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76221 juillet 2007 — Une évolution désormais identifiable à Washington pourrait introduire un facteur nouveau et important dans la crise iranienne. Il s’agit du rôle du Congrès, brusquement affirmé dans cette crise, et, tout aussi brusquement mais pas de façon illogique, dans la direction d’une guerre des sanctions pouvant toucher aussi bien l’UE que l’Iran. Rien n’est encore fait dans ce sens mais tout est désormais possible, principalement une rupture d’une politique exclusivement fixée dans sa finalité sur une intervention militaire.
Les nouvelles les plus récentes concernent un durcissement du Congrès à l’encontre, principalement, de sociétés européennes qui entretiennent toujours des relations avec les Iraniens. Ces projets peuvent conduire à une guerre commerciale. Le Guardian rapporte que des diplomates européens jugent qu’avec une telle attitude du Congrès, «la moindre sanction dans ce cadre constituerait sans aucun doute une violation des règles de l’Organisation Mondiale du Commerce», — et, probablement, une riposte européenne à ce niveau (plainte à l’OMC).
Le quotidien nous explique, dans ses éditions du 20 juillet :
«An escalating crackdown by the US on foreign companies and banks doing business with Iran is provoking opposition in Britain and Europe, where diplomats say the action could lead to a trade war.
Congress wants all international companies to end their investment in Iran and is pushing through a bill that would penalise companies which fail to do so. The British, along with other European governments, see the US approach as draconian and are lobbying against it.
(…)
»A senior British banking source said yesterday there was a great deal of annoyance in the City with the US approach. The two British banks most frequently mentioned in Washington in relation to Iran are HSBC and Standard Chartered. The source said both banks have scaled down their operations in Iran and maintain a modest presence in Tehran.
»But much of their former business, which consisted principally of managing payments between companies, has been picked up by German and French banks whose governments have resisted pressure from Washington, the source said.
»The state department has been pressing for disengagement for months. But the move is being given added impetus by the Iran counter-proliferation bill going through Congress that would penalise the American interests of companies that continue to have a presence in Iran. Tom Lantos, chairman of the House foreign affairs committee, said: “Our goal must be zero foreign investment.”
»The bill appears to have overwhelming support in Congress. Congress passed the Iran and Libya sanctions act in 1996 that threatened action against foreign governments and companies, but gave the state department discretion over when to implement it. The new legislation proposes to remove that discretion. The state department prefers persuasion to coercion, fearing the latter would alienate allies, and opposes the legislation.»
Effectivement, l’initiative du Congrès rappelle la période ouverte en 1996, au début du deuxième terme de la présidence Clinton, avec la législation Helms-Burton (du nom de deux sénateurs républicains, dont un [Helms] de tendance extrémiste), qui conduisit à plusieurs années de polémique entre les législateurs US et divers pays européens, y compris les institutions européennes, ainsi que nombre d’enquêtes à la limite de l’ingérence dans des pays souverains. Ce type de législation est extrêmement délicat, dans la mesure où il met en effet systématiquement en cause des questions de souveraineté puisque les législateurs US prétendent agir contre des sociétés non-US, par le biais notamment de leurs filiales aux USA.
Nous sommes peut-être à un tournant de la crise iranienne dans l’hypothèse où l’évolution actuelle conduit effectivement à un retour en force du Congrès. Ce n’est pas une perspective absurde, considérant l’évolution de la situation à Washington durant ces sept derniers mois.
• Elu en novembre 2006 avec une forte majorité démocrate, le Congrès qui est installé en janvier 2007 a d’abord voulu s’affirmer face au président sur la question directe des pouvoirs de guerre. La bataille porta essentiellement sur l’Irak.
• L’Iran occupait une place secondaire dans l’esprit du Congrès, au départ de son affrontement avec le président. La possibilité d’une attaque contre l’Iran, très fortement évoquée en février-mars 2007, y déclencha une réaction hostile. On frôla la possibilité du vote de législations exigeant l’accord du Congrès pour toute initiative militaire du président contre l’Iran.
• Depuis le printemps, 2007, les positions se sont exacerbées. Le président est toujours belliciste mais sans la moindre autorité. La situation en Irak piétine et chacun (le Congrès et le président) tient l’autre, empêchant la moindre évolution décisive. Sur l’Iran, même position : bellicisme confirmé du président et surtout de Cheney mais position si affaiblie et moyens militaires si réduits qu’une initiative d’attaque semble de plus en plus problématique.
• Le Congrès a senti au cours du printemps qu’il pouvait, sur l’Iran, retrouver à bon compte une vertu patriotique qu’il pouvait craindre d’avoir écornée avec sa critique de la guerre en Irak. D’où, depuis deux mois, un maximalisme constant contrastant avec la réserve hostile à la politique belliciste des premiers mois de l’année. La semaine dernière, le Sénat condamnait une action supposée (sans preuve convaincante) des Iraniens contre des soldats US en Irak, — par 97 voix contre 0.
Pour transformer ce maximalisme en avantage politique qui se traduit pour lui en prééminence sur l’exécutif, le Congrès a évidemment tendance à suivre ses propres méthodes. Pas d’intervention militaire, plutôt des législations de plus en plus intrusives, voire autoritaires. Nous voilà conduits à la situation décrite ci-dessus. La phase à venir, très rapidement si elle se concrétise, serait pour le Congrès d’effectivement rechercher une position de leadership dans la politique US vis-à-vis de l’Iran, — c’est-à-dire, traduisons, la politique de confrontation US avec l’Iran, — par le biais d’une politique vigoureuse de sanctions, autant contre les Iraniens que contre les non-Iraniens commerçant avec les Iraniens. Ce n’est pas tant dans le but constructif d’éviter un affrontement militaire que dans le but très politicien de tenter de réduire la position de cette présidence totalement affaiblie et à la dérive dans un des derniers domaines où ses pouvoirs (ceux de déclencher un conflit) restent d’un effet possible considérable et, de ce point de vue, disproportionné et dangereux. L’opération serait d’autant plus intéressante pour le Congrès qu’elle réduirait en partie la critique contre lui de l’anti-patriotisme en accompagnant la politique de sanctions maximales d’une dialectique extrêmement hostile et belliciste.
Bien entendu, une telle politique conduirait, comme les Européens le craignent, à des heurts qui peuvent être violents avec ces mêmes Européens. Ce n’est pas pour déplaire nécessairement au Congrès. L’hostilité à l’Iran est considérée par les politiciens de Washington comme une politique payante en période électorale (une majorité d’Américains jugent l’Iran comme un pays dangereux) et la dénonciation de ceux des traditionnels alliés qui se font “complices” de l’Iran en commerçant avec lui est considérée comme une politique complémentaire encore plus populaire. On retrouve la logique de la dénonciation des Français “complices de Saddam”, si largement et grossièrement utilisée en 2002-2003.
Certains parlementaires, notamment chez des démocrates par ailleurs néo-protectionnistes, peuvent estimer avoir là un argument de surenchère patriotique et unilatéraliste contre l’administration GW Bush. Pour eux, entre la ligne diplomatique des tractations avec l’Iran en coordination avec les Européens et la ligne militariste d’une attaque contre l’Iran, il y a désormais le choix de cette ligne de confrontation des sanctions maximales autant contre l’Iran que contre les “faux-alliés”. Politiquement, alors qu’on va entrer dans la phase active de préparation des élections de novembre 2008, la perspective peut s’avérer politiquement payante.