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18 décembre 2002 — Dans les années 1920, les lois restreignant l'immigration aux USA, avec des quotas imposés aux immigrants selon leurs origines, furent alors perçues comme nettement racistes ; en même temps, elles furent politiquement un facteur indirect important dans la consolidation de l'isolationnisme. (Les années 1920 sont effectivement perçues, avec juste raison, comme une des grandes périodes isolationnistes des USA.)
Le même phénomène se reproduit, selon des circonstances différentes mais de façon beaucoup plus directe : des lois sur le contrôle de l'entrée des étrangers aux USA ont un aspect dissuasif qui finit par contrecarrer de manière décisive les courants d'échange avec les USA. (Ces lois, en s'appliquant à des nationalités, à des origines ethniques, à des conformations raciales, ont également un aspect discriminatoire très polémique, identifié par certains comme raciste, qui les rapproche des lois des années 1920.) Cette réalité n'apparaît pas dans une politique ni, encore moins, dans les déclarations officielles. (Mais on sait que ces déclarations n'ont plus aucune signification substantielle, qu'elles sont de simples dispositions de communication pour un obtenir un effet sur une autre situation d'artifice, tout cela fondant ce que nous nommons le virtualisme.) La tendance, non identifiée, non officialisée, peut d'autant plus vite se développer pour conduire à une situation d'une extrême importance, qui redessine la structure même des États-Unis.
C'est à partir d'un article du 15 décembre du Sunday Herald, journal écossais, que nous proposons ces remarques. Le journal signale « a disturbing trend caused by the US government's fight against terrorism, a squelching of non-American culture. Scores of international performers have had to cancel appearances since America tightened its visa rules and security checks this summer. » Le journal enchaîne alors, selon une logique si particulière qui, aujourd'hui plus que jamais auparavant, conduit de simples faits et événements quotidiens à un enchaînement économique, puis à une situation culturelle nouvelle.
« Performers and presenters in the US are losing money. The recording industry will be hampered, say critics of the policy. Labels prefer to issue CDs when a group is touring. And Americans are being deprived of cultural communication at a time when it is more crucial than ever before.
» “This just increases the sense of isolation that's descending on the US and shows how much we're not in synch with the rest of the world,” says Richard Pena, director of the New York Film Festival.
» In September, Iranian film director Abbas Kiarostami, former winner of the Cannes Palme d'Or, could not attend the premiere of his latest film, Ten, at the festival — even though he had been to the US seven times previously. As a protest, Finnish director Aki Kaurismaki, one-time winner of the Grand Jury Prize at Cannes, refused to attend... »
Le journal rapporte d'autres exemples de cette sorte, qui abondent et qui se multiplient. En fait, on se trouve devant un phénomène d'accumulation des effets, qui, à cause des structures très particulières des USA, par le biais de l'omniprésence du facteur économique, a des conséquences culturelles considérables. (« The ultimate impact [...] is a chilling of cultural communication. [One cites] the example the director of a small festival in Michigan, who now says he will no longer consider non-American acts. It is just too risky financially especially for a small presenter. ») Dans d'autres pays où les règles économiques, notamment contractuelles, sont moins impératives, l'évolution serait sans doute différente. Aux États-Unis, elle est accélérée, quel que soit le sentiment de ceux qui sont ainsi conduit à prendre de telles décisions.
A l'heure où l'Amérique s'est trouvée isolée du reste du monde par l'attaque du 11 septembre et les réactions qu'elle a eues, à l'heure où l'administration GW développe une politique unilatéraliste, ces dispositions renforcent un courant général dont l'effet va être extrêmement fort, à un terme beaucoup plus court qu'on imagine, notamment à cause de la puissance des communications qui accroissent toutes les tendances, aussi bien celles de l'isolement que celle du rapprochement. Il y a là une orientation isolationniste extrêmement grave en cours, dans le domaine fondamental de la culture qui conduit et modèle les autres. Beaucoup plus qu'un choix politique, beaucoup plus qu'une doctrine, cette tendance est une réponse aux questions que le reste du monde se pose sur le destin américain.