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478Qui a compris ce qui se passe en Egypte, qui est capable de comprendre ce qui se passera en Egypte ? Il y a deux semaines, la place Tahrir était en effervescence, la police tirait, on comptait morts et blessés, le Revolution 2.0 était en marche. Les insurgés de “Tahrir 2.0” proclamait que les élections étaient un piège (“Elections, piège à cons”, comme disaient nos glorieux aînés de 68). Les militaires ont frappé d’une poigne pas trop dure sur une table réservée à cet effet, qui ne fait pas trop d’éclats, et ont décidé que “les élections, piège à cons” auraient tout de même lieu… Lesquelles “élections, etc.”, ont donné comme premier résultat une majorité aux Frères Musulmans et une majorité absolue aux islamistes (Frères Musulmans et salafistes extrémistes), ce qui constitue une issue assez étrange pour une opération d’abord considérée comme une récupération de la révolution anti-Moubarak par le pouvoir des militaires dans le sens de l’ancien régime. Pour l’instant, les grands perdants sont donc les “démocrates” plus ou moins “à l’occidentale”, libéraux et le reste.
…Ce qui, on le comprend, a l’heur d’alarmer considérablement Israël, qui va, avec le “printemps arabe”, plus ou moins activé ou soutenu par ses “alliés” du bloc BAO selon la théorie du complot du jour, de Charybde en Scylla. Après la Tunisie et le Maroc aux islamistes, la Libye dans diverses mains dont les plus puissantes sont proches d’al Qaïda, l’Egypte maintenant, – et dans quelles mains, telles qu'elles se profilent. PressTV.com, qui n’en rate pas une lorsqu’il s’agit d’observer les déboires israéliens, mentionne, ce 3 décembre 2011, la préoccupation considérable du ministre israélien de la défense, Ehud Barak.
«Israeli Defense Minister Ehud Barak says the initial result of the Egyptian elections are “very disturbing,” amid fears that the Muslim Brotherhood will end the long-standing peace treaty between the two. "The process of Islamisation in Arab countries is very worrying," Israel's Channel Two television quoted Barak as saying.
»In addition, Israel also worries that the MB will seek closer ties with the Palestinian Resistance Movement of Hamas, which controls the besieged Gaza Strip…
»Hamas had on Saturday hailed the partial results of the election with Hamas spokesperson Fawzi Barhum saying, “It is a very good result… it will mean more and more support for Palestinians issues.” “The relationship of the next regime in Egypt with the Palestinians will be very good,” Barhum said.»
Les détails de la course des évènements sont complexes et alternent les hauts et les bas, avec de soudaines retenues et d’aussi soudaines avancées, – ceci et cela sur la voie de la dissolution de l’ordre ancien amorcée il y a un an en Tunisie. Mais l’objectif fondamental de cette formidable poussée dont la dynamique échappe complètement à une action humaine concertée reste similaire, tel qu’on a pu l’identifier dès les premières semaines du soi-disant “printemps arabe”, – lequel devrait être finalement qualifié d’“insurrection arabe”, de la même manière qu’il y a une “insurrection américaine” (contre l’américanisme) avec Occupy aux USA. (“…Même combat”, comme l’on disait également en 68, prémonitoire pour les slogans, mais dans un sens qui tient également de l’inversion.)
Les Israéliens voient leurs pires prévisions renforcées par les élections égyptiennes. Pour eux, ces élections ont toutes les malchances de réactiver sérieusement le front palestinien, mais aussi établir un nouveau front aux frontières du Sinaï, et réactiver le projet conceptuel d’alliance entre l’Egypte et la Turquie évoqué cet été par Erdogan, en ramenant une partie de l’intérêt de la Turquie de la Syrie vers la question israélienne. Pour élargir le champ des bouleversements catastrophiques pour l’ordre ancien, on ajoutera cet avis assez significatif, sinon énigmatique dans les liens qu’il suppose entre l’auteur de cet avis et la situation en Arabie, du dirigeant du parti islamiste tunisien al-Nahda vainqueur des élections tunisienne, Rashid Ghannouchi, selon lequel l’Arabie Saoudite est au bord de l’explosion si elle ne décide pas des réformes absolument radicales. Ces initiatives réformistes qu’on réclame sont assez peu dans les capacités de l’actuel pouvoir plus ou moins intérimaire et extrêmement flou du prince Nayef en Arabie. (On ajoutera également, pour compléter le tableau, la recrudescence des tensions et des troubles au Bahrain et au Yemen.).
Quant au bloc BAO, dont l’attitude vis-à-vis de l’événement “printemps/insurrection arabe” est du type schizophrénie multiple, à la fois soutenant les pouvoirs en place, les groupes extrémistes des “réseaux sociaux” opposés aux pouvoirs en place, les groupes “libéraux” prétendument pro-occidentaux opposés aux deux précédents, les islamistes éventuellement lorsqu’ils sont supposés modérés, la politique israélienne et ainsi de suite, l’épisode “Tarhir 2.0”/élections/victoire islamiste n’a rien provoqué en fait d’analyse globale. Personne n’a vraiment rien vu venir parce qu’il semble bien que tout le monde ait renoncé à l’idée d’espérer “voir quelque chose venir”. Les analystes du bloc BAO sont aujourd’hui totalement perdus et écartelés, entre les constats de la vérité de l’évolution politique et les consignes des politiques élaborées dans les salons et dans les officines humanitaristes et droitdel’hommistes, qui sont immuablement enthousiastes en faveur de l’influence et de la politique du susdit bloc.
Mis en ligne le 5 décembre 2011 à 06H34