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4568C’est aussi simple que cela, avec des circonstances plus ou moins directes mais une interprétation aussi nette que ces deux constats qui suivent... Il y a un mois, nous étions au bord de la guerre entre l’Iran et les USA ; aujourd’hui, nous sommes au bord de la guerre entre la Turquie (avec soutien US, vertueuse OTAN oblige) et la Russie. Le “tourbillon crisique” non seulement tourbillonne, comme c’est sa nature même, mais également déboule en cascade torrentielle, sautant d’un centre crisique à l’autre.
• Il y a un mois, donc, nous sentions encore le vent des derniers boulets après l’épisode Solimena-riposte iranienne où nous nous étions trouvés au bord d’une conflagration majeure (sans doute le 8 janvier, après la riposte iranienne, l’Iran s’attendant à une contre-riposte massive des USA). Tous les éléments déjà reconnus se confirment et s’amplifient : nous avons frisé la guerre mais décidément Trump n’en voulait pas bien qu’il ait lancé l’attaque qui avait tout pour déclencher la guerre. On a appris hier que le bilan de l’“attaque symbolique”, “sans victimes” de l’Iran contre la base US en Irak atteignait désormais 109 blessés après une ascension ininterrompue. Et ZeroHedge.com note que Trump ne prend plus de gants pour dire indirectement qu’il se fout effectivement de la vérité-de-situation, comme l’on aime à dire à dedefensa.org, parce qu’il ne voulait pas risquer une guerre, – cet aveu fait en toute bonhomie officialisant la victoire symbolique et de communication remportée par l’Iran, ce dont se fiche également Trump qui s’en tient au simulacre de Make America Great Again (MAGA, arme de réélection massive) : « À ce stade, quelle que soit l'importance des ‘blessures à la tête’ causées par les explosions de l'attaque du 8 janvier, il ne semble pas que Trump reviendra sur ses commentaires initiaux qui minimisaient les dommages humains. Il semble qu'il ait essentiellement admis dans l'interview accordée à FoxNews que si le fait de dissimuler le nombre réel de blessés avait empêché une escalade vers une guerre majeure, alors cela en valait la peine. »
• Entretemps, la crise iranienne a migré vers l’Irak, avec les pressions irakiennes pour le retrait des troupes US suite à l’assassinat de Soleimani. On a eu ces derniers jours un nouveau couac du Pentagone (suivant celui de la “lettre de retrait”), avec l’annonce par une “source officielle” du début de retrait des forces US, suivie d’un démenti également officiel du porte-parole du ministre Esper.
• Entretemps (suite) la véritable tension crisique, allant de crise en crise, est passée en Syrie, où les forces US, pourtant peu nombreuses, bénéficient de la même popularité que dans les pays déjà cités, – avec un incident avec des civils syriens attaquant un convoi US à coups de cailloux et de slogan du type “US Go Home”, signe de la tension grandissante entre forces US et Syriens “libérés”. Mais ce n’est qu’un aspect de la tension crisique majeure qui, effectivement, est passée de l’Iran à la Syrie dans ce “tourbillon crisique” moyen-oriental. L’essentiel se trouve dans l’offensive syrienne, soutenue par la Russie, pour reprendre la poche d’Idlib où se trouvent des groupes djihadistes soutenus par les Turcs. Cela a conduit, en type de riposte-brevetée, proclamée par Erdogan, à la nième invasion turque de cette bande du territoire qui appartient en toute légalité à la Syrie, à des affrontements avec l’armée syrienne, et à des risques d’affrontements turco-russes . En effet, la Russie juge qu’en la matière, Erdogan viole les accords d’Astana, et elle soutient donc opérationnellement l’offensive des forces syriennes.
Puisque l’occasion nous en est offerte, il faut s’attacher au personnage et noter qu’Erdogan est, justement, un “personnage” absolument archétypique de cette dynamique crisique torrentielle qui ne cesse d’aller d’une région à l’autre, d’une crise à l’autre, d’un “risque de guerre majeure” à l’autre. Depuis dix ans, Erdogan ne cesse, dans ce même esprit sautillant, de passer d’une grande-alliance à l’autre, principalement avec les USA et avec la Russie, d’envahir de loin en loin la même zone syrienne, – avec parfois des incursions en Irak, – de menacer de quitter l’OTAN ou de menacer de demander de l’aide à l’OTAN, de vouer les USA aux gémonies ou de recevoir l’appui chaleureux des USA dans sa nième invasion de toujours la même partie de la Syrie.
