Inventaire pressé de l’imbécillité

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Un philosophe pressé, — on veut dire rapide sur son opinion qui va et vient, — nous informe à propos de la «religion des imbéciles», — à lire dans Libé, temple des non-imbéciles, dans les éditions du 18 septembre.

Cette peste, enfin cette «religion des imbéciles», regroupe une cohorte tant l’imbécillité est la chose la plus commune dans notre monde. La cohorte va de Chateaubriand à Henry L. Mencken ; de Charles Beaudelaire traduisant Edgar Allan Poe à Henry Miller recevant Jack Kerouac à Big Sur ; de Henry de Montherlant à D.H. Lawrence, de Robert Aron à Arnaud Dandieu ; de Eugene O’Neill à Jean-Paul Sartre, de Charles de Gaulle à Alexandre Soljenitsyne ; de Georges Bernanos à Alexis de Tocqueville tel que nous le présente Jean-Philippe Immarigeon dans American parano ; de Henri Massis à Robert Brasillach, de Paul Bourget à Upton Sinclair, au Charles Dickens de Voyage en Amérique, au Sigmund Freud débarquant en Amérique en 1911 ; et même Walt Whitman avec Democratic Vista, et même Mark Twain avec What is Man? et The mysterious Stranger qu’il n’osa publier de son vivant de peur de cette affreuse infamie qu’est la bien-pensance américaniste. (Même Nietzsche, dans deux aphorismes du Gai Savoir, consentit à régler son compte au nouveau monde.) Tout cela, liste non exhaustive pour la «religion des imbéciles».

L’un des plus récents adeptes de cette «religion des imbéciles» a récemment écrit, dans Le Figaro du 9 août :

«Enfin, le troisième facteur dominant est que paradoxalement, malgré leur immense puissance économique et militaire, malgré leur apparent activisme diplomatique, les États-Unis sont désormais marginalisés au Proche-Orient, voire hors jeu. Le fait que Madame Rice ne peut même plus se rendre à Beyrouth en dit long sur le niveau atteint par la haine anti-américaine dans le monde arabe. Quant à l'initiative caressée par Washington d'envoyer ses supplétifs européens sous la bannière de l'OTAN désarmer le Hezbollah à la suite de l'armée israélienne et alors même que l'Amérique elle-même annonçait d'entrée de jeu qu'elle n'enverrait aucune troupe, elle en dit long là aussi sur la confusion des esprits qui règne à Washington. Le fait que cette idée ait fait long feu en quelques heures montre à quel point le leadership américain sur l'Otan est en miettes.»

On veut dire, avec quelque frayeur dans la plume, que pour écrire cette insanité, ce jugement pervers, cette imbécillité de première classe, il faut être pur et fervent adepte de cette «religion des imbéciles» qu’est l’anti-américanisme. Comme la nature chassée par inadvertance revient au grand galop, le même, quarante jours plus tard, nous décrit cette «religion des imbéciles» avec l’indignation fardée aux couleurs de la vertu politicarde comme bonne vieille compagne de la retape du bon temps de l’IFRI et des séminaires subventionnés par la RAND Corporation, de Knokke-le-Zoute à Santa Monica. Qui s’intéressera à savoir ce qui s’est passé entre-temps? Révélation? Résurrection? Erreur de traduction? Ou bien est-ce que, comme ne le chantait pas Henry Salvador : “Le cheikh est a-a-a-arrivé… Sans s’presse-e-e-er…” Et ainsi de suite, l’hypothèse valant souvent commentaire, avec tout le respect qu’on lui doit, au dénonciateur de la «religion des imbéciles».

Car ce que nous ignorions, nous autres, pauvres religieux de l’imbécillité, c’est qu’à côté du Sarko banal serrant en ce 12 septembre immortel les cinq doigts de la paluche droite de GW dans un cabinet adjacent au bureau ovale, pour les beaux yeux extatiques des intellectuels germano-pratins, — à côté donc trônait le grand’prêtre de la rencontre, — nous n’avons pas nommé le député français dénonciateur de la «religion des imbéciles» et futur ministre de la défense de la France sarkozyste.

Les imbéciles ont bien compris comment tourner la religion. Il suffit d’une âme sans joie dans un esprit qui sait se vendre : il suffit de n’être même pas un salopard au sens sartrien du terme mais de l’être par inadvertance, au prix du marché libre. Marché conclu, pour Sarko et son futur ministre.


Mis en ligne le 21 septembre 2006 à 12H34