Israël isolé, Bibi se durçit

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Un commentaire de Simon Tysdall, dans le Guardian de ce 24 mars 2010, met en évidence l’exceptionnelle étendue des réactions internationales contre Netanyahou et Israël, dans le sillage de l’incident Biden et de la querelle entre Washington et Israël qui a suivi. Les interventions sont variées et nombreuses, tandis que Bibi Netanyahou est plus déterminé que jamais à se battre et que les commentateurs israéliens dénoncent cette attaque générale contre Israël.

«Britain's decision to expel an Israeli diplomat following the use of forged UK passports by the killers of a Hamas commander in Dubai comes as a stunning new blow to prime minister Binyamin Netanyahu, just as he was picking himself up off the floor in Washington. But the pugnacious Bibi, as he is commonly known, is a former commando and seasoned political street-fighter. There's no sign yet he is ready to throw in the towel.

»Punches have been raining down on Netanyahu from all directions in the past fortnight, ever since the Obama administration in effect declared open season on his government by explicitly condemning a planned housing development in occupied East Jerusalem. It was notable the way the normally tame Quartet peace process group, which comprises the US, Russia, the EU and the UN, joined in the pummelling, setting a 24-month deadline for a two-state solution.

»Foreign secretary David Miliband's action over the Dubai affair, in which a hit squad used forged British and other passports, has no direct bearing on US-led efforts to push, shove and elbow the Israelis and Palestinians into a new round of negotiations, termed proximity talks. But the timing of the expected British announcement, only hours before Netanyahu was due to meet Barack Obama at the White House, looks like a calculated punch below the belt.

»Netanyahu's position currently resembles that of a dangling dummy on a shooting range where critics and enemies queue up to take a pot shot. He faced stinging attacks during recent visits to Gaza and the West Bank by UN secretary-general, Ban Ki-moon, and EU foreign policy chief, Lady Ashton. Ban said Israeli policy in Gaza was causing “unacceptable suffering”. Ashton said bluntly that Israel had been undermining progress toward peace talks. “We [the EU] want results and genuine commitment, a process that leads to outcomes,” she said.

»From the Arab side, pressure is building, too. The leaders of “moderate” pro-western states such as Egypt, Saudi Arabia and Jordan have told the US they cannot undertake the confidence-building measures it seeks until there is substantive movement on the Israeli side. In their view, Netanyahu's refusal to halt the East Jerusalem building makes it impossible to move forward.

»Emboldened by the uproar, President Mahmoud Abbas greeted Obama's peace envoy, George Mitchell, in Amman this week with a reminder that Palestinians have a “national right of résistance” to Israeli occupation. This was not what Mitchell wanted to hear. Nor can he be encouraged by the deteriorating security situation in Jerusalem, the West Bank and Gaza, which have seen lethal clashes in recent days.

»Netanyahu's repeat beatings are prompting some circling of the wagons in Israel. “It is hard to escape the conclusion that the new spurt of violence is connected at least in part to the Obama administration's deliberately reignited criticism of Israel,” said a Jerusalem Post editorial. “We are concerned that disproportionate ongoing criticism ... can only further embolden intransigence and violence.”

»Isi Leibler, writing in the same newspaper, decried “the frenzied anti-Israel climate engulfing the world” and went on: “There appears to be a [US]gameplan to force Netanyahu out of office and replace him with a more pliable leader. Ironically, the Obama administration was far more restrained about regime change in Tehran.”»

Notre commentaire

@PAYANT Certes, Netanyahou n’est pas prêt de reculer, de faire amende honorable ni encore moins de rendre les armes. Il est plus furieux que jamais, plus accusateur, plus offensif, à mesure que pleuvent critiques, condamnations et même des mesures concrètes comme l’expulsion du chef de l’antenne du Mossad à Londres, comme un vulgaire officier du KGB. Quant à l’opinion des commentateurs en Israël, c’est le rassemblement au nom de la dénonciation d’une attaque universelle contre Israël, selon la psychologie de “victimisation” plus ou moins agressive qu’on connaît désormais dans les réactions de l’establishment israélien, mais aussi de la population.

Par conséquent, Israël ne cède pas. Mais ce n’est pas l’essentiel des enseignements qu’il y a à tirer de la situation telle que nous la décrit Tyndall. Il y a d’abord eu l’incident Biden, suivi de la violente crise entre les USA et Israël, avec toutes les péripéties qui l’ont marquée. Depuis le 16-17 mars, pourtant, les deux partis ont décidé de tenter de faire tomber la pression de la crise et d’atténuer fortement la fermeté des propos échangés. On est toujours dans l’impasse entre les exigences de Washington (abandon du projet de constructions à Jerusalem-Est) et le refus israélien, mais on avait décidé de mettre une certaine sourdine à ce propos. Ce qui est remarquable, là-dessus, c’est l’enchaînement et l’élargissement de cette crise entre les deux pays-partenaires, qu’ils voudraient voir s’apaiser, à l’ensemble de ce qu’on nomme “la communauté internationale”, et essentiellement du côté occidentaliste (Londres, l’UE, etc.) et des pays arabes modérés.