Cet espèce d’étonnant conquérant ottoman du type hyperactif ne cesse de tourner en rond autour de la même conquête, de soutenir avec entrain et de combattre avec rage les djihadistes, de promettre tout et son contraire en divisant le tout et son contraire par deux. Erdogan est un caractère et une psychologie crisiques typiques de notre Grande Crise d’Effondrement du Système, avec son bilan d’agitations incroyablement nombreuses et enfiévrées s’avérant incroyablement faible et vain ; un personnage de type-vibrion tourbillonnant au gré d’un “tourbillon crisique” qu’il prétend maîtriser, accumulant simulacre sur simulacre.
D’une certaine façon, Erdogan a pas mal de choses-bouffe en commun avec Trump, et leur entente épisodique est faite pour être rompue épisodiquement, avec pertes et fracas. Trump et lui sont effectivement des personnages tourbillonnants pour tous les “tourbillons crisiques” de l’époque, et leurs invasions saisonnières de la Syrie a le même caractère de simulacre incapable de s’ancrer dans la réalité et d’imposer une vérité-de-situation. Tout cela se fait sous l’œil parfois ébahi, parfois ironique de Poutine, qui ne parvient finalement pas à perdre son calme et continue à vendre des S-400 à la Turquie et à installer des oléoducs avec Erdogan.
Ainsi, la situation autant que nombre des hommes qui y jouent un rôle majeur ne cessent de gagner en fluidité dans ce Moyen-Orient qu’on jugeait être, il y a trente ans et vingt trente ans, comme un baril de poudre prêt à exploser à la moindre étincelle, puis comme une proie facile pour les formidables légions yankees venant installer les délices de la démocratie, et éventuellement avec leur ami-ennemi Erdogan, parmi d’autres de la région. De fait, cette région constitue, pour le malheur de tant de ses habitants mais sans que cela profite à ceux qui s’estiment en être des conquérants, un champ d’essai en grandeur nature et en temps réel du développement du chaos que nous dispense la Grande Crise d’Effondrement du Système. La puissance du Système (essentiellement les légions américanistes et l’une des faces du sautillant Erdogan) y est confrontée à l’usure des simulacres qui y sont déployées en son nom, et parvient finalement à affuter chaque jour davantage sa dépendance à la dynamique d’autodestruction qui semble être pour lui comme une drogue dont il est impossible de se libérer.
En attendant la maturité de la progression de ce processus d’autodestruction qui nous intéressera grandement, voici une description de la très-complexe situation en Syrie, entre Syriens, Turcs, Russes et djihadistes (plus quelques américanistes récupérant les pierres que leur lance la population). C’est E.J. Magnier aussi précisément informé sur la Syrie qu’il l’est sur l’Iran, qui donne cette analyse.
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Depuis 2012, la route M5 reliant Damas à Alep était sous le contrôle des forces djihadistes. L’armée syrienne vient maintenant de la libérer, tout comme plus de 140 villes, villages et hauteurs stratégiques. La Turquie et les Ouzbeks, Ouïgours et combattants de Hayat Tahrir al-Sham (l’ancien front al-Nosra) n’ont pu tenir leurs positions fortifiées, qu’ils ont abandonnées en se repliant dans la zone qui entoure Idlib.
Pour première fois, l’armée turque a essuyé des tirs d’artillerie de l’armée syrienne. Cinq officiers turcs ont été tués à l’aéroport militaire de Taftanaz, une base utilisée par la Turquie et ses alliés djihadistes. Ankara a été forcé de déployer sa propre armée sur le champ de bataille pour compenser la faiblesse de ses alliés djihadistes sur le terrain.
Libérer les 432 km de la route M5 des djihadistes était une obligation précisée dans l’accord d’Astana signé en octobre 2018, que la Turquie n’a pas honorée jusqu’ici. Le gouvernement syrien a fait trois avancées majeures vers la route M5 depuis, mais cette fois-ci, la décision de la récupérer était définitive. Il s’agit là d’un message de la Syrie et de la Russie au président Erdogan pour l’informer que le temps commence à manquer à Idlib. Le bras de fer entre la Turquie et la Russie dépasse aussi la frontière syrienne, comme on peut le voir en Ukraine et en Libye, où la Turquie cherche à jouer un rôle majeur.
Les Russes fournissent du matériel militaire perfectionné et des dizaines de T-90 à l’armée syrienne, qui l’aident à poursuivre ses offensives militaires la nuit. Cette assistance, de pair avec les centaines de frappes aériennes par l’armée de l’air russe, a permis de libérer tout le secteur à l’est de la route et bien d’autres secteurs du côté ouest, où l’opération militaire se poursuit. De plus, la Russie a fourni des renseignements militaires et du soutien à la planification sans précédent à l’armée syrienne pour assurer le succès des opérations, en plus de bombarder les lignes de front des djihadistes ainsi que leurs arrières.
