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50930 juillet 2003 — Le journal israélien Haaretz vient d’annoncer qu'Israël a signé, le 25 juillet, son accord définitif pour entrer dans le programme JSF. Les Israéliens ont versé $20 millions aux Américains, premier versement de cet engagement.
Une lettre d’intention USA-Israël avait été signée en février dernier mais des difficultés financières avaient retardé la concrétisation de l'engagement israélien. Désormais, l’équipe de coopération internationale comprend un coopérateur international de plus et un coopérateur de poids, surtout dans le domaine de l’influence auprès des États-Unis.
Le plus intéressant dans le très court article de Haaretz se trouve au niveau de certains détails, qui sont mentionnés en passant, sans précision particulière. Ils concernent des domaines d’un particulier intérêt pour la suite de la coopération, montrant l'engagement israélien dans le programme. Nous détachons ce passage qui, effectivement, doit susciter quelques commentaires :
« With the signing of the letter of agreement, Israel will become party to the engineering of the plane and will participate in research on an Israeli version. [Defense Ministry Director-General Amos] Yaron yesterday expressed the hope that Israeli defense industries will be able to be involved in the project. »
Plusieurs remarques peuvent être faites à propos des suggestions et affirmations implicites dans cet extrait. Le point le plus intéressant, concerne l’idée, clairement exprimée, de la probabilité d’une “Israeli version” du JSF. L’autre point important concerne la participation d'Israël aux phases de R&D et d'ingénieurerie. Ces indications impliquent de toutes les façons qu'Israël entend évidemment être un coopérant extrêmement actif et ambitieux. Cette attitude était prévisible tout comme il est prévisible qu'Israël exercera une grande influence sur les Américains. Il s'agit d'un élément nouveau important dans la situation du programme JSF, et certainement peu encourageant pour les autres coopérants.
Plusieurs remarques peuvent être faites.
• Les Israéliens ont des exigences technologiques et opérationnelles très spécifiques. Cela explique qu'ils veulent une version propre. Cette version sera-t-elle développée complètement à part ? Cela paraît étonnant, tant cela contredit tous les principes du programme proclamés pour tenter de garder ce programme dans des limites budgétaires raisonnables ; cela paraît improbable, tant les nécessités technologiques et autres conduisent à ne pas séparer une version de l'avion du reste.
• A terme, Israël travaillera donc au sein du programme, comme un coopérant “comme les autres”, mais certainement “un peu plus coopérant” que les autres. Les liens très forts entre Israël et les Américains, au niveau politique comme au niveau militaire, vont très vite s'imposer comme un aspect fondamental du programme. Cela signifie un climat politique et industriel notablement transformé, y compris pour le pays qui voudrait jouer le principal rôle dans la coopération internationale (le Royaume-Uni). A terme, il y a le risque que le JSF puisse devenir un programme américano-israélien (avec une très forte majorité américaine, certes) dans lequel les autres coopérants ne constitueront qu'une tierce partie sans réelle influence.
• L'approche financière et économique du programme ne sera plus la même. Les Israéliens ont une priorité maximale donnée à la sécurité, et non à l'aspect économique (d'autant plus qu'ils disposent de la manne de l'aide économique US). Ils rejoignent en cela le Pentagone, qui a la même attitude. Cela signifie l'attention portée aux capacités technologiques et opérationnelles, souvent au détriment du coût. Cela signifie également une orientation technologique et opérationnelle peu satisfaisante pour les Européens, qui n'ont pas les mêmes priorités que les Israéliens (les Américains étant, quant à eux, avec leur orientation hors d'Europe vers des théâtres du Moyen-Orient, inclinés à suivre les conditions préférées par les Israéliens).
• Dans un programme déjà très fortement perturbé, l'incursion des Israéliens signifie que les Américains auront tendance à quitter leur position centrale de coordinateurs cherchant des compromis au profit de la coopération générale, pour une position plus “engagée”, aux côtés de leur principal allié dans la guerre contre la terreur. Ils vont se montrer (encore) moins inclinés au compromis vis-à-vis des autres coopérants.
D'une façon générale, l'entrée en lice des Israéliens risque d'achever la déstabilisation d'un programme déjà bien secoué. (Voir, encore très récemment, l'intervention du GAO.) A des problèmes techniques, technologiques et économiques, vont s'ajouter des problèmes politiques et d'équilibre extrêmement délicats. Les désaccords politiques généraux (entre Israéliens et Européens) ont toutes les chances de se répercuter au sein du programme, et l'accord général USA-Israël dans le domaine, de même mais à l'inverse. On aboutit à une position identique à celle de la situation politique générale, avec un axe USA-Israël, les Britanniques tentant constamment de se coller aux Américains, les autres étant laissés à leurs tourments et à leurs récriminations.
Au niveau des transferts de technologies, l'arrivée des Israéliens risque également de polariser la situation, notamment du côté du Congrès, — en faveur des Israéliens, qui pourraient avoir accès à des technologies du JSF, en défaveur des autres coopérants comme c'est la tendance de plus en plus évidente.