Il s’agit d’un phénomène nouveau. D’habitude, on avait l’un (assez rare, une crise ou un accrochage USA-Israël) ou l’autre (protestations internationales contre Israël, avec les USA tentant de réduire l’attaque contre Israël). Cette fois, il y a un enchaînement entre deux crises d’habitude séparées, et, semble-t-il, sans réelle concertation. Peut-être les Britanniques ont-ils averti les Américains de ce qu’ils allaient faire, qui est une mesure assez inhabituellement rude d’expulsion d’un agent du Mossad, mais ce n’est pas assuré. Il est également possible que les Britanniques aient agi de leur propre chef, profitant du climat général pour marquer leur mécontentement dans une affaire (le complot pour l’assassinat de Doubaï, avec utilisation de faux passeports diplomatiques britanniques) qui les rend effectivement furieux et laissera des traces profondes dans les relations de Londres avec Israël. Les Britanniques se sont dits qu’il n’y aurait aucun freinage de la part des USA dans cette occurrence, alors que les USA ne sont pas inclinés à défendre Israël. D’ailleurs, Washington n’avait pas vraiment prévu ce déchainement qui suit sa propre crise avec Israël, étant habitué, comme en toutes choses, à penser unilatéralement, dans ce cas à propos des seules relations USA-Israël.

La crise née de l’incident Biden tend donc à s’étendre, ce qui n’était pas vraiment prévu. Ce prolongement marque l’exaspération générale devant le comportement de défi d’Israël et de Netanyahou, encore plus que de la politique du gouvernement Netanyahou elle-même. Cette exaspération est d’autant plus spectaculaire qu’elle était dissimulée par le formidable discours convenu lorsqu’il s’agit d’Israël, on sait dans quel sens, avec quels moyens et à quel propos. L’effet n’en est que plus fort, d’autant que ce formidable comportement conformiste de “la communauté internationale”, qui joue d’habitude à plein en faveur d’Israël, joue cette fois à plein contre Israël. Même la baronne Ashton y est allée de sa condamnation, c’est assez dire.

L’enchaînement se poursuit donc, cette fois avec un réflexe d’isolement agressif d’Israël, conduit par un Netanyahou qui ne cesse d’en remettre dans la dramatisation et l’accusation. Non seulement Israël est isolé, mais il se perçoit également comme isolé, et il perçoit cela à la fois comme un complot général et comme une injustice insupportable. Les USA sont soupçonnés de vouloir faire chuter Netanyahou d’une façon ouverte, avec ainsi plus de fureur qu’ils ne mettent à faire pression sur la direction iranienne. La paranoïa israélienne joue à fond, mais dans des circonstances telles qu’elle finit par rencontrer des événements, qu’elle a en bonne partie provoqués, qui semblent confirmer son bien-fondé et faire de cette paranoïa, après tout, une vision justifiée de la situation. D’où le renforcement de cette attitude qui est tout de même de la paranoïa, et enchaînement là aussi.

C’est un processus intéressant. Il ne débouchera sans doute pas sur des mesures concrètes ou sur des ruptures mais il participe clairement à un formidable renforcement de la ligne dure israélienne, par conséquent à une exacerbation de l’hostilité générale contre Israël. Pour les Israéliens, dans cette affaire, ce sont les USA qui sont responsables, l’administration Obama en premier certes, mais aussi les militaires US qui ont de leur côté alimenté la chose. On continue parallèlement à tenter de s’arranger, d’apaiser la crise, etc., mais cette fois la tâche est très difficile et chaque jour qui passe accroît le ressentiment entre les uns et les autres, et la rancœur radicalisée d’Israël contre les autres, tous les autres, et notamment les USA.

Si l’on n'envisage pas (encore?) d’événement fondamental en vue, de quelque chose qui ressemble à une rupture ici ou là, l’épisode va accroître profondément la rancœur et l’isolement d’Israël, et l’exaspération dissimulée contre Israël, mais de moins en moins dissimulée, dans les pays qui le soutiennent habituellement. Cela promet des affrontements encore plus vifs dans le futur, puisque, par ailleurs, il semble bien probable que Netanyahou ne changera rien à sa ligne, et même qu’il la durcira encore. La vigueur actuelle de la crise est là pour montrer combien cette évolution en profondeur, qui a déjà commencé bien avant l’actuelle crise, rend les crises successives entre Israël et ses “amis” de plus en plus fortes, de plus en plus dures, de plus difficiles à résoudre ou, au moins, à apaiser. Enchaînement, là aussi.


Mis en ligner le 24 mars 2010 à 0H710

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