Ce qui a causé toute une surprise, c’est la découverte de tunnels s’étendant sur des kilomètres où se trouvaient des hôpitaux de campagne, des munitions et du matériel de survie permettant de tenir un très long siège dans toutes les zones libérées des deux côtés de la route M5 et dans les principales villes comme Saraqeb et El-Eiss. Ces tunnels étaient reliés ensemble et liaient des villages par voie souterraine. Certains tunnels faisaient 20 mètres de profondeur, ce qui suffisait à les protéger des bombardements aériens. Les djihadistes se sont empressés d’abandonner toutes leurs positions en laissant tout derrière.
La tactique de l’armée syrienne des dernières années consiste à laisser une voie ouverte pour laisser le temps aux djihadistes de s’y replier avant de la fermer. Depuis la libération d’Alep, l’armée syrienne évite d’encercler les villes en raison de la propagande dont bénéficient les djihadistes de la part des médias institutionnels et des interventionnistes étrangers qui ne veulent pas que la Syrie se relève et s’unifie. C’est ce qui explique pourquoi des routes sont toujours laissées ouvertes pour que les djihadistes s’y replient avant tout assaut final.
La Turquie est incapable de protéger ses alliés djihadistes et ne peut leur offrir un soutien aérien. La Russie contrôle l’espace aérien syrien et Damas a averti la Turquie qu’il abattrait tout avion turc violant son espace aérien.
La libération récente de Maarrat al-Nu’man, Saraqeb, Tel el-Eiss et Rashedeen4 marque un nouveau virage stratégique dans la guerre syrienne. Cela indique que la Turquie aura de la difficulté à protéger ses djihadistes à long terme. La stabilité de la Syrie exige la libération de l’ensemble de son territoire. La stabilité de la Syrie est dans l’intérêt de la Russie et de ses objectifs de sécurité nationale. La Russie est allée au Levant pour mettre fin à la guerre. Sa crédibilité est en jeu. Elle y possède une base navale importante lui offrant un accès unique à la Méditerranée. C’est également dans l’intérêt de la Russie d’éliminer al-Qaeda et tous les groupes qui adhèrent à son idéologie takfirie, quels que soient leurs noms et leurs priorités divergentes. Les djihadistes ouzbeks et ouïgours n’ont nulle part où aller et devraient combattre jusqu’au dernier homme.
La Turquie montre les dents à la Russie en refusant de reconnaître la souveraineté russe en Crimée et en offrant à l’Ukraine 33 milliards de dollars pour soutenir son armée. La Turquie cherche à jouer un rôle plus efficace et reconnu en Libye, où le gouvernement central demande officiellement le soutien d’Ankara. La situation en Syrie est cependant différente. La Turquie sait que sa présence en Syrie ne peut durer bien longtemps et que la libération d’Idlib, même si elle n’est pas encore au programme, ne saurait tarder. Ce n’est qu’une question de temps.
Les forces d’occupation américaines se sont mises elles-mêmes au pied du mur dans une zone limitée au nord-est de la Syrie, où elles peuvent voler le pétrole syrien, comme l’a déclaré le président Donald Trump. Cette présence limitée des USA n’est pas une priorité pour l’armée syrienne. Idlib sera libéré en premier lieu, puis Afrin. Voilà pourquoi la Turquie tente de renforcer et de stabiliser son influence en Syrie. Quatre réunions ont eu lieu entre des officiers du renseignement syrien et leurs homologues turcs au plus haut niveau pour discuter de nouveaux accords. La Turquie veut modifier l’accord d’Adana de 1998 conclu avec la Syrie, qui régit la poursuite d’éléments du PKK par l’armée turque en territoire syrien.
La Russie et l’Iran jouent un rôle important pour apaiser les tensions entre la Turquie et la Syrie, mais l’essentiel demeure que la Turquie se retire de la Syrie.
La Turquie a acheté ses S-400 de la Russie et le gazoduc Turkstream a été officiellement inauguré le mois dernier afin de réduire les livraisons russes passant par l’Ukraine. Par ailleurs, la Turquie est également alliée de l’OTAN et une base militaire américaine importante se trouve à sa frontière. La Turquie aura du mal à maintenir un équilibre entre les deux superpuissances tout en protégeant ses djihadistes en Syrie. L’heure sera bientôt venue pour la Turquie de peser le mérite de ses options.