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30 avril 2006 — Le pauvre Patrick J. Buchanan tonnait vendredi 28 avril contre le Congrès des Etats-Unis, impuissant ou trop lâche pour jouer son rôle dans la crise iranienne. Que Buchanan soit content : le Congrès s’y met. Sauf qu’il s’y met dans le sens inverse que préconise Buchanan, — évidemment…
Le 28 avril, donc, Buchanan écrivait avec une ironie fatiguée (sur Antiwar.com): « Now that Congress is back fromspring break and looking ahead to Memorial Day, July 4, the August recess and adjournment early in October for elections, perhaps it can take up this question.
» Does President Bush have, or not have, the authority to take us to war with Iran? Because Bush and the War Party are surely behaving as though this were an executive decision alone. No sooner had President Ahmadinejad declared that his country had enriched a speck of uranium than the war drums began again.
(...)
» There is a reason the Founding Fathers separated the power to conduct war from the power to declare it. The reason is just such a ruler as George W. Bush, a man possessed of an ideology and sense of mission that are not necessarily coterminous with what is best for his country. Under our Constitution, it is Congress, not the president, who decides on war.
» Many Democrats now concede they failed the nation when they took Bush at his word that Iraq was an intolerable threat that could be dealt with only by an invasion. Now, Bush and the War Party are telling us the same thing about Iran. And the Congress is conducting itself in the same contemptible and cowardly way.
» It is time for Congress to tell President Bush directly that he has no authority to go to war on Iran and to launch such a war would be an impeachable offense. Or, if they so conclude, Congress should share full responsibility by granting him that authority after it has held hearings and told the people why we have no other choice than another Mideast war, with a nation three times as large as Iraq. »
Belles paroles, tout cela. La réalité, c’est que le Congrès a déjà commencé à s’impliquer dans la crise iranienne.
On met en évidence trois points à ce propos, pour ces trois derniers jours.
• Une recommandation de la Chambre des Représentants, en faveur d’un durcissement des actuelles sanctions US, et pour de nouvelles initiatives dans ce sens. Une dépêche UPI résume l’initiative de la Chambre : « The House approved a bipartisan legislation — The Iran Freedom Support Act — that tightens existing sanctions on Iran, urges American divestment from companies investing in Iran's petroleum sector, and supports aiding democratic forces in Iran. The bill was passed 397-21. Congresswoman Ileana Ros-Lehtinen R-FL., and Congressman Tom Lantos, D-CA, who were instrumental in getting the bill passed, are now hoping for similar legislation from the Senate, where the issue is currently under consideration. Before the bill can become law, it needs to be approved by the Senate and signed by the president. »
• Des déclarations du sénateur McCain, républicain, qui menace la Russie et la Chine de mesures de rétorsion si ces deux pays ne soutiennent pas à 100% la politique américaniste. McCain parlait à Bruxelles le 27 avril et il a évoqué la colère du Congrès si Moscou et Pékin contrecarraient les prochaines initiatives de l’ONU, dont il ne doute pas une seconde qu’elles iront dans le sens de sanctions contre l’Iran, dans un premier pas dont on suppose qu’il ouvrirait la voie à d’autres initiatives encore plus fécondes. Selon une dépêche Reuters : « Asked what consequences there would be if Moscow and Beijing blocked such a move, [McCain] told reporters: “Clearly it’s going to affect many areas of cooperation between our two countries. There will be a reaction in the U.S. Congress.” [... McCain] could not be specific that the areas affected could include trade. [...] McCain said the United States must not rule out military action against Iran as a last resort, saying: “There’s only one thing worse than military action and that’s a nuclear-armed Iran.” [...] McCain added he was not trying to tell the administration what to do. He said that military action would be very complicated but the United States could not risk a nuclear Iran exterminating Israel. »
• Enfin des déclarations du sénateur Warner, républicain et président de la puissante commission des forces armées. Warner “lance un défi” à l’OTAN. On trouve par ailleurs sur ce site, dans la rubrique “Nos choix commentés” le texte de cette intervention avec quelques mots de présentation. L’idée de Warner, c’est-à-dire l’idée de ceux qui l’ont eue pour lui, se résume simplement à ceci : impliquer à fond l’OTAN dans la crise iranienne. On reparlera de cette idée.
Acquis pour l’essentiel à l’idée de l’impossibilité d’une évolution iranienne qui ne soit pas totalement contrôlée par les Etats-Unis, corrompu psychologiquement jusqu’à l’os, en plus du reste bien sûr, par l’idée de la guerre, le Congrès entre dans la crise iranienne en empruntant la voie maximaliste de la radicalisation. Le Congrès va s’occuper de l’Iran, en rajoutant de l’huile sur le feu, en proposant toujours de nouvelles idées de “containment” frisant la provocation et d’agression implicite, c’est-à-dire en justifiant in fine absolument l’évolution de l’administration.
Le constat qu’on est conduit à faire est que le Congrès paraît bien incapable de suivre une autre voie que la politique alarmiste et radicalisée. Sa dialectique reste toute entière dictée par la démagogie et, par conséquent, toute entière marquée par la nécessité d’afficher un patriotisme intransigeant de la sorte qui est née avec l’attaque du 11 septembre. S’il n’y avait que l’Irak et en considérant l’état d’avancement de la catastrophe américaniste dans ce pays, on pourrait observer un effet plutôt heureux de ce patriotisme (avec des idées de retrait, par exemple). Mais il y a désormais l’Iran.
Il est bien sûr significatif que Warner, qu’on cite ici, intervienne dans le débat. Cette intervention, qui présente l’idée la plus instructive quant aux arrière-pensées washingtoniennes, mesure qu’on peut désormais s’ébrouer dans le maximalisme sans prendre trop de risques. C’est le cas si Warner intervient, lui qui a une réputation de “vieux sage” et de républicain modéré, avec l’image d’une forte spécialisation des questions de sécurité nationale. (Cette réputation de “vieux sage” et de spécialiste politiquement altruiste des questions de sécurité nationale est la pure fabrication, d’ailleurs sans aucun doute réussie, d’une carrière politicienne réglée par les relations publiques et le seul intérêt politicien. Dès 1973, alors qu’il commençait sa carrière comme secrétaire à la Navy, avant de devenir sénateur, Warner était décrit de la sorte par son chef d’état-major d’alors, l’amiral Zumwalt [dans ses mémoires On Watch] : « John Warner was a Secretary who bent with every political breeze that blew… ».)
L’action du Congrès, — sans prendre l’aspect solennel d’un grand débat national qui risquerait de mettre en évidence certaines graves discordances et certaines réalités embarrassantes, — devrait se concentrer pour les prochains mois sur la crise iranienne, guidée en cela, évidemment, par les élections. Un maximalisme sur l’Iran, appuyé sur l’idée martiale et irréfutable dans le climat actuel d’un Iran « greatest threat to NATO allies » ressuscitant au moins l’idée d’une nouvelle Guerre froide en attendant plus (citation et idée de Warner), permet de contenir, voire de minimiser les conséquences électorales de la catastrophe irakienne. Les républicains vont en jouer à fond et les démocrates seront, comme d’habitude, conduits à surenchérir en tentant de maintenir à flot les conséquences électorales de l’Irak (selon l’idée : “avec l’Iran, il faut faire mieux que dans le cas catastrophique de l’Irak”, — c'est-à-dire, éventuellement une guerre plus efficace).