre le comportement des divers marchés, bourses, activités retenues ou arrêtées des banques et du secteur financier en général. Ce facteur très humain renforce dans un domaine très important (la perception de l’attitude psychologique des dirigeants) un constat général, qui est celui de la défiance dans les références et mécanismes indicateurs de la situation générale, que nous mettions en évidence le 22 janvier dernier, en citant notamment le bulletin n°31 du GEAB (GEAB qui est l’objet de moult discussions de nos lecteurs): «La difficulté est qu’un nombre croissant d’opérateurs ne font plus confiance aux indicateurs et instruments de mesure traditionnels. Les agences de notation ont perdu toute crédibilité…»

• Cette crise de confiance est accentuée d’autre part, dans l’exposé qu’on lit ici, par l’extraordinaire inorganisation qui s’est installée dans l’administration Obama, contrastant radicalement avec l’impeccable prise en main du pouvoir durant la transition. L’article cite nombre de postes non encore pourvus dans les cabinets, également dans les positions moyennes de décision qui jouent un rôle fondamental dans le cheminement des décisions au plus haut niveau et leur exécution au niveau de la bureaucratie. Que s’est-il passé dans l’administration Obama? Notre premier jugement serait que l’impeccable transition comportait de paradoxaux effets secondaires et indirects négatifs; cette transition a permis et conduit à une mise en action immédiate, à la prise de pouvoir, de tous les échelons installés (en général les plus hauts niveaux), pour obtenir l’action la plus rapide possible, tandis qu’on laissait de côté les procédures habituelles pour pourvoir les postes intermédiaires, avec recherche de candidats, confirmations, nominations, etc. Désormais, les retards s’accumulent. Cela conduit à une situation extrêmement préoccupante: des décisions d’action rapides et très rapides, l’exécution de ces décisions lentes et très lentes. Cela implique de nouveaux chocs à venir, lorsque les attentes du public devant l’annonce de ces aides se transformeront en frustrations diverses devant la lenteur de la satisfaction de ces faibles attentes.

• D’une façon générale, et quels que soient les attendus et les causes profondes, on décrit là un système bureaucratique en crise où les décisions rapides du sommet sont de plus en plus lentes à être mises en œuvre à mesure qu’elles descendent vers le niveau d’exécution. Les causes conjoncturelles qu’on décrit ont évidemment rencontré et renforcent une situation structurelle de crise du système bureaucratique US. C’est une similitude de plus, même si les causes sont éventuellement différentes, entre l’URSS de Gorbatchev et les USA d’Obama. Cela contribue à renforcer le dossier de la possibilité d’actions inhabituelles de la direction US.


Mis en ligne le 19 février 2009 à 16H21